vendredi 31 octobre 2014

Le Code du travail est-il un atout 
pour le développement économique ?


Plus de droits du travail =moins d’emplois ?


Par Jean-Pierre Gabriel, responsable 
du service juridique 
de la CGT, Agnès Verdier-Molinié, directrice 
de la Fondation pour la recherche 
sur les administrations et les politiques publiques et Jacques Le Goff, professeur émérite de droit public, ancien inspecteur 
du travail.


"Un code protecteur pour dynamiser l’économie" par Jean-Pierre Gabriel, responsable 
du service juridique 
de la CGT

"Il déclenche la peur 
de l’embauche" par Agnès Verdier-Molinié, directrice 
de la Fondation pour la recherche 
sur les administrations et les politiques publiques.
"Un symbole contesté 
depuis 1910" par Jacques Le Goff, professeur émérite de droit public, ancien inspecteur 
du travail.

Photo : Fred Tanneau/AFP
Photo : Fred Tanneau/AFP

Lire la suite de l'article sur L'Humanité.fr : http://www.humanite.fr/le-code-du-travail-est-il-un-atout-pour-le-developpement-economique-555791

Protection sociale : veulent-ils dynamiter le modèle français?


Le projet de loi de finances de la Sécurité sociale à l’Assemblée.


Par Christian Gaudray, président de l'union des familles laïques, Gilbert Toesca, ancien responsable syndical et mutualiste et Bernard Lamirand, animateur du comité d’honneur Ambroise Croizat.

"Le dernier verrou avant la destruction de la Sécurité sociale" par Christian Gaudray, président de l'union des familles laiques.
     "Un fondement de notre pacte social" par Gilbert Toesca, ancien responsable syndical et mutualiste.
     "Défendre l’universalité des prestations sociales" par Bernard Lamirand, animateur du comité d’honneur Ambroise Croizat.



 

Déserts médicaux : la politique désarmée jusqu'aux dents



Fin septembre, dans les Pyrénées-Atlantiques, une anesthésiste belge vraisemblablement alcoolisée a causé la mort d’une jeune mère de 28 ans. Dans la Nièvre, un dentiste néerlandais est recherché pour avoir « massacré » des centaines de patients. Tous les deux ont été recrutés par des cabinets privés, ceux que l’on appelle « dénicheurs de talents »...  


Au-delà du fait divers, ces drames illustrent de graves choix politiques.

Lire la suite : http://www.humanite.fr/deserts-medicaux-la-politique-desarmee-jusquaux-dents-555665

 Par Pierre Souchon, L'Humanité.fr


jeudi 30 octobre 2014

Le suicide est contagieux à l'adolescence

On décrit souvent les adolescents comme des êtres influençables. Une récente étude sur les comportements suicidaires corrobore cette idée. Quand un membre de son entourage a tenté de mettre fin à ses jours, un adolescent a plus de risques de développer des pensées suicidaires, voire d’essayer à son tour de se donner la mort. Deux chercheurs en sociologie de l’université de Memphis se sont penchés sur les données de l’enquête nationale longitudinale sur la santé des collégiens et des lycéens aux États-Unis. Les auteurs ont pris soin de se concentrer sur les jeunes qui n’avaient pas déclaré de comportements suicidaires lors de la première vague de l’enquête, en 1994-1995. Ils ont surveillé l’apparition de telles conduites un an et six ans après la tentative de suicide d’un proche.

À la lueur des résultats, les garçons apparaissent moins vulnérables que les filles : dans les mêmes circonstances, la probabilité de développer des comportements suicidaires est plus grande pour ces dernières. L’hypothèse des auteurs ? Elles seraient plus affectées car elles ont tendance à construire des relations plus intimes avec leur entourage et font davantage preuve d’empathie. Pour les filles comme pour les garçons, l’effet de contagion s’avère également plus fort face à l’acte désespéré d’un ami,
plutôt qu’à celui d’un membre de la famille. D’autres recherches ont mis en évidence le mouvement important d’identification aux pairs, caractéristique de l’adolescence, qui accompagne les efforts de différenciation vis-à-vis de l’entourage familial. Enfin, après la tentative de suicide d’un proche, l’effet sur les comportements des jeunes étudiés est durable : il persiste au moins un an et s’estompe de manière significative sous six ans.

Aurélia Descamps - Sciences Humaines novembre

Travailler de nuit est-il nocif ?

Le travail de nuit progresse en France. Les salariés concernés sont souvent motivés par une rémunération attractive, mais la médaille a un revers : des risques
pour la santé et un délitement de la vie sociale.

Se lever tôt, trop tôt, se coucher tard, subir des insomnies : de trop nombreux actifs accumulent au fil du temps une « dette de sommeil ». Les Français dorment, en moyenne, 7 h 47, 18 minutes de moins qu’il y a 25 ans – et même 50 minutes pour les 15-17 ans. Certains travailleurs se retrouvent dans une situation particulièrement vulnérable : les travailleurs de nuit. C’est à eux que s’est intéressée la Dares dans une étude récente. Combien sont-ils ? Quels risquent leur activité nocturne fait-elle peser sur leur santé ? 



