lundi 30 septembre 2019

PMA, DPI, accès aux origines, GPA : ce que changera (ou non) la loi de bioéthique

La loi en cours d’examen à l’Assemblée nationale a des répercussions pour de nombreuses situations. 


Depuis le 24 septembre, l’Assemblée nationale examine le projet de loi relatif à la bioéthique. Les députés ont déjà adopté plusieurs mesures phare dont l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes. Mais ce texte aura une influence sur d’autres situations : accès aux origines des enfants nés d’une PMA, double don de gamètes, etc.

Certaines dispositions controversées sont âprement discutées dans l’hémicycle. Nous avons tenté de montrer les répercussions concrètes de cette loi pour les parents, seuls ou couple, les donneurs, les enfants :



Ce qui va changer


  • La PMA pour un couple de femmes


Deux femmes en couple souhaitent bénéficier d’un don de sperme pour avoir un enfant.

Interdite avant la loi

Aujourd’hui, il ne leur est pas possible de bénéficier d’une PMA en France. Elles peuvent toutefois avoir recours à une insémination « artisanale » (non médicalisée), avec le concours d’un donneur. Si elles en ont les moyens financiers, elles peuvent aller dans les pays (Belgique, Danemark, Espagne…) où le don de sperme est autorisé pour les couples de femmes.

Depuis 2013, le « parent social » peut adopter l’enfant de son conjoint (qui est le géniteur), à condition que le couple soit marié. Mais l’adoption plénière est parfois refusée par certains tribunaux quand il n’a pas été prouvé que le don était anonyme – c’est le cas si le don a été « amical » et « artisanal ». Dans ce cas, l’adoption est dite « simple » : les deux liens de filiation, biologique et adoptif, coexistent.

Autorisée après le vote de la loi

Une femme en couple avec une autre femme pourra bénéficier, en France, de la PMA et prétendre à un don de sperme, aujourd’hui réservé aux couples hétérosexuels infertiles. Pour établir un lien de filiation, les deux femmes, qu’elles soient mariées ou non, devront produire une « reconnaissance conjointe anticipée » de l’enfant à naître.

Cette reconnaissance devra être faite devant notaire au même moment que le consentement à la PMA avec tiers donneur – le consentement est obligatoire pour tous les couples qui y ont recours. La ministre de la justice a aussi assuré que « mère et mère » apparaîtrait dans l’acte de naissance de l’enfant.


 
 

  • La PMA pour une femme seule


Une femme célibataire souhaite donner naissance à un enfant en bénéficiant d’un don de sperme.

Interdite avant la loi

A l’instar d’une femme en couple avec une autre femme, une femme seule ne peut bénéficier d’une PMA en France. Elle peut toutefois avoir recours à une insémination « artisanale », avec le concours d’un donneur. Si elle en a les moyens financiers, elle peut aller dans les pays (Belgique, Danemark, Espagne…) où le don de sperme est autorisé.

Autorisée après l’adoption de la loi

Une femme seule pourra bénéficier du système français de PMA avec tiers donneur et prétendre à un don de sperme. Les frais seront remboursés par la Sécurité sociale, de la même façon que pour les couples hétérosexuels qui en bénéficient actuellement.

  • L’autoconservation des ovocytes


Une femme en bonne santé et en âge de procréer ne souhaite pas d’enfant dans l’immédiat, mais souhaite congeler ses ovocytes pour ne pas se faire rattraper par l’« horloge biologique » et pour avoir un enfant plus tard.

Interdite avant la loi

La loi autorise la conservation des ovocytes, mais seulement pour des raisons médicales – si une maladie ou une intervention altère ou risque d’altérer la fertilité. Seule exception : une femme qui pratique un don d’ovocytes peut être autorisée à en conserver pour elle-même, sous conditions.

Autorisée après l’adoption de la loi

Une personne majeure, homme comme femme, qui répond aux critères d’âge – qui seront fixées par décret par le Conseil d’Etat – peut recourir à la conservation de ses gamètes pour réaliser une PMA ultérieurement. Le coût de l’autoconservation sera à sa charge.

