lundi 26 février 2018

Nutella: un laboratoire du malaise social

Certains faits anodins possèdent une valeur - ou, vu le contexte, une saveur - qui excède leur caractère anodin. Sans importance, ces faits ne nécessitent en principe aucun traitement urgent, un traitement d'appoint suffit, Dans la presse quotidienne, les faits anodins ne méritent pas d'être rapportés publiquement, ils intéressent peu et se distinguent des faits divers, par leur absence d'affect. Précisons l'étymologie du mot "anodin", il signifie "contre la douleur". 


Les faits anodins, les histoires anodines possèdent donc une vertu comparable à celle d'une analgésie, ils ne blessent pas, ils apaisent, ce qui explique qu'ils trouvent rarement leur place dans des rubriques journalistiques à sensation. Mais qu'est-ce qui est anodin et qu'est-ce qui ne l'est pas? Venons-en au fait et à son contenu. Qu'y à-t-il d'anodin dans le fait de se battre aujourd'hui dans des supermarchés de France pour se procurer des pots de Nutella en promotion? Rien. Si le produit en lui-même est anodin, n'importe quelle pâte à tartiner l'est, ne serait-ce que dans le geste répétitif qui garde quelque chose de l'enfance, entre la caresse et l'application d'une crème apaisante. Quant à sa composition, cette pâte ne l'est pas, anodine, se composant d'huile de palme. Outre cet aspect sanitaire ou écologique (la production d'huile de palme provoquant une forte déforestation), l'enjeu de ces rixes qui se sont multipliées relève d'un ailleurs sans exotisme, s'agissant de l'ici-et-maintenant de la pauvreté qui sévit dans les régions françaises et dans Paris. Il y a dans la future ville mondiale des jeux olympiques des scènes de violence qui datent d'un contexte historique d'un autre âge... Quiconque juge anodines ou anecdotiques ces scènes de violence, ou s'en amuse, frôle la monstruosité d'une forme de snobisme moral. Paris recèle de ces faisans dorés.

Photo : Damien Meyer/AFP
Photo : Damien Meyer/AFP

Les pauvres se tapent dessus et les ultra-riches gloussent en paix

Derrière ces faits de violence, il y a une vérité "en marche"! Une vérité qui se loge dans des faits apparemment mineurs, l'objet de la révolte étant lui-même mineur, tendance Pop art italien, si on s'évertue à l'accréditer de quelque vertu critique. De la pâte à tartiner! L'image porte à son comble l'étrangeté de la situation, son triste ridicule: un entartrage brutal qui ne s'effectue pas dans la tradition la plus burlesque, celle du peuple en direction de son prince, génialité de l'irrévérence française envers le puissant, mais un entartrage du peuple en direction du peuple! Les pauvres se tapent dessus et les ultra-riches gloussent en paix, ils ont compris que la plus haute autorité de France les aimait plus qu'il n'aimait ses propres ouailles de Versailles. Oui, les ultra-riches n'ont plus rien à craindre des frondeurs du poulailler, ces derniers ont développé le goût pour des pratiques de combats endogames qui raffolent les curieux.
Une économie de 3,09€ non négligeable pour de plus en plus de personnes qui ne vivent pas forcément sous le seuil de pauvreté
Source : L'Humanité, 15/02/2018.


samedi 24 février 2018

Qu’est-ce que la T2A, qui cristallise les tensions à l’hôpital ?

Le gouvernement a promis, mardi, de réformer l’offre de santé et notamment de s’attaquer à la T2A, le mode de financement très critiqué au sein de l’hôpital public.


Les craintes concernant le système de santé français ne manquent pas. Désertification médicale, fermeture d’hôpitaux, manque de praticiens hospitaliers… Mais, à l’hôpital public, la bête noire est un sigle court : T2A, pour tarification à l’activité. Instaurée en 2004 pour corriger les effets jugés pervers d’un système de financement global, elle devrait, à son tour, être « corrigée » par le gouvernement.
Le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé, mardi 13 février, une « réforme globale » du système de santé et promis que de nouveaux modèles de financement seraient introduits « d’ici à la fin de l’année 2019 » pour remédier aux effets indésirables de la T2A.

Qu’est-ce que la tarification à l’activité ?