À qui profitera le papy-boom ?



C’est un fait acquis : au fameux baby-boom des années 1960 succède un papy-boom qui correspond à la sortie de ces générations du marché du travail. Entre 2010 et 2020, près d’un salarié sur trois, soit près de 8 millions de personnes, aura pris sa retraite, ce qui libérera quantité d’emplois – 705 000 par an entre 2016 et 2020… à condition que les entreprises concernées les réaffectent. Quels sont ces emplois qui vont potentiellement devenir vacants ?

Tout d’abord, géographiquement, toutes les régions ne seront pas logées à la même enseigne, en fonction de la part des « seniors » dans leur population active. Ainsi, la part de ceux qui avaient un emploi et qui étaient âgés de 50 à 69 ans en 2009 était la plus forte dans le Limousin (27 % de la population active occupée), en Auvergne, en Corse et en Bourgogne (26 %) ; à l’inverse, le Nord-Pas-de-Calais, l’Alsace et les Pays de la Loire (23 %) se trouvent en fin de liste. Les emplois ne se libéreront donc pas également sur l’ensemble du territoire. De même, tous les secteurs d’activité ne seront pas identiquement concernés : c’est dans le domaine des services à la personne et aux collectivités (employés de maison, aides à domicile, aides ménagères, assistantes maternelles…) que l’on trouvera le plus d’emplois libérés, ainsi que dans les métiers de la fonction publique. 

Les métiers employant le plus de main-d’œuvre jeune seront moins concernés : coiffeurs, esthéticiens, emplois dans l’hôtellerie et la restauration, caissiers, mais aussi métiers de l’informatique…

Si ces projections nous donnent une tendance, il est cependant difficile d’en inférer des conclusions sur l’évolution du chômage, tant celle-ci dépendra de la situation conjoncturelle (faillites d’entreprises, plans sociaux, délocalisations, et, à l’inverse, création d’activités et d’emplois liés à de nouveaux débouchés générés par l’innovation).

Nathalie Delattre, « Dans toutes les régions, des départs massifs de fin de carrière d’ici 2020 », Insee Première, n° 1508, juillet 2014.







Renaud Chartoire Mis à jour le 06/10/2014 Sciences Humaines 

mercredi 29 octobre 2014

MALADIES : L’origine des pandémies

Ebola a ravivé le fantasme d’un virus qui ravagerait la surface du globe, surgi de la jungle comme une vengeance de la nature contre l’homme. Pourtant, les épidémies les plus redoutables naissent au cœur des cités surpeuplées, des camps de réfugiés et des bidonvilles, ces immenses réservoirs à maladies.



Hebdo n°1251 Courrier International

Seuls les riches seront immortels

Vivre plus longtemps, en bonne santé… Et même, pourquoi pas, vivre pour toujours, dans un corps synthétique qui ne connaîtra ni la maladie, ni la décrépitude, ni la mort. Financés par des multinationales et des oligarques milliardaires(lire cet article), de nouveaux alchimistes poursuivent ce vieux rêve de l’humanité. Mais cet âge d’or sera réservé aux riches et dessinera une nouvelle lutte des classes, prophétise le magazine Aeon (lire cet article). L’avenir se partagera entre ceux qui auront accès aux coûteux traitements médicamenteux, aux thérapies géniques, et les autres, pour lesquels la vieillesse sera de courte durée. 






Courrier International N° 1251 du 23/10/2014

lundi 27 octobre 2014

La ballade de la censure

Emprisonnement pour blasphème, peloton d'exécution pour antimilitarisme, ou encore simple interdiction : l'ouvrage " 100 chansons censurées " recense les différentes formes d'interdit, au fil du temps et de la morale

L'idée  leur est venue juste après les Victoires de la musique de 2011, lors de la préparation d'une émission spéciale sur France Inter. " Les documentalistes de Radio France avaient commencé un travail d'exploration de l'“enfer” de la discothèque, regroupant les disques ayant été jugés politiquement ou moralement incorrects ", expliquent Emmanuel Pierrat, avocat spécialiste du droit d'auteur et de l'information, et Aurélie Sfez, femme de radio. Tous deux publient aujourd'hui 100 chansons censurées, un ouvrage grand public qui recense " des chansons malmenées ".
Jusqu'en  1964, la Radiodiffusion-télévision française (RTF) était protégée des outrages par un comité de censure, dit comité d'écoute, qui établissait quatre niveaux : chansons autorisées, diffusées après 22  heures, diffusées après minuit, ou interdites d'antenne. Brassens, les Frères Jacques, Barbara, Ferré, Gréco, Antoine, Polnareff, Brel et d'autres passèrent sous les fourches caudines des " écoutes " – tandis que la BBC interdisait la diffusion des Beatles ou de Donovan à cause des allusions à la drogue. Puis le bâton du gendarme fut confié au ministère de l'intérieur, ou à celui de la communication, et se transmit au gré des humeurs des ministres, des secrétaires d'Etat ou des puissants.
L'histoire ne dit pas qui avait fait pression, en  1966, sur Claude Contamine, alors directeur de la télévision de l'ORTF, pour exiger de Pierre Perret qu'il modifie les paroles des Jolies Colonies de vacances lors de sa prestation chez Guy Lux. Récalcitrant, le chanteur fut interdit sur la deuxième chaîne de télévision pendant six mois. La petite histoire raconte qu'Yvonne de Gaulle en personne aurait téléphoné à Roland Dhordain, alors directeur de France Inter, afin que soit retirée des ondes cette " honte de la France ".

