jeudi 27 septembre 2018

“L’Hôpital à fleur de peau” : son réalisateur commente deux scènes-clés

Codage et urgences : Cyril Denvers revient sur deux extraits de son documentaire choc sur le désarroi de l’hôpital public. Le film est diffusé ce mardi 25 septembre à 20h55 sur France 5.



Obsession de la rentabilité, détresse du personnel, perte de valeurs et de sens : L’Hôpital à fleur de peau, remarquable documentaire de Cyril Denvers tourné en immersion au centre hospitalier de Gonesse, dans le Val-d’Oise, et diffusé mardi 25 septembre sur France 5, interroge notre système de santé. A travers le quotidien des soignants, des membres des services administratifs et des malades, le film lance un cri d’alarme sur l’état de l’hôpital public et les moyens qui lui sont alloués. Pour Télérama, Cyril Denvers en commente deux scènes fortes.

Les petits comptes du codage

 

 


« Développé depuis 2009, le codage (effectué dans le cadre de la “tarification à l’acte”, dite T2A) correspond à un schéma financier : plus les médecins pratiquent d’actes médicaux, plus la Sécurité sociale paiera l’hôpital en retour. A chaque acte correspond un prix de remboursement de la Sécurité sociale. Le vice du système, c’est que le prix d’un soin donné varie d’une année à l’autre. C’est le tonneau des Danaïdes pour les médecins, qui essayent de renseigner leur système informatique sur le nombre d’actes médicaux réalisés avec des prix à la baisse, donc de moins en moins bien remboursés. Pour tenir l’assiette des financements, il leur faut donc les multiplier. 


Pour montrer comment se déroule ce codage, nous lui avons consacré une séquence. On y voit le Dr Jarjours, chirurgien, chef du service d’urologie à Gonesse, muni de chacune des petites étiquettes des actes médicaux correspondant à un patient. Le téléphone n’arrête pas de sonner, il est dérangé en permanence. Or le codage requiert de la concentration. Pour un médecin, sur le gril en permanence, il est difficile de trouver trois ou quatre heures en continu par semaine à lui consacrer. Il a dû faire une demi-heure ce soir-là jusqu’à 22 heures et continuer le lendemain à 7 heures avant de partir au bloc… Comme ses confrères, il ne dispose pas d’un secrétariat ou d’un assistant pour réaliser cette tâche. On se demande s’il n’y a pas une volonté de mettre les médecins le nez dans la réalité des comptes en leur disant : “Vous êtes cogestionnaires du chiffre de l’hôpital”, en leur demandant d’assurer un travail qui ne relève ni de leurs connaissances ni de leurs fonctions. »

Il y a urgence aux urgences

 

 

« “Les urgences, c’était ma passion”, explique Adeline Maubant, infirmière. Aujourd’hui, cette femme constate la difficulté qu’elle éprouve à y travailler. Elle est chargée de faire le tri entre les “petits bobos” qui devraient être traités par des généralistes et les vraies urgences. Dans le Va-d’Oise, un département entre ville et campagne, c’est la croix et la bannière pour trouver des généralistes, des gynécologues, des kinés… Par conséquent, comme dans les déserts médicaux, les gens se rendent massivement à l’hôpital pour se faire soigner. Quand elle dit : “Il faut faire de l’argent, du passage et du chiffre”, elle décrit le cynisme des financiers, son ras-le-bol personnel aussi. Depuis des années, cette infirmière est témoin de la réalité des coupes budgétaires, de la réduction des effectifs, de la recherche de lits permanente. Il y a surchauffe à l’hôpital. On la sent au bout du rouleau. Au-delà de son ressenti et de l’impression d’être complètement déconsidérée, elle s’inquiète de la qualité des soins proposés à tous ceux qui franchissent le seuil des urgences de cet hôpital. »


 L’Hôpital à fleur de peau, mardi 25 septembre à 20h55 sur France 5.
À revoir en replay : 

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