La T2A représente aujourd’hui 70 % des ressources des hôpitaux publics, mais elle est aussi le mode de financement des établissements de santé privés. Comme son nom l’indique, elle rémunère les établissements en fonction de l’activité médicale qu’ils réalisent. Elle s’applique aux activités de médecine, de chirurgie, d’obstétrique et d’odontologie.
Sous une apparence technique, le principe en est relativement simple. Concrètement, grâce à un codage informatique, les patients sont regroupés en « groupes homogènes de malades », eux-mêmes regroupés en plusieurs « groupes homogènes d’hospitalisation » en fonction des diagnostics et des actes médicaux pratiqués. A chacun de ces groupes (près de 2 300), le ministère de la santé applique chaque année un tarif, sur la base duquel l’Assurance-maladie rembourse l’établissement.

Pourquoi a-t-elle été mise en place ?

Depuis  1984 et jusqu’en 2004, les hôpitaux étaient financés par un budget global reconduit chaque année, qui ne s’adaptait que peu – voire pas – aux variations d’activité.
S’il permettait aux hôpitaux d’avoir de la lisibilité sur leur budget, il était critiqué sur tous les fronts pour son caractère inefficace. D’une part, la dotation globale pénalisait les établissements, dont l’activité augmentait, qui ne pouvaient se développer faute de ressources suffisantes. A l’inverse, elle était accusée de créer une situation de rente pour ceux dont l’activité baissait d’une année sur l’autre.
En 2004, la T2A est donc plébiscitée à droite comme à gauche comme un moyen d’optimiser les dépenses et le fonctionnement de l’hôpital. Le ministre UMP de la santé, Jean-François Mattei, expliquait alors qu’il n’y avait « pas d’alternative ». Comme Jean-Marie Le Guen, alors député socialiste, qui déclarait en 2003 que cette réforme était « indispensable (…) pour l’hôpital public ».

Quelles sont les critiques qui lui sont faites ?

Elles sont légion dans les hôpitaux, qui subissent des difficultés budgétaires chroniques depuis sa mise en œuvre. En 2017, leur déficit était compris entre 1,2 et 1,5 milliard d’euros, soit deux fois plus qu’il y a dix ans.
La T2A est surtout critiquée pour la « course à la rentabilité » qu’elle entraîne insidieusement. Elle peut, en effet, inciter à réaliser le plus d’activité possible pour ramener de l’argent à l’hôpital. Contrairement à sa vocation initiale, rationaliser les dépenses, la T2A se révèle donc inflationniste. Elle peut également encourager à mettre l’accent sur certaines activités bien rémunérées. En 2014, le ministère de la santé notait ainsi une augmentation du nombre de séjours en chirurgie à l’hôpital public.

(...)

Source : Le Monde, 23/02/2018.
Article intégral en ligne : http://www.lemonde.fr

jeudi 22 février 2018

Tabac : comment les industriels ont menti sur la composition des cigarettes

Fume-t-on dix paquets de cigarettes en croyant n’en fumer qu’un ? C’est la crainte du Comité national contre le tabagisme (CNCT), qui vient de porter plainte contre les filiales françaises de quatre cigarettiers. Selon elle, les fabricants de tabac tricheraient sur la teneur en goudron et en nicotine de leurs produits. Une supercherie révélée dès les années 1980, mais que continueraient d’employer plusieurs industriels. Au cœur du scandale, les filtres des cigarettes et l’appareil employé pour faire les tests. Le pôle vidéo du Monde vous explique. 

Source : Le Monde, 09/02/2018.



mardi 20 février 2018

Nikos Smyrnaios : « On va graver dans Internet une hiérarchie néolibérale des médias »

Loi sur les fake news, fin de la neutralité du Net… les gouvernements légifèrent sur Internet à tout-va, avec des conséquences dramatiques sur l’accès à une information pluraliste et, en toile de fond, des rapports de forces économiques. Décryptage avec le chercheur, spécialiste du journalisme en ligne et de l’usage des réseaux sociaux.


Emmanuel Macron a annoncé une loi pour combattre les fake news comportant quelques pistes comme une transparence du contenu sponsorisé. Qu’en pensez-vous ?