États-Unis La vie privée surgelée.

 Carrière ou enfants : chaque chose en son temps. facebook, google, et bientôt apple, financent la congélation des ovocytes de leurs salariées. Pour mieux les faire cravacher ?

Faut-il y voir une libération ? Une aliénation ? La décision de Facebook et d'Apple de financer la congélation d'ovocytes pour leurs employées suscite un débat passionné aux Etats-Unis, à l'heure où les <i>executive women</i> avouent leur frustration de ne pouvoir "tout avoir" en même temps : enfants et carrière. Facebook, dont la numéro deux est la néo-féministe Sheryl Sandberg, a commencé au début de l'année à inclure la congélation des ovocytes dans l'assurance-santé offerte à ses employées. Apple a confirmé qu'il fera de même en janvier 2015. Google a fait savoir qu'il la proposait déjà. Pour ces entreprises, il s'agit d'attirer et de retenir les cadres par des avantages (<i>"perks"</i>) que d'autres employeurs ne sont pas en mesure de proposer. La procédure de congélation sera couverte à concurrence de 20 000 dollars, soit deux collectes d'oeufs, à quoi s'ajoutent 500 dollars annuels pour la conservation.
L'offre de ces groupes réputés avant-gardistes coïncide avec une idée dans l'air du temps aux Etats-Unis : pourquoi ne pas reporter la maternité pour travailler plus intensément ? Grâce aux avancées dans la procréation, les femmes pourraient échapper à l'éternel dilemme enfants/carrière. Le magazine économique Bloomberg Businessweek en a fait une couverture - enthousiaste - en avril :<i> "Congelez vos oeufs, libérez votre carrière." En suspendant l'horloge biologique, la congélation des ovocytes serait, selon lui, une révolution aussi importante que la pilule.</i>

La Hadopi en quête de nouvelles missions La Haute Autorité présente son rapport d'activité sur fond de remise en question de son efficacité

Que faire de la Hadopi ? C'est la question que se pose le gouvernement, alors que la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet va présenter, mardi 28  octobre, son quatrième rapport d'activité. A ce jour, la Hadopi constitue un véritable casse-tête et le malaise autour de cette jeune institution est de plus en plus perceptible.

dimanche 19 octobre 2014

Les allocs sous conditions



L’Élysée a tranché : les allocations familiales seront modulées selon les revenus des familles. Réactions.


Économies, économies… l’exécutif, cherchant à gratter 700 millions d’euros dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), souhaitait diviser par trois la prime à la naissance à partir du deuxième enfant, ce qui aurait permis de mettre 250 millions de côté. Mais, en commission des Affaires sociales (pourtant vidée de ses « frondeurs » du PS par Bruno Le Roux), mercredi soir, les députés, y compris socialistes, ne semblaient pas unanimes. À la place de cette mesure, beaucoup souhaitaient remettre en question l’unicité des prestations familiales. En début de semaine, la secrétaire d’État chargée de la Famille, Laurence Rossignol, s’était montrée plutôt ouverte à une telle proposition. « L’idée d’introduire un critère de revenus pour l’attribution d’un certain nombre de prestations, visiblement, les citoyens français pensent que ça serait plus juste, chez les députés de gauche tous le pensent, et il y en a aussi à droite qui le pensent. »

L’Élysée a donc tranché hier en fin d’après-midi : exit la mesure sur la prime à la naissance ; à la place, les allocations familiales seront désormais soumises aux revenus des ménages à partir de 6 000 euros par mois pour un couple avec deux enfants dont les deux membres travaillent. À ce niveau, les allocations seront divisées par deux ; par quatre au-delà de 8 000 euros de revenus. « Toutes les familles toucheront des allocations. Il n’y a aucune rupture de l’universalité », assure aux Échos la rapporteuse de la branche famille du PLFSS, Marie-Françoise Clergeau (PS). Pas sûr que les associations familiales et les syndicats l’entendent de cette oreille. (...)


Photo : AFP
Photo : AFP


Par Tania Meller, 
le vendredi 17 Octobre 2014.
Lire la suite de l'article : http://www.humanite.fr/les-allocs-sous-conditions-554952

L’un des deux vaccins attendus contre Ebola ne sera pas disponible avant 2016

Les vaccins développés dans l’urgence contre le virus Ebola parviendront-ils à temps pour immuniser les soignants et les populations les plus exposés et enrayer enfin l’épidémie qui sévit depuis mars 2014 en Afrique de l’Ouest, avec plus de 4 500 morts ? La question est posée après les déclarations du responsable de la recherche vaccinale de la firme pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline (GSK), qui reconnaît des retards à lancer ce programme et n’envisage pas que son vaccin puisse être disponible avant 2016.


