On l’attendait depuis bientôt un an, cette « stratégie pauvreté » annoncée le 17 octobre 2017 à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère. Prévu pour avril 2018, puis pour juillet, c’est finalement jeudi 13 septembre, depuis le Musée de l’homme, place du Trocadéro à Paris, que le « plan pauvreté » du gouvernement est présenté par le président de la République.
Dès mercredi, son cabinet, celui de la ministre de la santé et de la solidarité, Agnès Buzyn, et Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, laissaient filtrer qu’il s’agit d’un « plan ambitieux » de 8 milliards d’euros sur les quatre années à venir. Un chiffrage confirmé mercredi soir par Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, dans 20 Minutes.
Le gouvernement veut « s’attaquer aux nouveaux visages de la pauvreté » et « fonder l’Etat providence du XXIe siècle », explique-t-on dans l’entourage de la ministre et du président : « Notre système social, avec beaucoup de prestations monétaires, a permis de stabiliser la pauvreté même en cas de crise, pas de renverser le destin des jeunes les plus touchés et de rompre avec la reproduction de la pauvreté. » Pour Olivier Noblecourt, « les plans successifs ne parviennent pas à éradiquer la précarité. C’est pourquoi il faut sortir de cette impuissance publique ».
Voilà pour les principes. En ce qui concerne la stratégie, le gouvernement la structure autour de trois axes.
Premier axe : l’action pour la petite enfance
Deuxième axe : accompagner les jeunes et les bénéficiaires du RSA vers l’emploi
Troisième axe : la simplification de notre système social
Sur le logement : résorber les bidonvilles
Premier axe : l’action pour la petite enfance
Cette action s’inscrit dans le sillage des mesures déjà annoncées, comme le dédoublement des classes de cours préparatoire et cours élémentaire première année dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP), l’instruction obligatoire dès 3 ans et l’accès à un mode de garde, par exemple à une crèche, pour permettre aux mères ou pères seuls chargés de famille de chercher un emploi.- Des crèches et modes de gardes pour les familles défavorisées
Le plan veut instaurer un « bonus mixité sociale » avec des aides accordées aux crèches qui accueillent des enfants défavorisés. Les familles pourront par ailleurs utiliser des modes de garde individuelle grâce à un tiers payant à la charge des caisses d’allocations familiales. Dans les quartiers prioritaires, l’Etat subventionnera jusqu’à 90 % l’ouverture de crèches. Pour favoriser le travail des parents, en particulier des mères célibataires, 300 crèches à « vocation d’insertion professionnelle » seront créées d’ici à 2020 et 300 nouveaux centres sociaux devraient voir le jour.
- Des petits déjeuners dans les écoles primaires et des tarifs sociaux pour toutes les cantines
Pour la restauration scolaire, les tarifs sociaux de cantines, avec des prix modulés selon les revenus, habituels en ville (70 % des écoles), moins en milieu rural (30 % seulement), seront généralisés avec un plafond du barème le plus bas à 1 euro le repas. L’Etat s’engage à compenser le manque à gagner, pour les communes. Entre 200 000 et 300 000 enfants – sur les 3 millions d’enfants considérés comme pauvres – devraient bénéficier de ces deux mesures.
Deuxième axe : accompagner les jeunes et les bénéficiaires du RSA vers l’emploi
Ce chantier est « le meilleur moyen de combattre la pauvreté », selon M. Noblecourt. A la demande notamment de Brigitte Bourguignon, députée La République en marche (LRM), qui avait déposé une proposition de loi dans ce sens, l’Etat veut mettre fin aux sorties sèches, le jour de leurs 18 ans, des bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance. Un logement, un emploi, une formation ou un soutien devront leur être proposés, à l’initiative des départements.
- Développement de la Garantie jeunes
- L’obligation de se former jusqu’à 18 ans
Le plan d’investissement dans les compétences, qui vise à former deux millions de personnes éloignées du marché du travail durant le quinquennat, permettra également de mettre en œuvre cette nouvelle obligation. Des moyens supplémentaires vont être alloués aux missions locales pour qu’elles aillent au-devant des décrocheurs. Si le mineur refuse l’offre, une « mesure d’assistance éducative » pourra être prononcée.
- Accompagnement vers l’emploi des allocataires de minima sociaux
Ainsi, toute personne qui demande le RSA verra son dossier instruit dans un délai d’un mois maximum et se verra proposer une « solution » : actions de formation dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences, emplois dans le secteur de l’insertion par l’activité économique qui va se développer (100 000 salariés supplémentaires d’ici à 2022). Sera également mise en place une « garantie d’activité » pour offrir un suivi très poussé aux allocataires, afin de traiter leurs difficultés sociales et professionnelles. Cette mission sera confiée à Pôle emploi, ainsi qu’à des opérateurs privés et associatifs.
Troisième axe : la simplification de notre système social
Deux volets dans ce chantier : l’amélioration de l’accès aux soins et la simplification du système des aides sociales.
- Une aide unique pour financer une mutuelle santé
L’ACS, prévue pour financer des contrats standardisés proposés par des organismes complémentaires, était décrite comme un « parcours du combattant » par les personnes qui y étaient éligibles, ce qui se traduisait par un taux de non-recours supérieur à 50 %. En contrepartie d’une participation de moins de 30 euros par personne et par mois, ses bénéficiaires vont demain accéder à la couverture-maladie complémentaire (CMU-C) qui profite aujourd’hui à 5,5 millions de personnes. Cette complémentaire publique permet, comme les contrats ACS le permettaient aussi, une exonération des participations forfaitaires (1 euro lors des consultations chez le médecin), une prise en charge du forfait hospitalier, ou l’absence de dépassement d’honoraires.
Le panier de soins aux bénéficiaires de cette nouvelle allocation sera, après négociation avec les professionnels de santé, harmonisé et étoffé (lunettes, prothèses auditives…). L’ACS bénéficie déjà à 1,2 million de personnes et, avec ces aménagements, 200 000 de plus entreraient dans le dispositif. Le coût de cette mesure, 500 millions d’euros, étalé jusqu’en 2022, sera à la charge de l’Assurance-maladie.
- Simplifier le maquis des aides sociales
Autre exemple : le renouvellement de la couverture-maladie universelle complémentaire sera automatisé pour les bénéficiaires du RSA. Par ailleurs, les « accueils sociaux inconditionnels » seront généralisés à l’échelle nationale au travers des centres sociaux ou d’associations agréés, et des expérimentations de « territoires zéro non-recours » seront également lancées. Cela devrait faire gagner un temps précieux aux travailleurs sociaux qui pourront mieux se consacrer aux personnes qu’ils accompagnent et redonner du sens à leur travail.
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