Nikos Smyrnaios Je suis favorable à une régulation accrue des plateformes et des réseaux sociaux numériques comme Facebook, YouTube ou Twitter. Leur imposer des obligations de transparence est une nécessité. Mais elle devrait s’étendre, au-delà des contenus sponsorisés en période électorale, à des domaines autrement plus stratégiques comme le fonctionnement des algorithmes, la nature et la quantité des informations collectées sur les utilisateurs et la manière dont elles sont exploitées, les pratiques d’évitement fiscal, des conditions de travail dans l’ensemble de cette chaîne de production, y compris chez les sous-traitants, etc. Chose qui évidemment n’est pas prévue dans la loi et reste très compliquée à implémenter. Par ailleurs, il existe déjà de multiples dispositions qui interdisent la diffusion de fausses informations comme celle qu’on trouve dans le Code électoral mais aussi dans la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881. Il y a plusieurs problèmes dans la proposition de Macron : pourquoi réduire le champ d’application à la campagne électorale et comment délimiter celle-ci ? Quelles élections seront concernées ? Enfin, l’idée de pouvoir saisir un juge en référé, capable de « supprimer le contenu mis en cause, de déréférencer le site, de fermer le compte utilisateur concerné, voire de bloquer l’accès au site Internet » est aussi problématique car elle touche aux limites de la liberté d’expression. On risque d’assister à des abus visant à éliminer les opinions qui ne conviennent pas à l’un ou l’autre acteur politique. Sans compter le fait que le juge n’a pas les moyens de vérifier la véracité d’une information dans l’urgence. Ça, c’est un métier, ça s’appelle le journalisme.

Certains pays comme l’Allemagne ont déjà fait passer ce type de loi…


Nikos Smyrnaios Oui, mais la loi en Allemagne concerne uniquement la diffusion du discours haineux, raciste et l’incitation à la violence, choses dont les juges ont l’habitude de s’occuper. Par ailleurs, elle n’est pas limitée à la campagne électorale et elle prévoit de grosses amendes pour des plateformes en cas de non-respect. Le but recherché est donc de pousser ces sites à agir de manière préventive. Le résultat est que les comptes de deux députés du parti d’extrême droite AfD ont été suspendus temporairement mais aussi celui d’un magazine satirique. Il peut y avoir des bavures quand les plateformes font du zèle pour préserver leur image sans qu’il y ait nécessairement intervention judiciaire. Le problème est que leurs décisions se prennent dans l’opacité et l’arbitraire le plus total. Autre exemple aux États-Unis, plusieurs sites d’information de gauche parmi lesquels les très sérieux et populaires Democracy Now ! et AlterNet, se sont vus relégués au fin fond de résultats de Google à la suite de mesures que celui-ci a prises pour contrer la désinformation. On peut voter toutes les lois qu’on veut, contre le racisme, le terrorisme ou les fausses informations, sans contrôle démocratique, leur mise en application se fera dans la boîte noire que sont ces plateformes.

(...)

L'Humanité, 09/02/2018.
Article intégral en ligne : https://www.humanite.fr

dimanche 18 février 2018

Ehpad : état des lieux de l’accueil des personnes âgées sur le territoire

L’offre de places dans ces établissements est inégalement répartie en France, le taux d’équipement étant souvent plus élevé dans les zones rurales.


Appelés à la grève par sept organisations syndicales, les personnels des maisons de retraite médicalisées entendaient, mardi 30 janvier, dénoncer l’insuffisance de leurs moyens et la réforme de la tarification. Depuis le 1er janvier 2017, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont soumis à de nouvelles règles visant à faire converger d’ici à 2023 les dotations entre public et privé, en vertu d’une réforme du précédent gouvernement.
Une réforme globale du financement du secteur, réclamée par les syndicats, a été annoncée par plusieurs gouvernements successifs, mais n’a jamais été réalisée. Etat des lieux de l’accueil des personnes âgées à l’heure actuelle en France.

Alzheimer, un résident sur cinq

Environ 728 000 personnes vivent en Ehpad, avec une moyenne d’âge de 85 ans. Cinq résidents sur six bénéficient de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), non soumise à condition de revenus, et plus d’un sur six de l’aide sociale à l’hébergement (ASH). Plus d’un sur cinq est touché par la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée.


(...)

Source : Le Monde, 30/01/2018.
Article intégral en ligne : http://www.lemonde.fr