GSK travaille sur l’un des deux candidats vaccins contre le virus de la fièvre Ebola identifiés comme prometteurs par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Baptisé cAd3-ZEBOV, il utilise un adénovirus de chimpanzé, inoffensif pour l’homme, dans lequel a été inséré un gène non infectieux du virus Ebola afin d’éduquer le système immunitaire à reconnaître et à détruire ce dernier.

Après des résultats encourageants lors d’essais sur des singes, la phase préliminaire d’études chez l’homme a été lancée au début d’octobre sur des volontaires sains aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Elle aura également bientôt lieu sur le continent africain, au Mali et au Ghana. Au total, 160 volontaires y prendront part.
Parallèlement au développement du procédé de fabrication industrielle, ces essais dits « de phase 1 » n’ont pour but que l’évaluation de l’innocuité et de la tolérance du candidat vaccin, ainsi qu’une première estimation de sa capacité à induire une réaction immunitaire. L’efficacité est jugée lors d’essais cliniques ultérieurs, dits « de phase 2 ». Et il faut également déterminer le bon dosage et pratiquer des essais à plus grande échelle (phase 3) afin de consolider les connaissances sur la protection induite.

Un vaccin expérimental est développé au Canada, à Winnipeg.
Un vaccin expérimental est développé au Canada,
à Winnipeg. | AFP / MICHEL COMTE

TROP TARD POUR CETTE ÉPIDÉMIE

 

Dans un entretien accordé à la BBC, mis en ligne vendredi 17 octobre, le docteur Ripley Ballou, directeur du programme de recherche vaccinale sur Ebola chez GSK, a indiqué que les données complètes de sécurité et d’efficacité ne seraient pas disponibles avant la fin de l’année 2015. GSK espère disposer de près de 20 000 doses prêtes à être testées au début de l’année prochaine. « Nous devons être capables de fabriquer le vaccin dosé conformément à ce qu’il faudra utiliser en pratique courante et cela nous entraînera largement en 2016 pour en arriver là, a déclaré le docteur Ballou. Je ne pense pas que l’on puisse le considérer comme la première réponse à cette épidémie en cours, mais les essais en cours pourront aider dans le futur. »
« Entendre GSK affirmer qu’un vaccin Ebola arrivera “trop tard” est franchement décevant, a réagi le docteur Manica Balasegaram, directeur exécutif de la campagne d’accès aux médicaments de Médecins sans frontières. Nous reconnaissons et approuvons le développement fortement accéléré du vaccin Ebola de GSK, mais les efforts doivent s’intensifier, car nous pensons qu’un vaccin serait important pour enrayer cette épidémie, de même que prévenir et contrôler Ebola à l’avenir. Personne ne sait combien de temps durera cette épidémie. Nos patients, ceux qui travaillent en première ligne et la population de l’Afrique de l’Ouest ne peuvent entendre que c’est trop tard. »
Pour ce responsable de MSF, la situation sur le terrain est « catastrophique ». Dans cette crise, « un vaccin pourrait être le point charnière », affirme-t-il. « Cette épidémie ne permet aucun retard, et l’impact d’un vaccin sur le nombre de gens qui seront atteints et qui mourront d’Ebola pourrait être significatif. Les pays doivent aussi jouer leur rôle en incitant et en facilitant son développement. Nous encourageons GSK, de même que tous les autres développeurs de vaccins, à tout mettre en œuvre et à être ambitieux afin d’obtenir un vaccin sûr et efficace pour l’Afrique de l’Ouest aussi vite que possible. »

ATERMOIEMENTS

 

Accélérer la mise au point et la fabrication d’un vaccin est indispensable, mais il n’est pas question de faire n’importe quoi, tout le monde est d’accord sur ce point. Dans cette course contre la montre, qui se chiffre en milliers de vies, le docteur Ballou, dans son entretien à la BBC, révèle des atermoiements lors des discussions sur l’accélération du développement d’un vaccin contre Ebola qu’a eues GSK avec l’OMS en mars 2014, alors que l’épidémie avait déjà débuté. D’après lui, cette nécessité avait été écartée.
« Personne n’a anticipé que nous aurions besoin d’un vaccin. De ce fait, en interne et — je crois — à l’OMS, nous avons pensé que la meilleure attitude serait de surveiller étroitement l’épidémie. » Le journaliste de la BBC Simon Cox commente : « Sept mois plus tard, avec un virus hors de contrôle, [le docteur Ripley Ballou] concède : “Rétrospectivement, je pense que nous aurions dû déclencher le tir plus tôt. Mais, vous savez, ce qui est fait est fait, et nous travaillons étroitement avec l’OMS. Il n’y a pas lieu de pointer du doigt les uns ou les autres à ce sujet”. » Pas sûr que tout le monde passe ces retards par pertes et profits.

Par Paul Benkimoun.
Article publié dans le journal Le Monde du 18 octobre 2014.

jeudi 16 octobre 2014

Tests Ebola : une course contre la montre

Les autorités sanitaires ont mis en place une procédure afin d’évaluer l’éventualité d’une infection par le virus Ebola chez une personne vue par un professionnel de santé ou ayant été signalée aux services de santé. Responsable du Centre national de référence des fièvres hémorragiques, à l’Institut Pasteur de Lyon, Sylvain Baize en détaille les différentes étapes, jusqu’à l’obtention des résultats d’analyse.


