La loi en cours d’examen à l’Assemblée nationale a des répercussions pour de nombreuses situations.
Depuis le 24 septembre, l’Assemblée
nationale examine le projet de loi relatif à la bioéthique. Les députés
ont déjà adopté plusieurs mesures phare dont l’ouverture de la
procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes. Mais
ce texte aura une influence sur d’autres situations : accès aux
origines des enfants nés d’une PMA, double don de gamètes, etc.
Certaines
dispositions controversées sont âprement discutées dans l’hémicycle.
Nous avons tenté de montrer les répercussions concrètes de cette loi
pour les parents, seuls ou couple, les donneurs, les enfants :
- Ce qui va changer : ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, autoconservation des ovocytes, double don de gamètes, accès aux origines des enfants nés de PMA ;
- les points rejetés en commission, mais qui pourraient resurgir lors des débats à l’Assemblée ou au Sénat : la PMA post-mortem, le diagnostic préimplantatoire, le don dirigé de gamètes ;
- ce qui va rester interdit : la gestation pour autrui (GPA), la sélection du donneur en cas de PMA ;
- ce qui va rester autorisé : l’autoconservation et l’adoption des embryons.
Ce qui va changer
La PMA pour un couple de femmes
Deux femmes en couple souhaitent bénéficier d’un don de sperme pour avoir un enfant.
Interdite avant la loi
Aujourd’hui,
il ne leur est pas possible de bénéficier d’une PMA en France. Elles
peuvent toutefois avoir recours à une insémination « artisanale » (non
médicalisée), avec le concours d’un donneur. Si elles en ont les moyens
financiers, elles peuvent aller dans les pays (Belgique, Danemark,
Espagne…) où le don de sperme est autorisé pour les couples de femmes.
Depuis
2013, le « parent social » peut adopter l’enfant de son conjoint (qui
est le géniteur), à condition que le couple soit marié. Mais l’adoption
plénière est parfois refusée par certains tribunaux quand il n’a pas été
prouvé que le don était anonyme – c’est le cas si le don a été
« amical » et « artisanal ». Dans ce cas, l’adoption est dite
« simple » : les deux liens de filiation, biologique et adoptif,
coexistent.
Autorisée après le vote de la loi
Une
femme en couple avec une autre femme pourra bénéficier, en France, de
la PMA et prétendre à un don de sperme, aujourd’hui réservé aux couples
hétérosexuels infertiles. Pour établir un lien de filiation, les deux
femmes, qu’elles soient mariées ou non, devront produire une
« reconnaissance conjointe anticipée » de l’enfant à naître.
Cette
reconnaissance devra être faite devant notaire au même moment que le
consentement à la PMA avec tiers donneur – le consentement est
obligatoire pour tous les couples qui y ont recours. La ministre de la
justice a aussi assuré que « mère et mère » apparaîtrait dans l’acte de
naissance de l’enfant.
La PMA pour une femme seule
Une femme célibataire souhaite donner naissance à un enfant en bénéficiant d’un don de sperme.
Interdite avant la loi
A
l’instar d’une femme en couple avec une autre femme, une femme seule ne
peut bénéficier d’une PMA en France. Elle peut toutefois avoir recours à
une insémination « artisanale », avec le concours d’un donneur. Si elle
en a les moyens financiers, elle peut aller dans les pays (Belgique,
Danemark, Espagne…) où le don de sperme est autorisé.
Autorisée après l’adoption de la loi
Une
femme seule pourra bénéficier du système français de PMA avec tiers
donneur et prétendre à un don de sperme. Les frais seront remboursés par
la Sécurité sociale, de la même façon que pour les couples
hétérosexuels qui en bénéficient actuellement.
L’autoconservation des ovocytes
Une
femme en bonne santé et en âge de procréer ne souhaite pas d’enfant
dans l’immédiat, mais souhaite congeler ses ovocytes pour ne pas se
faire rattraper par l’« horloge biologique » et pour avoir un enfant
plus tard.
Interdite avant la loi
La
loi autorise la conservation des ovocytes, mais seulement pour des
raisons médicales – si une maladie ou une intervention altère ou risque
d’altérer la fertilité. Seule exception : une femme qui pratique un don
d’ovocytes peut être autorisée à en conserver pour elle-même, sous
conditions.
