Le baromètre Ipsos/Secours populaire, publié hier, s’est intéressé à la précarité alimentaire. De plus en plus fréquente, elle est un marqueur de pauvreté.
C’est
un appel à « la résistance » qu’a lancé Julien Lauprêtre, président du
Secours populaire français (SPF), lors de la présentation de la
12e édition du baromètre de la pauvreté Ipsos/Secours populaire
français, hier dans les locaux parisiens de l’association, dans le
18e arrondissement, aux côtés de Thierry Marx, chef étoilé et parrain de
la campagne Pauvreté-Précarité. Ce baromètre retranscrit la manière
dont la pauvreté est définie et vécue par les Français. Cette année, le
Secours populaire s’est focalisé sur la précarité alimentaire.
Neuf Français sur dix considèrent qu’avoir des difficultés
régulières à se procurer une alimentation saine est le signe d’une
situation de pauvreté, selon l’étude. Des parcours de vie brisés ont
incité près de trois millions de personnes à pousser les portes du SPF
en 2017. C’est ce qu’a fait Suzanne, 40 ans, il y a huit mois. Une étape
difficile pour celle qui n’aurait « jamais pensé avoir besoin de (se)
faire aider », confie-t-elle. Suzanne est en fin de chômage et bénéficie
de l’allocation de solidarité spécifique. Insuffisant pour subvenir aux
besoins de ses quatre enfants. Séparée de son compagnon, elle a espéré
une aide de sa part jusqu’au dernier moment et vécu sur ses économies :
« J’ai épuisé tout ce que j’avais de côté, alors j’ai arrêté par exemple
de leur acheter des jouets. » Jamais elle n’évoque cette situation avec
ses enfants.
Faire les courses est redevenu un moment de partage
En revanche pour Fary, mère de 57 ans à la silhouette
élancée, les étals du Secours populaire représentent « le supermarché
qu’elle cherchait ». Faire les courses, auparavant source d’angoisse,
est redevenu un moment de partage avec ses deux filles. Depuis, Fary,
comme de nombreux bénéficiaires, donne un coup de main au local.
Grâce au Secours populaire, la compote de pommes a fait
son grand retour dans l’alimentation des deux enfants de Lina, 30 ans.
Avant de venir au Secours populaire il y a trois mois, le dessert avait
disparu de leurs repas, à l’instar de la viande. Selon le baromètre, un
Français sur cinq éprouve des difficultés à avoir une alimentation
saine, permettant de faire trois repas par jour. « Force est de
constater que l’alimentation est sacrifiée face à des dépenses
contraintes », rappelle Julien Lauprêtre.
Reda, 43 ans, est d’abord venu au Secours populaire
chercher des conseils pour son fils de 10 ans, qui souffre de troubles
de l’attention. L’alimentation a été la variable d’ajustement de son
budget, tant les rendez-vous chez le médecin ont pesé dans ses finances.
Plus de la moitié des foyers ayant un revenu mensuel net inférieur à
1 200 euros peine ainsi à payer des actes médicaux mal remboursés par la
Sécurité sociale, indique le baromètre 2018. Reda survit en enchaînant
les petits boulots. Il travaille notamment sur les marchés, où il a
appris l’importance des fruits et légumes dans les repas : « La tomate
ananas ou cœur de bœuf sont des tomates de riches. Eh bien moi j’en
mange ! », plaisante-t-il, penché sur une marmite fumante aux côtés du
chef cuisinier, Thierry Marx. La précarité n’empêche pas l’amour du bon
produit.
De plus en plus de familles viennent au Secours populaire
Une fois payés le loyer, la mutuelle santé et les factures
d’électricité et de chauffage, l’idée de vacances paraît bien
lointaine. Partir au moins une fois par an est difficile financièrement
pour 41 % des Français, selon l’étude. Ce nombre atteint 67 % pour les
foyers percevant un revenu mensuel de moins de 1 200 euros. Une réalité
que pallie le Secours populaire : Lina a pu offrir une semaine en
colonie à son fils de 9 ans en juillet et emmener sa famille une semaine
à Grasse (Alpes-Maritimes) en août. Pour ce dernier séjour, Lina n’a
dépensé que 180 euros. Ces vacances sont loin d’être superflues pour les
enfants. Ceux de Suzanne sont « retournés à l’école avec le sourire.
Ils étaient super motivés à la rentrée ». De plus en plus de familles
viennent au Secours populaire, observe Fatima, bénévole depuis cinq ans
dans ce local du 18e arrondissement.
Près de neuf millions de Français vivent au-dessous du
seuil de pauvreté, fixé à 1 015 euros. Cependant, selon le baromètre,
les Français considèrent une personne seule comme étant pauvre à partir
d’un revenu mensuel inférieur à 1 118 euros, soit 5 euros de plus qu’en
2017. En se fiant à ce seuil subjectif, bien plus de Français seraient
en situation de précarité. Autre donnée : 81 % des Français sont
convaincus que leurs enfants seront plus vulnérables face à la pauvreté
que leur génération. La confiance en l’avenir s’use pour les derniers de
cordée.
Source : L'Humanité.fr, 12/09/2018.
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