La possibilité d’une infection par le virus Ebola est envisagée devant un patient ayant voyagé dans un pays considéré comme à risque au cours des 21 jours précédents et présentant une température supérieure ou égale à 38 °C. Elle l’est également pour tout individu n’ayant pas voyagé en zone à risque mais ayant été en contact étroit avec une personne infectée. Cette personne est alors considérée comme cas « suspect ».


ALERTE DU CENTRE 15


Dès lors, la personne suspecte ne doit pas entrer en contact avec d’autres individus. La procédure prévoit que le professionnel de santé, qui le premier a vu le patient, revête des équipements de protection individuelle et alerte l’Institut de veille sanitaire (InVS) et le centre 15. Si l’InVS estime qu’il s’agit bien d’un cas possible, le SAMU, en lien direct avec l’agence régionale de santé (ARS) évacue le patient suspect vers l’établissement de santé de référence (ERS) le plus proche.

L’InVS et l’ARS soumettent le patient à un questionnaire plus poussé, notamment pour préciser l’existence de facteurs de suspicion supplémentaires : contact avec un malade, soins à une personne infectée, participation à des funérailles dans un pays affecté, signes hémorragiques évocateurs, consommation de viande de brousse… Le cas sera également considéré comme possible si la personne n’est pas en état de répondre ou s’il existe des doutes sur les dates de séjour en zone à risque.

Une fois arrivé à l’ESR, le cas suspect sera isolé en chambre à dépression et les personnels de santé s’équipent afin d’éviter tout contact avec le patient présentant des symptômes compatibles, mais également en cas de doute si la personne n’est pas en état de répondre ou s’il existe des interrogations sur les dates de séjour en zone à risque.
 

Par Paul Benkimoun.
Article publié par Le Monde du 16 octobre 2014. 

Facebook et Apple : le féminisme au congélateur


Les deux firmes, l’oeil rivé sur la rentabilité, proposent à leurs salariées 
de congeler leurs ovocytes pour éviter les grossesses en début de carrière.


Cette anecdote, qui fleure bon le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, n’a malheureusement rien du roman d’anticipation. Elle est depuis quelques semaines une réalité chez Facebook. Et le sera bientôt chez Apple, en janvier prochain. Les deux géants de la Silicon Valley, qui aiment tant se présenter comme des modèles de management, ont décidé de faciliter pour leurs employées la congélation d’ovocytes. Les deux firmes proposent, dans le cadre de la couverture médicale que l’employeur paye aux États-Unis, de prendre en charge une partie des frais de vitrification, à hauteur de 20 000 dollars (16 000 euros). Une somme qui permet de financer, en moyenne, deux prélèvements d’ovocytes, à laquelle il faut ajouter 500 dollars (400 euros) minimum de frais annuels de conservation.



Des déclarations pseudo-éthiques


Sans rire, Facebook et Apple présentent l’initiative comme un bon moyen de lutter contre la discrimination qui frappe les femmes dans ces entreprises, où les deux tiers des employés sont des hommes. Leur argument : en congelant leurs ovocytes, les salariées, qui ont généralement leur premier enfant autour de la trentaine, pourraient consacrer cette « décennie stratégique » à évoluer professionnellement, sans se préoccuper de leur baisse de fertilité, avant de décider sur le tard de pouponner, si le cœur leur en dit. Outre-Atlantique, les promoteurs de cette solution ont un discours bien rodé. « En assurant cette possibilité à leurs employées, ces entreprises investissent dans les femmes et leur permettent de vivre la vie qu’elles ont voulue », assure Brigitte Adams, fondatrice du forum médical Eggsurance.com. Une posture féministe qui a du mal à convaincre, y compris du côté de la Californie. De nombreux blogs américains estimaient, hier, que cette décision était surtout une façon de montrer que carrière et maternité sont incompatibles en permettant de repousser l’une pour privilégier l’autre. Et pointaient, derrière les déclarations pseudo éthiques de ces grands groupes du high-tech, le souci – bien réel lui – de compétitivité à tous crins. « Le seul objectif de ce genre d’initiative n’est pas l’égalité femmes-hommes mais de rendre le salariat féminin le plus disponible possible, quitte à empiéter sur sa vie intime », décrypte Céline Verzeletti, membre du bureau confédéral de la CGT. 