Autorisée après l’adoption de la loi
Une
personne majeure, homme comme femme, qui répond aux critères d’âge –
qui seront fixées par décret par le Conseil d’Etat – peut recourir à la
conservation de ses gamètes pour réaliser une PMA ultérieurement. Le
coût de l’autoconservation sera à sa charge.
Le double don de gamètes
Un homme et une femme en couple souhaitent avoir un enfant, mais ont tous les deux des problèmes de fertilité.
Interdit avant la loi
La
loi n’autorisait la conception d’un embryon qu’avec les gamètes d’au
moins l’un des membres du couple, l’ovocyte de la femme ou le sperme de
l’homme afin de maintenir un lien biologique avec au moins l’un des deux
parents.
Autorisé après l’adoption de la loi
Le
texte en cours permet la conception d’un embryon avec des gamètes
(masculin et féminin) exclusivement issus du don. Le Conseil d’Etat a
estimé que cette autorisation est juridiquement possible et a rappelé
que l’assistance médicale à la procréation demeure soumise à
l’obligation de privilégier les pratiques et procédés qui permettent de
limiter le nombre des embryons conservés.
L’accès aux origines des enfants issus de PMA
Des enfants nés de dons de gamète souhaitent connaître leur géniteur.
Impossible avant la loi
Un
enfant né d’un don de gamète n’avait pas la possibilité d’accéder à
l’identité du donneur, le don de gamètes étant soumis au principe
général de l’anonymat des dons de matière corporelle.
Possible après l’adoption de la loi
A
partir du moment où un donneur souhaite faire un don de gamète, il
devra obligatoirement accepter que son identité puisse être dévoilée à
l’enfant qui sera issu de ce don, lorsque celui-ci aura 18 ans. Les
enfants qui le souhaitent peuvent alors déposer une demande auprès d’une
commission d’accès aux origines, auprès de l’Agence de la biomédecine.
Le
principe d’anonymat du don entre donneur et receveur subsiste, puisque
le couple n’a pas connaissance de l’identité du donneur au moment de
l’acte, a défendu Agnès Buzyn. La ministre a également soutenu que les
donneurs n’auront jamais l’obligation de rencontrer des enfants nés du
don. Mais, comme l’ont fait remarquer des députés dans l’hémicycle, connaissant l’identité du donneur, rien n’empêchera un enfant né d’un don de retrouver son parent biologique.
Pour
les enfants nés avant la promulgation de la loi, la situation ne
changera pas, mais les personnes qui ont fait un don avant cette loi
bioéthique auront la possibilité de se manifester auprès de la
commission pour donner leur accord.
Ce qui a été rejeté en commission
La PMA post-mortem
Un homme meurt et sa femme souhaite poursuivre le processus de PMA entamé.
Interdite avant la loi
Il n’est pas possible pour une femme dont le conjoint est décédé, d’avoir recours à une PMA post-mortem. Elle n’a pas le droit d’utiliser les gamètes ou les embryons fécondés à partir du sperme du défunt, qui ont été conservés.
Restera interdite ?
Le 11 septembre, lors du passage de la loi en commission, les députés ont rejeté les amendements visant à autoriser la PMA post-mortem,
alors que la PMA sera ouverte aux femmes célibataires. A l’issue d’un
long débat lors de l’examen du texte en séance, les députés ont fini par
rejeter à nouveau ces amendements. La question pourrait revenir au Sénat.
La généralisation du diagnostic préimplantatoire (DPI)
Un
homme et une femme en couple qui ont recours à la PMA, et n’ayant
d’autre problème médical particulier, souhaitent réaliser un DPI et
s’assurer que leur enfant n’aura pas de maladie génétique.
Interdite avant la loi
En
France, le DPI n’est autorisé que pour éviter la transmission d’une
maladie génétique grave, déjà diagnostiquée au préalable (mucoviscidose,
myopathie, etc.). D’autres pays le permettent sans condition médicale
dans le cas de fécondation in vitro.
Restera interdite ?
La
PMA accompagne maintenant le « projet parental » et plus seulement la
solution à un seul problème médical. Toutefois, le diagnostic
préimplantatoire reste pour l’instant limité aux mêmes indications que
précédemment. La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a estimé que
recourir à cette technique pour être sûr que son enfant n’ait pas de
maladie génétique alors que les parents ne sont pas malades se
rapprocherait de l’eugénisme.
