La progression vers l’égalité entre femmes et hommes est réelle, mais le chemin est encore long. « Les avancées sont inabouties et paradoxales », écrivent les auteurs de l’Atlas mondial des femmes, premier du genre, présenté, lundi 12 janvier, par l’Institut national d’études démographiques (INED) et publié par les éditions Autrement.
La cause du droit des femmes est relativement récente : ce n’est qu’en 1945 que les Nations unies ont adopté une charte établissant des principes généraux d’égalité entre les sexes. Depuis, plusieurs conférences internationales ont permis de préciser les objectifs. Le 18 décembre 1979, l’Assemblée générale de l’ONU a notamment adopté la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Et la quatrième conférence mondiale de Pékin, en 1995 − dont les Nations unies préparent le vingtième anniversaire −, s’est conclue sur une déclaration et un programme d’action pour l’autonomisation sociale, économique et politique des femmes.
Sur près de 7,4 milliards d'humains, les femmes sont minoritaires. Elles étaient plus nombreuses que les hommes jusque dans les années 1950. |
Où en est-on réellement aujourd’hui ? « Il y a des avancées dans un très grand nombre de domaines comme la santé, l’instruction… mais on voit aussi des situations se dégrader », explique Isabelle Attané, démographe de l’INED et coresponsable de l’Atlas. Moins nombreuses que les hommes sur la planète depuis les années 1950 – les femmes sont 3,6 milliards sur près de 7,4 milliards d’humains –, elles vivent plus longtemps, et ce partout dans le monde. Mais c’est un des rares avantages qu’elles peuvent revendiquer par rapport à la gente masculine. En 2010, le risque pour un homme de mourir à 20 ans était ainsi presque trois fois plus élevé que pour une jeune femme. Las, cette espérance de vie plus longue cache une dégradation de la santé plus importante pour les femmes, liée notamment aux « difficultés rencontrées parfois pour concilier la vie professionnelle et la vie familiale, les activités domestiques mobilisant davantage les femmes que les hommes, y compris celles qui travaillent », écrit la démographe Emmanuelle Cambois.
Pour le reste, les inégalités sont systématiquement en leur défaveur. Particulièrement exposées dans la vie domestique, ce sont elles aussi qui subissent davantage les violences sexuelles (75 à 85 %). Celles-ci augmentent dans les statistiques, mais cela est dû, explique la sociologue Alice Debauche, à une certaine « libération de la parole des femmes ». En France par exemple, le nombre de plaintes pour viol est passé d’environ un millier par an dans les années 1980 à dix fois plus dans les années 2000. La mesure et la comparaison de cette violence restent toutefois difficiles, tant les définitions légales des viols, agressions ou harcèlements, les possibilités de rompre le silence, etc. diffèrent d’un pays à l’autre.
L'augmentation des violences sexuelles, une des formes de violence conrtre les femmes, da |
Plus inquiètes pour leur emploi
Dans le secteur économique, l’accès à l’emploi progresse mais « on
constate que les femmes restent une variable d’ajustement privilégiée
dans un contexte de libéralisation et la crise économiques », avance Mme
Attané. Dans les pays où les emplois informels et domestiques sont
importants, cette réalité peut être moins perceptible. Mais la
vulnérabilité plus forte des femmes est bien réelle. Plus souvent au
chômage, elles ont aussi plus de risque de perdre leur emploi. Les
femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à estimer avoir un
risque de perdre leur emploi dans les six prochains mois dans de
nombreux pays : Finlande (17 % contre 11 %), au Danemark (11 % et 7 %),
en Belgique (près de 10 % et 4 %), en Espagne ou encore en Autriche.
Dans les autres pays, comme la France, le Portugal ou le Royaume Uni, la
menace pesant d’abord sur des secteurs d’activité traditionnellement
masculins expliquerait une moindre inquiétude des femmes.
L’emploi
des femmes reste cantonné aux postes les moins valorisés, dans
l’agriculture, le commerce et les services. Elles sont moins payées et
davantage touchées par la pauvreté. Aux Etats-Unis, le taux de pauvreté
des femmes était de 14,5 % contre 10,9 % pour les hommes (2 011). Et
surtout, les femmes continuent de faire des doubles journées : elles
subissent majoritairement le travail domestique (vaisselle, ménage,
rangement, soin aux enfants et personnes dépendantes, etc.). En France,
ces tâches les occupent à raison de 20 h 32 par semaine contre 8 h 38
pour les hommes. Si l’on intègre le bricolage, le jardinage, les courses
ou les jeux avec les enfants, le déséquilibre se réduit à peine,
26 h 15 pour les femmes contre 16 h 20 pour les hommes.
(...)
Rémi Barroux
Lire la suite sur le site du journal le monde, du 12/01/2015 : http://abonnes.lemonde.fr/demographie/article/2015/01/12/une-marche-paradoxale-vers-l-emancipation-des-femmes_4554683_1652705.html
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