Déchargée du « souci » de la maternité, les femmes peuvent se consacrer corps et âme à l’entreprise qui se paye le luxe, de son côté, de s’assurer des gains de productivité tout en diffusant une image bienveillante à l’égard de ses salariés. Stratégie redoutable et hautement dangereuse. « Si l’on pousse la logique, les femmes qui refusent de donner leurs ovocytes dans ces entreprises seront virées ou pas embauchées ? » interroge Céline Verzeletti, qui évoque une nouvelle forme « d’esclavigisme moderne ». Même indignation pour Suzy Rotman : « Ce procédé de congélation est tout à fait scandaleux, s’agace la porte-parole du Collectif national pour le droit des femmes. Facebook et Apple pénètrent dans la vie privée de ses salariées avec une gestion ultra-intrusive et paternaliste qui fait presque penser au XIXe siècle. » Mais, au fond, faut-il s’étonner que ce soit ces deux firmes qui proposent un tel procédé ? Toutes deux, ainsi que leurs homologues de la Silicon Valley comme Google ou IBM, sont passées maîtresses dans l’art d’utiliser le prétendu bien-être des salariés à leur profit. Depuis des années, leur idée est d’organiser un environnement de travail dans lequel l’employé sera le plus productif possible. Quitte à tout contrôler. Derrière les murs de ces entreprises, les lieux de sociabilité sont optimisés au maximum. Mais pas seulement. On aide le salarié à se loger pas cher et pas loin, on le transporte dans le bus de la firme pour qu’il ne soit jamais en retard, on lui crée des crèches en entreprise pour qu’il n’ait jamais à partir plus tôt le soir, on va jusqu’à lui fournir une laverie pour qu’il n’ait pas à se préoccuper de son linge sale… Lui assurer la congélation de ses ovocytes pour ne pas qu’il lui vienne l’idée saugrenue de prendre un congé maternité est une étape supplémentaire dans cette gestion cocooning aux relents totalitaires. « Cette idée de congélation est une manière d’asservir encore plus la salariée et de la renvoyer à sa seule responsabilité individuelle, souligne Suzy Rotman. Pendant ce temps, on ne réfléchit pas aux meilleures manières de mettre en œuvre le congé maternité ou au partage des tâches… » Du côté de la Silicon Valley, l’odre social n’est pas prêt de se décongeler

Cindy n’a pas hésité longtemps. Tiraillée depuis des années entre son boulot de cadre dans une grande société de high-tech et son désir d’avoir un enfant, cette trentenaire pleine d’allant a décidé de dire oui à la proposition de sa hiérarchie. D’ici quelques semaines, Cindy poussera la porte d’une clinique spécialisée et fera, avec l’aide financière de son patron, congeler plusieurs de ses ovules. Après s’être convertie à la salle de sport de l’entreprise, avoir laissé son linge sale à la laverie de l’entreprise, avoir accepté de prendre matin et soir le bus de l’entreprise, la jeune femme sera, cette fois, libérée des contingences de son horloge biologique. Elle pourra continuer de s’impliquer « à 200 % », comme son manager aime le lui rappeler, tout en gardant l’espoir d’une grossesse future…

Laurent Mouloud
Article publié par L'Humanité le jeudi 16 octobre 2014.

Hôpital. Les 35 heures dans la ligne de mire



Après la Cour des comptes et le Medef, la Fédération hospitalière de France (FHF) stigmatise la réduction du temps de travail comme cause principale de la désorganisation hospitalière. Une malhonnêteté intellectuelle qui permet de faire des économies sur le dos de la qualité des soins.

 
« Il n’y aura pas de remise en cause des 35 heures ni de la durée légale du temps de travail. » Si le premier ministre a assuré, à plusieurs reprises, qu’il ne toucherait pas aux 35 heures, il a néanmoins indiqué qu’il était favorable à l’ouverture de négociations par branche pour déroger à cette fameuse durée légale du travail. Sous la pression du Medef, de nombreuses dérogations aux 35 heures ont été imposées depuis le gouvernement Fillon. Dans le privé, essentiellement. Mais aussi dans le public et notamment à l’hôpital. Selon une enquête réalisée par la Fédération hospitalière de France (FHF) auprès d’un échantillon de 152 établissements, 44 % d’entre eux ont d’ores et déjà procédé à une renégociation de leur protocole. Et ce n’est sans doute que le début. Si elle n’appelle pas officiellement à revenir aux 39 heures, la FHF réclame davantage de souplesse dans l’organisation du temps de travail hospitalier.

Le 17 septembre dernier, lors de son audition par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail, Frédéric Valletoux, président de la FHF, a expliqué que la mise en place des 35 heures dans les hôpitaux était à l’origine de difficultés organisationnelles et financières. « La RTT a mis les organisations en tension. Et elle a généré une augmentation sans précédent de la masse salariale (intérim, travail de nuit, CET) », a confié la FHF à l’Humanité. « Alors qu’un effort à hauteur de 5 milliards d’euros est aujourd’hui demandé aux hôpitaux publics dans le cadre de l’effort national de maîtrise des dépenses publiques, je ne demande pas le retour des 39 heures à l’hôpital, mais le retour de la souplesse, de l’intelligence collective, de l’adaptabilité dans les organisations de travail », a précisé Frédéric Valletoux. L’idée de la FHF est d’aligner l’ensemble des hôpitaux et de limiter le nombre de jours de RTT à quinze par an et par agent. Cette uniformisation permettrait, selon la FHF, de réaliser un gain de plus de 640 000 jours, soit 3 200 équivalents temps plein (ETP), soit près de 400 millions d’euros d’économies. Rejoignant la Cour des comptes, qui appelle elle aussi à affiner le pilotage des dépenses de personnels à l’hôpital, Frédéric Valletoux rappelle qu’avec 70 % des budgets hospitaliers consacrés aux charges de personnel, « on ne réformera pas l’hôpital sans poser la question de son organisation interne ».

