Après le décès d’un nourrisson le 21 décembre qui a amené la ministre de la Santé, Marisol Touraine, à suspendre la commercialisation de l’Uvestérol D, le députée européenne Michèle Rivasi (Verts/ALE) met en cause le manque de réactivité de l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments. « Il y a a eu 93 cas d’effets secondaires recensés, on attend combien de morts pour interdire ce médicament ? » demande-t-elle. Explications.
Il
semble que les autorités sanitaires avaient été alertées sur les effets
secondaires de l’Uvestérol D. Avez-vous des détails sur ces
signalements ?
Michèle Rivasi : « On parle de 2006, mais
dès 96, il y avait eu le cas d’un enfant qui avait fait un malaise suite
à l’ingestion de ce médicament. Il y a eu 93 cas recensés qui ont été
notifiés à l’ANSM ( Agence Nationale de Sécurité des Médicaments ) soit
pour des malaises, soit pour des étouffements. Donc il y avait un effet
dû à l’ingestion de ce médicament. Suite à cela, l’ANSM a notifié au
laboratoire ( Crinex ndlr ) qu’il y avait un problème. Le laboratoire
s’est posé la question de savoir si c’était dû à la dose, donc ils ont
diminué la dose, ou est-ce que c’était dû à la seringue, donc ils ont
modifié la seringue. Malgré tout cela, il y avait toujours des
problèmes. « Prescrire », une revue indépendante, avait alors demandé
que ce médicament soit retiré de la vente. Vous voyez, « Prescrire »
avait déjà alerté depuis 96, il y a plus de 21 ans.
Comment expliquez-vous qu’il n’ait pas été tenu compte de ces alertes ?
M. R. Parce qu’il y a une inertie, c’est
comme pour le Mediator. Il a fallu attendre 20 ans pour le Mediator, eh
bien là, avec l’Uvestérol D, il a fallu plus de 10 ans, bien qu’il y ait
eu des remontées d’effets secondaires importantes. On n’est d’ailleurs
pas à l’abri qu’il y ait eu d’autres morts d’enfants. Parce qu’il a
fallu qu’il y ait ce mort le 21 décembre pour arrêter ce médicament,
mais qui dit qu’il n’y en a pas eu d’autres sans qu’on fasse la relation
de causalité avec le médicament. J’ai vu des témoignages de médecins
qui soulèvent cette question.
Comment le mode de fonctionnement de l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments explique-t-il ces lenteurs selon vous ?
M. R. Ce n’est pas la première fois qu’on
critique le fonctionnement de l’ANSM. On dirait que le doute fonctionne
toujours au bénéfice du laboratoire et jamais au bénéfice des victimes.
Il y a un dysfonctionnement au niveau de cette agence, où les remontées
au niveau des effets secondaires ne sont pas suffisamment prises en
compte. On dirait que l’ANSM a peur de l’attaque des laboratoires, parce
qu’il faut prouver la relation de causalité entre le médicament et les
effets secondaires. Mais là quand même, ça fait dix ans que ça dure et
il y a eu 93 notifications graves, mais ils n’ont pas supprimé ce
médicament. Ce qui est surprenant c’est qu’il y a d’autres médicaments
pour la vitamine D et pour lesquels il n’y a eu aucune remontée
d’effets secondaires. On lit dans les journaux que c’est la seringue qui
serait en cause. Moi le doute que j’ai, c’est qu’on n’en est même pas
sûr. Ce n’est pas forcément la seringue, c’est peut-être le dosage, ou
peut-être les excipients qui sont mis avec la vitamine D. Il y a
plusieurs hypothèses.
Selon vos informations, une réunion de la Commission
nationale de pharmacovigilance a eu lieu en juillet dernier à propos de
l’Uvestérol D. En savez-vous plus ?
M. R. Non, nous n’avons pas d’informations
plus précises pour l’instant mais beaucoup de gens se posent des
questions sur ce qui s’y est dit. Je demande à ce qu’on ait une
transparence totale de l’information sur cette dernière commission.
Quel est le fond du problème selon vous ?
M. R. Il paraît étonnant qu’on ait continué à
prescrire ce médicament alors qu’il y avait d’autres alternatives.
Est-ce que c’est parce que c’est un laboratoire français ? On me dit
pourquoi appliquer le principe de précaution pour interdire ce
médicament ? Mais là nous ne sommes pas sur le principe de précaution,
on est sur le principe de prévention puisqu’on sait que ce médicament a
eu des effets secondaires dangereux, il y a eu 93 cas recensés. On
attend combien de morts pour interdire ce médicament ? Donc, ce n’est
pas le principe de précaution qui doit être invoqué. Le principe de
précaution, c’est lorsqu’on soupçonne qu’il y a un effet. Mais là, il y a
eu une notification d’effets secondaires, c’est le principe de
prévention qui doit être appliqué. Donc il est temps d’arrêter ce
médicament.
(...)
L'Humanité, 04/01/2017.
Article intégral en ligne : http://www.humanite.fr/uvesterol-d-lagence-nationale-de-securite-des-medicaments-mise-sur-la-sellette-629751
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