Certains médecins plaident pour un diagnostic des anomalies du nombre de chromosomes
pour les couples ayant déjà vécu des fausses couches, sans étudier les
chromosomes X et Y pour ne pas « choisir » le sexe de l’enfant. Cette
proposition a été rejetée à l’Assemblée mais pourrait revenir au Sénat.
Le don dirigé de gamètes
Un
couple se lance dans une PMA avec un tiers donneur, mais souhaiterait
que ce dernier soit une personne proche, et qui consent à faire ce don.
Interdit avant la loi
Le
principe d’anonymat du don empêche de « diriger » son don d’ovocytes ou
de sperme pour en faire bénéficier un couple en particulier. Dans la
pratique, c’est ce qui se passe lors des dons de sperme « artisanaux ».
Le système actuel offre l’opportunité à un couple de recommander un
donneur ou une donneuse de gamètes, afin de remonter dans la liste
d’attente.
Restera interdit ?
Le
« don relationnel indirect » a été rejeté lors de l’examen du texte en
commission, mais la question pourrait être soulevée lors de l’examen de
la loi en séance. Dans tous les cas, le donneur devra renoncer à ses
droits de filiation sur l’enfant à naître.
Ce qui ne va pas changer
La gestation pour autrui (GPA)
Deux hommes sont en couple et souhaitent avoir un bébé.
Restera interdite
La
GPA est formellement interdite en France. Plusieurs cas de couples
lesbiens et gays s’occupant seul·e·s d’un enfant ont été médiatisés,
mais c’est une situation qui reste rare. Ceux qui en ont les moyens
financiers se tournent vers les pays qui autorisent la GPA. Au retour,
si la mère porteuse figure sur l’acte de naissance étranger, aux côtés
du géniteur, seule l’adoption simple est possible pour le conjoint de
même sexe, car il y a déjà deux parents légaux.
La
loi de bioéthique va réaffirmer l’interdiction de cette pratique. Un
amendement prévoyant la retranscription de la filiation des enfants nés
de GPA à l’étranger a été adopté puis rejeté après un deuxième vote demandé par le gouvernement.
Il visait à simplifier la retranscription en droit français, au nom de
l’intérêt supérieur de l’enfant, du jugement étranger, à la condition
que la GPA ait été effectuée « dans un Etat où cette pratique n’est pas expressément interdite ».
La PMA pour les personnes en instance de séparation
Deux personnes mariées souhaitent bénéficier d’une PMA, alors qu’ils ont déposé une requête de divorce.
Restera interdite
En
France, la PMA est interdite en cas de dépôt d’une requête de divorce,
s’il y a séparation de corps ou en cas de cessation de la communauté de
vie. La demande de PMA doit faire l’objet d’un consentement écrit des
deux membres du couple, qui doivent par ailleurs apporter la preuve
d’une vie commune d’au moins deux ans.
Une
femme mariée ne peut pas faire de demande de PMA sans l’accord de son
conjoint, afin d’éviter que le mari, qui n’aurait pas pris part au
projet, soit considéré comme père d’un enfant qu’il n’aurait pas voulu.
Le choix du donneur lors d’une PMA
Un couple infertile qui a recours à la PMA souhaite choisir l’identité de son donneur.
Restera interdit
Le
don de gamètes est soumis au principe général de l’anonymat des dons de
matière corporelle. Un couple ne peut ni connaître l’identité du
donneur ni le choisir. Le choix incombe aux seuls médecins qui, très
généralement, suivent un critère de ressemblance physique.
Ce qui va rester autorisé
L’autoconservation des embryons
Un couple qui a déjà réalisé une fécondation in vitro (FIV) souhaite utiliser les embryons qui ont été congelés il y a quelques années.
Restera autorisée
Lors d’une fécondation in vitro
(FIV), il est possible de féconder un nombre d’ovocytes supérieur au
nombre qui sera implanté. Le couple peut choisir de les congeler et de
les conserver pour une grossesse ultérieure.
L’adoption d’embryons
Un
couple qui a réalisé avec succès une PMA avec ses gamètes, et congelé
des embryons supplémentaires, aimerait qu’un autre couple infertile
puisse en bénéficier.
Restera autorisée
Un
homme et une femme, tous deux infertiles ou avec des risques de
transmission d’une maladie génétique connue à l’enfant, peuvent avoir la
possibilité d’accueillir l’embryon d’un autre couple. Cet accueil est
soumis à la décision d’un juge. Ni les donneurs ni les receveurs ne
peuvent connaître l’identité de l’autre couple concerné.
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