Lire des extraits de notre entretien avec Vincent Lindon, acteur et coproducteur de « la Loi du marché », film événement de Cannes en salles depuis le 20 mai, Vincent Lindon a été plébiscité par une standing ovation de plus de 10 minutes. Pour l’acteur, rencontré par l’«Humanité Dimanche », ce film est un acte politique.
Rencontrer
Vincent Lindon, c’est vivre l’expérience trop rare d’un comédien qui va
au-delà de l’exercice de promotion d’un film. Comme dans ses rôles, il
est là, présent, il incarne. À l’écoute, prêt à rectifier, contredire,
préciser, illustrer par le geste et la parole ses digressions et son
point de vue, Vincent Lindon, l’homme d’extraction « bourgeoise et
aristocratique », est devenu l’un des prolos préférés et les plus
crédibles du cinéma français.
Maître-nageur apprenant à un migrant à nager pour l’aider à
réaliser son projet fou de traverser la Manche dans « Welcome », grutier
dans « Fred », maçon dans « Mademoiselle Chambon », il est aujourd’hui
Thierry dans « la Loi du marché », ancien ouvrier au chômage longue
durée, contraint de devenir agent de sécurité dans un hypermarché.
Pendant des semaines, pour les besoins du tournage, il a déambulé au
milieu des clients dans les rayons, endossant la tenue de ses collègues.
Il évoque « la Loi du marché » et son amour pour les gens vrais.
HD. Que vous inspire le titre « la Loi du marché », un terme trop souvent utilisé comme un bouc émissaire ?
VINCENT LINDON. Un
bouc émissaire est celui qui prend à la place des autres. La loi du
marché n’est pas un bouc émissaire mais une définition, un raccourci
pour retranscrire ce qu’il se passe. Il serait trop facile d’en faire un
bouc émissaire. C’est la réalité. Dans le langage courant, on peut
enlever la loi. On entend: « Ben oui, mon gars, c’est le marché. » « La
Loi du marché » est un titre formidable, très puissant, violent,
incisif, dérangeant, attirant, policier, alors que le film est le
contraire d’un polar. C’est aussi une expression terrible. Elle me fait
aussi peur que « il n’y a pas de fumée sans feu », qui me gêne parce
qu’elle veut dire que tout le monde est présumé coupable. La loi du
marché oblige quelquefois les hommes à faire des choses pas bien. Dans
le film, il est question de quelqu’un qui va résister comme dans « le
Rebelle » de King Vidor, un chef-d’œuvre absolu avec Gary Cooper, qui
pourrait être « la Loi du marché » d’il y a cinquante ans. À un moment,
un homme est face à un choix. Soit il a des convictions et ne veut pas
faire de concessions – mais cela a un coût et pas des moindres –, soit
il courbe l’échine, mais cela a aussi un coût, psychologique. Parfois
les plus forts arrivent à passer à travers et à dire: « Ce coup-ci,
c’est non, je n’irai pas plus loin, j’en ai assez supporté comme ça. »
« DANS MA VIE, CE FILM ARRIVE COMME UNE RÉCOMPENSE. FAIRE THIERRY A REMIS DE L’ESSENCE DANS MON MOTEUR. »
HD. Quel regard portez-vous sur Thierry, votre rôle dans le film ?
V. L. Dans ma vie, ce film arrive comme une
récompense. J’ai quelque chose à dire à ce personnage. Il a quelque
chose à me répondre. C’est comme si on se disait: « On est de la même
maison, Totoche. » Depuis longtemps, j’essaie de ne pas plier sous
certaines concessions, de me rapprocher le plus possible, dans mon
métier bourgeois, de la tolérance zéro. On propose aux acteurs, aux
actrices et aux gens connus, des milliards de facilités. J’essaie de
n’en accepter aucune. Lire la suite
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