  • Le double don de gamètes


Un homme et une femme en couple souhaitent avoir un enfant, mais ont tous les deux des problèmes de fertilité.

Interdit avant la loi

La loi n’autorisait la conception d’un embryon qu’avec les gamètes d’au moins l’un des membres du couple, l’ovocyte de la femme ou le sperme de l’homme afin de maintenir un lien biologique avec au moins l’un des deux parents.

Autorisé après l’adoption de la loi

Le texte en cours permet la conception d’un embryon avec des gamètes (masculin et féminin) exclusivement issus du don. Le Conseil d’Etat a estimé que cette autorisation est juridiquement possible et a rappelé que l’assistance médicale à la procréation demeure soumise à l’obligation de privilégier les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés.

  • L’accès aux origines des enfants issus de PMA


Des enfants nés de dons de gamète souhaitent connaître leur géniteur.

Impossible avant la loi

Un enfant né d’un don de gamète n’avait pas la possibilité d’accéder à l’identité du donneur, le don de gamètes étant soumis au principe général de l’anonymat des dons de matière corporelle.

Possible après l’adoption de la loi

A partir du moment où un donneur souhaite faire un don de gamète, il devra obligatoirement accepter que son identité puisse être dévoilée à l’enfant qui sera issu de ce don, lorsque celui-ci aura 18 ans. Les enfants qui le souhaitent peuvent alors déposer une demande auprès d’une commission d’accès aux origines, auprès de l’Agence de la biomédecine.

Le principe d’anonymat du don entre donneur et receveur subsiste, puisque le couple n’a pas connaissance de l’identité du donneur au moment de l’acte, a défendu Agnès Buzyn. La ministre a également soutenu que les donneurs n’auront jamais l’obligation de rencontrer des enfants nés du don. Mais, comme l’ont fait remarquer des députés dans l’hémicycle, connaissant l’identité du donneur, rien n’empêchera un enfant né d’un don de retrouver son parent biologique.

Pour les enfants nés avant la promulgation de la loi, la situation ne changera pas, mais les personnes qui ont fait un don avant cette loi bioéthique auront la possibilité de se manifester auprès de la commission pour donner leur accord.

Ce qui a été rejeté en commission


  • La PMA post-mortem


Un homme meurt et sa femme souhaite poursuivre le processus de PMA entamé.

Interdite avant la loi

Il n’est pas possible pour une femme dont le conjoint est décédé, d’avoir recours à une PMA post-mortem. Elle n’a pas le droit d’utiliser les gamètes ou les embryons fécondés à partir du sperme du défunt, qui ont été conservés.

Restera interdite ?

Le 11 septembre, lors du passage de la loi en commission, les députés ont rejeté les amendements visant à autoriser la PMA post-mortem, alors que la PMA sera ouverte aux femmes célibataires. A l’issue d’un long débat lors de l’examen du texte en séance, les députés ont fini par rejeter à nouveau ces amendements. La question pourrait revenir au Sénat.

  • La généralisation du diagnostic préimplantatoire (DPI)


Un homme et une femme en couple qui ont recours à la PMA, et n’ayant d’autre problème médical particulier, souhaitent réaliser un DPI et s’assurer que leur enfant n’aura pas de maladie génétique.

Interdite avant la loi

En France, le DPI n’est autorisé que pour éviter la transmission d’une maladie génétique grave, déjà diagnostiquée au préalable (mucoviscidose, myopathie, etc.). D’autres pays le permettent sans condition médicale dans le cas de fécondation in vitro.

Restera interdite ?

La PMA accompagne maintenant le « projet parental » et plus seulement la solution à un seul problème médical. Toutefois, le diagnostic préimplantatoire reste pour l’instant limité aux mêmes indications que précédemment. La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a estimé que recourir à cette technique pour être sûr que son enfant n’ait pas de maladie génétique alors que les parents ne sont pas malades se rapprocherait de l’eugénisme.

Certains médecins plaident pour un diagnostic des anomalies du nombre de chromosomes pour les couples ayant déjà vécu des fausses couches, sans étudier les chromosomes X et Y pour ne pas « choisir » le sexe de l’enfant. Cette proposition a été rejetée à l’Assemblée mais pourrait revenir au Sénat.

