La France peut autoriser l'interruption des traitements qui maintiennent artificiellement en vie Vincent Lambert, un patient tétraplégique en état végétatif depuis sept ans, a tranché vendredi à Strasbourg la Cour européenne des droits de l'homme.
La
juridiction du Conseil de l'Europe a validé l'arrêt du Conseil d’État
français autorisant l'arrêt des soins dont bénéficie l'ancien infirmier
psychiatrique de 38 ans depuis un accident survenu en septembre 2008. Elle
a débouté ses parents, l'une de ses sœurs et un demi-frère qui
dénonçaient, dans cette mort programmée, une violation du "droit à la
vie" et un "traitement inhumain et dégradant".
L'épouse de Vincent Lambert, cinq de ses frères et sœurs,
ainsi qu'un neveu demandaient en revanche que le patient puisse mourir
"dignement", conformément à l'avis de ses médecins et à ce qu'il aurait,
selon eux, souhaité. L'arrêt, rendu par la grande chambre de la Cour, est définitif.
La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a estimé que
la mise en œuvre de l'arrêt des soins à Vincent Lambert, ne violerait
pas le droit à la vie du tétraplégique.
La Cour a dit, "par 12 voix contre 5, qu'il n'y aurait pas
violation de l'article 2 (de la convention européenne des droits de
l'Homme, régissant le droit à la vie) en cas de mise en œuvre de la
décision du conseil d’État autorisant l'arrêt des soins", a rapporté son
président Dean Spielmann. Victime d'un accident de la route en 2008,
qui a provoqué des lésions cérébrales irréversibles, Vincent Lambert, 38
ans, est hospitalisé dans une unité de soins palliatifs au CHU de
Reims, où il est nourri et hydraté artificiellement.
Fabrice Savel, L'Humanité, 5 juin 2015.La CEDH, plus haute instance judiciaire de défense des droits de l'Homme en EuropeLa jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), plus haute instance judiciaire chargée de veiller au respect des droits fondamentaux de 800 millions de citoyens en Europe, a souvent contraint les États à modifier leurs lois.L'outil fondamental de la CEDH est la Convention européenne des droits de l'Homme, une charte contraignante signée par les 47 pays membres du Conseil de l'Europe, de la Russie à la Grande-Bretagne, en passant par la Turquie et l'Azerbaïdjan.Cette convention aborde des droits aussi fondamentaux que la liberté de la presse, le droit au respect de la vie privée ou le droit à la vie. Ce qui peut amener la CEDH à se pencher sur des questions éthiques comme les droits parentaux des homosexuels, la gestation pour autrui (GPA), l'euthanasie ou le suicide assisté. Elle ne peut statuer qu'une fois qu'un citoyen a épuisé tous les recours juridiques dans son propre pays. Ses arrêts sont susceptibles d'être renvoyés devant la Grande chambre de la CEDH, dont les décisions, définitives, s'imposent alors au pays concerné.Celui-ci est alors contraint d'adapter sa législation à la jurisprudence de la CEDH pour éviter de nouvelles condamnations, ou d'offrir un nouveau procès au requérant.Dans l'attente d'un arrêt au fond, l'institution qui siège à Strasbourg a également le pouvoir de décider des mesures provisoires, lorsqu'il "y a un risque réel de dommages graves et irréversibles", notamment lorsqu'un requérant est sous le coup d'une procédure d'expulsion ou d'extradition vers un pays où ses droits seraient menacés. C'est également dans le cadre d'une telle procédure qu'elle a demandé en juin 2014 le maintien en vie du tétraplégique Vincent Lambert.En France, la jurisprudence de la CEDH a conduit les autorités à interdire la fouille intégrale systématique des détenus, ou à organiser un nouveau procès d'assises, en avril, pour Maurice Agnelet, à propos duquel la CEDH avait jugé en janvier 2013 que les précédentes condamnations aux assises n'avaient pas été suffisamment motivées.Et le 19 juin prochain, le procureur général de la Cour de cassation va recommander à la haute juridiction d'infléchir sa position sur la GPA à la suite d'arrêts de la CEDH, qui avait estimé que la France ne pouvait refuser d'inscrire à l'état civil les enfants nés par GPA à l'étranger.A la suite d'un arrêt rendu en 2002, le Royaume-Uni a été contraint d'instaurer un mécanisme grâce auquel un transsexuel peut demander un certificat de reconnaissance de son sexe et ainsi obtenir le droit de se marier.La plupart des Etats de droit signataires de la convention se conforment aux arrêts de la CEDH. Mais il se peut aussi qu'un Etat s'y refuse, à l'instar du Royaume-Uni, qui a été condamné en 2005 pour le retrait du droit de vote aux détenus et n'a toujours pas réformé sa loi.C'est le comité des ministres du Conseil de l'Europe qui fait régulièrement le point sur l'état d'exécution des arrêts de la Cour par les Etats membres, et qui prend ensuite des décisions pour faire pression sur eux. Parmi les pays les plus visés par des requêtes devant la CEDH figurent généralement l'Ukraine, l'Italie ou la Russie.
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