Par Alexandra Chaignon Article publié par L'Humanité, le jeudi 16 octobre 2014.

dimanche 12 octobre 2014

Sa marche pour l’abolition

De considérables dégâts

 

Encore une centaine de kilomètres et Rosen atteindra enfin la rue du Colisée, à Paris. « C’est là, dans un bar à hôtesses, que j’ai fait ma première passe. » C’était en mars 1988. Une première passe qui l’entraîne dans la sexualité tarifée vingt-deux ans durant. « J’ai calculé, au moins 30 000 hommes m’ont achetée. » Aujourd’hui, à cinquante-huit ans, l’ex-prostituée marche pour rebaptiser la rue du Colisée « rue de l’Abolition-de-l’Esclavage-Sexuel ». Un symbole, un vœu qu’elle espère voir exaucer au bout de ses 743 km parcourus dans une chaleur étouffante, puis sous la pluie battante. Mais, dans l’immédiat, elle souhaite que son action serve à relancer l’examen du projet de loi contre le système prostitutionnel, bloqué au Sénat, alors qu’il avait été adopté par les députés en décembre 2013. « Je veux avoir une date précise et que l’on arrête de nous faire tourner en rond », dit-elle. Marathonienne confirmée, Rosen semble avaler les distances sans souffrir. La tête baissée, elle avance en se remémorant ses vingt-deux ans de prostitution : « Je n’avais pas pris conscience que toutes ces années de sexualité non désirée provoquaient de considérables dégâts. J’ai mis longtemps avant de me rendre compte que l’on n’était que des trous sur pattes. » Dix ans de thérapie lui ont été nécessaires pour pouvoir mettre des mots sur son mal-être. « À chaque pénétration, ils me déglinguaient un peu plus. Les clients avaient l’impression de m’aider en m’offrant de l’argent, ça les déresponsabilisait. En fait, moi, je subissais tout. Quand je m’en suis sortie, cela a été une révélation. » Rosen, enfant « kidnappée » par son père, adolescente « agressée sexuellement » par son oncle, découvre la violence du monde de la prostitution : « J’ai vécu vingt-deux ans d’indifférence, vingt-deux ans de maltraitance. Comment ai-je pu supporter de me vendre à 30 000 personnes ! » Elle ralentit sa marche et lance : « Et je ne parle pas de toutes les pratiques que l’on nous imposait. Ça retire toute la beauté de l’amour. On ne sait plus aimer. » Elle analyse : « On se prostitue parce que l’on a une mauvaise image de soi, de son propre corps déjà sali. On ne le respecte plus. » Longtemps en quête de rédemption, cette mère de six enfants, divorcée, trouve la force de se poser. « Je me suis rendu compte que j’étais dans le couloir de la mort. » Elle entreprend des recherches, rencontre des associations et, en octobre 2009, elle finit par se poser. « J’ai eu une sorte de guérison miraculeuse. J’ai arrêté définitivement de me prostituer. » Une aire de repos, sur la nationale 20, attire l’attention de la sportive. Elle pénètre dans un café, commande un noir et attaque la discussion avec les quelques hommes qui sirotent le leur. Des chauffeurs de camion pour la plupart. « Est-ce que vous avez déjà consommé des femmes ? », lance-t-elle. Une question intime, taboue, qu’elle ne cesse de poser depuis le début de son périple. Une question qui, pourtant, permet le dialogue. Rosen veut sensibiliser les hommes sur la pénalisation du client, afin d’inverser la charge pesant sur les prostituées, lesquelles sont « des victimes », estime-t-elle. « Le client est le grand absent du système prostitutionnel. Si les femmes sont vendues, c’est quand même parce qu’il y a des personnes pour les acheter. On parle de la prostituée, du proxénète et jamais du client, qui est tout mignon. » Rosen sourit. Elle croit déceler un début de changement de mentalité. « Ça commence à rentrer dans les têtes ; la prostitution est subie, ce n’est pas un choix. Et beaucoup d’hommes se rendent compte des conséquences de l’achat d’un corps humain. » Sur la nationale 20, l’ex-prostituée avance en tentant de « convaincre ». La marche, c’est son « plaisir ». ça l’aide à se « remplir la tête de bonnes pensées ». C’est, pour elle, une thérapie, un engagement militant. « Levez-vous ! Montrez que vous êtes vivantes ! Marcher, c’est exister ! », clame-t-elle à tue-tête à toutes les victimes. Rosen la « survivante » espère que d’autres suivront le mouvement et parleront. La prise de parole, un long processus pour « ces femmes qui ne sont pas vues comme des femmes, soupire-t-elle. C’est difficile de franchir le pas, la honte est sur nous. Mais il faut le faire pour nous et pour protéger nos enfants ». Elle-même s’est longtemps tue. Aujourd’hui, elle prend les devants. Elle marche, suivie souvent par des femmes et des hommes. Dimanche, à Paris, des militant-e-s associatifs et politiques seront à ses côtés (1). Dans un combat commun pour l’abolition de la prostitution.