  • Le don dirigé de gamètes


Un couple se lance dans une PMA avec un tiers donneur, mais souhaiterait que ce dernier soit une personne proche, et qui consent à faire ce don.

Interdit avant la loi

Le principe d’anonymat du don empêche de « diriger » son don d’ovocytes ou de sperme pour en faire bénéficier un couple en particulier. Dans la pratique, c’est ce qui se passe lors des dons de sperme « artisanaux ». Le système actuel offre l’opportunité à un couple de recommander un donneur ou une donneuse de gamètes, afin de remonter dans la liste d’attente.

Restera interdit ?

Le « don relationnel indirect » a été rejeté lors de l’examen du texte en commission, mais la question pourrait être soulevée lors de l’examen de la loi en séance. Dans tous les cas, le donneur devra renoncer à ses droits de filiation sur l’enfant à naître.

Ce qui ne va pas changer


  • La gestation pour autrui (GPA)


Deux hommes sont en couple et souhaitent avoir un bébé.

Restera interdite

La GPA est formellement interdite en France. Plusieurs cas de couples lesbiens et gays s’occupant seul·e·s d’un enfant ont été médiatisés, mais c’est une situation qui reste rare. Ceux qui en ont les moyens financiers se tournent vers les pays qui autorisent la GPA. Au retour, si la mère porteuse figure sur l’acte de naissance étranger, aux côtés du géniteur, seule l’adoption simple est possible pour le conjoint de même sexe, car il y a déjà deux parents légaux.

La loi de bioéthique va réaffirmer l’interdiction de cette pratique. Un amendement prévoyant la retranscription de la filiation des enfants nés de GPA à l’étranger a été adopté puis rejeté après un deuxième vote demandé par le gouvernement. Il visait à simplifier la retranscription en droit français, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, du jugement étranger, à la condition que la GPA ait été effectuée « dans un Etat où cette pratique n’est pas expressément interdite ».

  • La PMA pour les personnes en instance de séparation


Deux personnes mariées souhaitent bénéficier d’une PMA, alors qu’ils ont déposé une requête de divorce.

Restera interdite

En France, la PMA est interdite en cas de dépôt d’une requête de divorce, s’il y a séparation de corps ou en cas de cessation de la communauté de vie. La demande de PMA doit faire l’objet d’un consentement écrit des deux membres du couple, qui doivent par ailleurs apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans.

Une femme mariée ne peut pas faire de demande de PMA sans l’accord de son conjoint, afin d’éviter que le mari, qui n’aurait pas pris part au projet, soit considéré comme père d’un enfant qu’il n’aurait pas voulu.

  • Le choix du donneur lors d’une PMA


Un couple infertile qui a recours à la PMA souhaite choisir l’identité de son donneur.

Restera interdit

Le don de gamètes est soumis au principe général de l’anonymat des dons de matière corporelle. Un couple ne peut ni connaître l’identité du donneur ni le choisir. Le choix incombe aux seuls médecins qui, très généralement, suivent un critère de ressemblance physique.

Ce qui va rester autorisé

  • L’autoconservation des embryons


Un couple qui a déjà réalisé une fécondation in vitro (FIV) souhaite utiliser les embryons qui ont été congelés il y a quelques années.

Restera autorisée

Lors d’une fécondation in vitro (FIV), il est possible de féconder un nombre d’ovocytes supérieur au nombre qui sera implanté. Le couple peut choisir de les congeler et de les conserver pour une grossesse ultérieure.

  • L’adoption d’embryons


Un couple qui a réalisé avec succès une PMA avec ses gamètes, et congelé des embryons supplémentaires, aimerait qu’un autre couple infertile puisse en bénéficier.

Restera autorisée

Un homme et une femme, tous deux infertiles ou avec des risques de transmission d’une maladie génétique connue à l’enfant, peuvent avoir la possibilité d’accueillir l’embryon d’un autre couple. Cet accueil est soumis à la décision d’un juge. Ni les donneurs ni les receveurs ne peuvent connaître l’identité de l’autre couple concerné.




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