samedi 15 avril 2017

Renoncement aux soins, un assuré social sur quatre serait concerné

Plus de 25 % des personnes, qui se présentent à un guichet de la « Sécu », déclarent avoir déjà renoncé à des soins dans l’année dans une étude publiée mardi 28 mars. Pour des problèmes dentaires, d’optique mais aussi pour des consultations chez le médecin

Le siège de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Lyon.
Le siège de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Lyon. / Fred Dufour/AFP
Pour quelles raisons un certain nombre de personnes en France renoncent-elles à se faire soigner ? Cette question est au cœur d’une étude fort instructive rendue publique mardi 28 mars par l’assurance-maladie. Elle montre que ce phénomène n’est pas anecdotique puisqu’il concerne plus d’un quart (26,5 %) des assurés sociaux. « De par son ampleur et ses conséquences multiples, le renoncement aux soins, source d’inégalités et de dépenses supplémentaires à moyen et long termes, devient un défi qui concerne la collectivité dans son ensemble », indique l’assurance-maladie.

29 000 personnes interrogées dans 18 caisses primaires

 

Cette étude a été conduite dans 18 caisses primaires avec l’Observatoire des non-recours aux droits et aux services (Odenore) mis en place par une équipe du CNRS et de l’université Grenoble Alpes. Au total, 29 000 personnes, venues dans leur caisse, ont été interrogées sur un éventuel renoncement aux soins au cours des 12 derniers mois. A l’arrivée, 7 000 ont répondu part l’affirmative. « Il faut prendre ce chiffre avec précaution. On ne peut pas dire qu’un quart de la population française est concerné par ce problème mais un quart des personnes s’étant déplacé dans les locaux de leur caisse », précise Jean-Yves Casano, directeur de la caisse primaire de la Somme. « On peut penser que ces assurés ont peut-être plus de problèmes que d’autres, notamment d’accès aux soins. Même si on reçoit aussi beaucoup de gens, très bien insérés, qui viennent régler juste un problème administratif », ajoute-il.

Des enquêtes déclaratives à prendre avec prudence

 

La précision est importante. Car les enquêtes sur le renoncement aux soins font souvent débat. « Beaucoup de nos concitoyens renoncent à se faire soigner pour des raisons financières. Cela peut concerner jusqu’à un Français sur trois », avait affirmé en 2014 Marisol Touraine pour défendre sa réforme d’un tiers-payant généralisé. Mais selon certains spécialistes, il faut rester prudent face à ces enquêtes uniquement déclaratives. Et à l’époque, certains syndicats de médecins avaient répliqué à la ministre que ces renoncements concernaient peu les soins médicaux mais surtout les patients n’ayant plus les moyens d’aller chez le dentiste ou de refaire leurs lunettes.

Des renoncements à des soins dentaires, d’optique mais aussi médicaux

 

C’est dans ce contexte qu’intervient cette nouvelle enquête. Elle montre que le renoncement concerne, effectivement, d’abord des soins chez le dentiste. Les soins, qui n’ont pas été effectués, concernent à 38 % des prothèses dentaires mais aussi à 33 % des soins dentaires conservateurs. « C’est vraiment regrettable car ces soins conservateurs sont globalement bien pris en charge par l’assurance-maladie ou les mutuelles », indique Héléna Revil, chercheur à l’Observatoire. Dans 18 % des cas, ces renoncements concernent des achats d’optique. Mais, plus nouveau, 20 % des soins, ayant fait l’objet d’un renoncement, concernent des consultations chez un ophtalmologiste, 14 % des consultations chez un autre médecin spécialiste et 13 % chez un généraliste.

Un reste à charge trop élevé ou l’impossibilité de faire l’avance de frais

 

Tous soins confondus, ces renoncements s’expliquent, trois fois sur quatre, par une raison financière. « Dans 59% des cas, les personnes se sont abstenues à cause d’un reste à charge qu’elles ne pouvaient pas assumer ou, dans 32% des cas, parce qu’elles ne pouvaient pas faire l’avance des frais », indique Héléna Revil. Dans certaines situations, le problème concerne des délais de rendez-vous trop lointains. « On voit des personnes qui, à un moment, ont mis de côté un petit pécule de 50 ou 60 € pour avancer les frais d’une consultation, poursuit-elle. Et qui ne savent pas si, dans six mois, une fois qu’elles auront rendez-vous chez le médecin, elles auront toujours cette somme à disposition. Du coup, elles laissent tomber ».

« Des gens qui, par pudeur, n’osent pas réclamer »

 

Parfois, ce renoncement est lié au fait que les assurés ne font pas valoir les droits qui leur permettraient de se faire soigner. « Dans le département de la Somme, nous avons 90 000 personnes ayant des revenus inférieurs aux seuils de pauvreté. Et pourtant, nous n’avons que 65 000 assurés qui bénéficient de la CMU-C », souligne Jean-Yves Casano, C’est le même phénomène avec l’ACS, un dispositif d’aide financière permettant à certains assurés de se payer une mutuelle. En 2011, au niveau national, seulement 22 % des personnes, éligibles à cette aide, avaient fait valoir leur droit. « On voit beaucoup de gens qui, par pudeur, n’osent pas réclamer ni même avouer qu’elles n’ont pas les moyens d’aller chez le médecin », souligne Héléna Revil.

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Lacroix.fr, 28/03/2017.
Article intégral en ligne : http://www.la-croix.com

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