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Rosen Hicher, ex-prostituée, finit dimanche son périple de 743 km
par une arrivée à Paris, où elle s’est vendue pour la première fois en 1988 

Elle marche seule, noyée dans ses pensées, au milieu des champs de betteraves. Le bruit assourdissant des camions roulant à vive allure sur la nationale 20 n’ébranle guère Rosen Hicher. Elle avance à grands pas sur le chemin qui la mène, ce jour-là, d’Artenay, dans le Loiret, vers Angerville, la petite commune de l’Essonne. Les yeux cernés, le visage bronzé, elle entame sa vingt-neuvième étape sur les trente-quatre qu’elle entend effectuer d’ici dimanche. Son aventure a commencé le 3 septembre dernier. Partie de Saintes, en Charente-Maritime, commune même où elle a arrêté de se « détruire », elle a programmé son périple de façon à traverser les innombrables villes du Sud-Ouest, comme pour bien se rappeler « à quel point c’est triste la prostitution. On est en mode survie, on n’a pas la force de s’en sortir », susurre-t-elle pudiquement.

Mina Kaci, L'Humanité du vendredi 10 Octobre 2014.

Les filles, au premier rang des sans-école

Quelque 65 millions de fillettes à travers le monde ne sont pas scolarisées en raison de leur genre. L’ONG Plan alerte l’opinion, 
alors que la 3e Journée internationale des filles est célébrée, samedi.


Des mains se lèvent. Chaque jour de plus en plus nombreuses. Elles sont des milliers, à la veille de la 3e Journée internationale des filles, ce samedi, à signer pour que ces dernières puissent jouir du droit fondamental à l’éducation. Des milliers de mains en France qui rejoignent tant d’autres dans le monde. La campagne de l’ONG Plan entend approcher les quatre millions pour que, d’ici à 2016, quatre millions de filles accèdent à la scolarité. Un chiffre ambitieux. Il est pourtant loin des soixante-cinq millions de fillettes discriminées dans ce domaine. Selon Irina Bokova, « cent millions sortent de l’école sans pouvoir lire une seule phrase ». Intervenant mercredi, au Quai d’Orsay, au cours d’une conférence marquant la journée internationale, la directrice générale de l’Unesco rappelle : « Les femmes représentent deux tiers des adultes analphabètes dans le monde. » Firmine, une petite Togolaise de seize ans, invitée par Plan, l’écoute, opine du chef. Elle vit dans un village où, affirme-t-elle, « beaucoup de filles ne vont pas à l’école. Souvent, elles arrêtent de fréquenter l’établissement quand elles se retrouvent enceintes ». Lycéenne en classe de première, elle doit sa scolarité à l’acharnement de ses parents paysans qui, eux, n’ont pas eu la chance d’étudier.


Des élèves en "classe" dans un camp de réfugiés de Jalalabad,
capitale de la province du Nangarhar en Afghanistan
Photo Noorullah Shirzada/AFP
De l’Irak au Soudan du Sud, 
une guerre contre l’éducation

La Journée internationale intervient alors que plus de deux cents lycéennes nigérianes sont toujours kidnappées. Elle se tient dans « un contexte d’attaques répétées contre l’éducation en général, comme l’éducation des filles en particulier », commente Irina Bokova, citant le Soudan du Sud ou encore l’Irak. Elles sont, selon elle, prises dans une « guerre contre l’éducation qui cible l’école comme lieu même du développement, de la tolérance et de l’épanouissement ». Pour le psychanalyste Gérard Miller, qui soutient la campagne de pétitions comme une vingtaine d’autres personnalités, « les islamistes savent les femmes plus indépendantes, ils craignent le regard qu’elles pourraient porter sur leurs extravagances et leurs crimes ». Il poursuit : « Du coup, ils les excluent des écoles et les enferment dans l’espoir d’en finir avec ce regard qu’ils ne supportent pas. » Cette campagne se veut une action d’interpellation des instances internationales et des gouvernements, afin de rendre l’éducation des filles prioritaire. Les signataires leur demandent de « prendre des mesures pour leur assurer une scolarité de neuf années au minimum, gratuite, de qualité, dans des établissements sûrs ». L’éducation des filles est également source de « développement économique pour l’ensemble d’un pays », estime Alain Caudrelier, responsable de Plan. Une approche partagée par la secrétaire générale de l’Unesco, laquelle ajoute : « Un enfant dont la mère sait lire a 50 % de chances supplémentaires de survivre après l’âge de cinq ans. » L’idée commence à se répandre dans l’opinion publique, sous l’impulsion « du mouvement de l’éducation pour tous », précise Irina Bokova. Ainsi, des progrès sont enregistrés. « Depuis 1999, le nombre d’enfants non scolarisés a été quasiment divisé par deux », indique-t-elle. Un progrès qui pousse l’ONG et l’Unesco à multiplier les initiatives concrètes, comme l’action d’envergure en faveur de l’alphabétisation visant 600 000 personnes, en priorité les filles et les femmes, que mène l’Unesco en Afghanistan.


Mina Kaci, L'Humanité du 10 octobre 2014.