samedi 22 juillet 2017

"Nous, les livreurs à vélo, on sait ce que c'est de ne pas avoir de code du travail"

Dimanche 9 juillet, alors que certaines rues de Paris étaient inondées, pas de chômage technique pour les livreurs de repas à vélo. Ceux qui roulent pour Deliveroo n’ont toujours pas reçu de prime pluie. Rencontre avec Anthony*, un des fondateurs du Collectif des livreurs autonomes de Paris qui témoigne des conditions de travail. 


Le Bondy Blog : Comment est né le Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP) ? 

Anthony : Le CLAP s’est formé à la suite du rassemblement des livreurs de toutes les plateformes de plusieurs villes de France, le 15 mars 2017, place de la République à Paris. Moi, je venais tout juste de commencer à travailler pour Deliveroo. Puis, cela s’est concrétisé lors d’une discussion sur Blocus Paris-Banlieue, un groupe Facebook qui s’est formé lors des blocages de lycées pendant les mouvements contre la loi Travail. On a fait une réunion à trois et on a invité Jérôme Pimot, un livreur historique [Ex-coursier à vélo, engagé aujourd’hui dans la création d’une coopérative pour donner un cadre social à ces travailleurs, un des fondateurs du CLAP, ndlr].
On est une dizaine. On a presque tous la vingtaine. On est essentiellement des étudiants mais il y en a qui font ça à plein temps. On bosse dans les principales plateformes, UberEats, Foodora, Stuart et Deliveroo, tous sous le sous le statut d’auto-entrepreneur. On est plusieurs à être syndiqués, chez SUD Commerce et la CGT services à la personne. Ces syndicats nous soutiennent. Mais le Clap se veut suffisamment souple pour pouvoir gérer toute forme d’actions et accueillir tout livreur. On est encore un petit collectif mais on a pas mal de sympathisants sur les réseaux sociaux notamment.

Le Bondy Blog : Quelles sont les difficultés rencontrées au quotidien par les livreurs ?

Anthony : C’est un métier dur et dangereux, physiquement et nerveusement. Paris est pensé pour les bagnoles et les rares espaces qui nous sont concédés, personne ne les respecte. Tu as des bagnoles dessus, des scooters qui remontent les pistes cyclables en contresens. Hop tu reçois une course, vite tu te dépêches d’y aller, c’est nerveux, c’est fatigant.

Le Bondy Blog : Ça peut arriver de négliger la sécurité pour faire plus de courses ?

Anthony : Carrément. Déjà, tu vas vite. Moi, je ne prends pas les pistes cyclables parce qu’il y a toujours des couacs, des gens qui marchent dessus, des cyclistes plus lents. Donc, je vais sur la chaussée et il y a des conducteurs qui me le reprochent. Ce sont des moments de tension. Tu as les taxis qui vont être un peu véhéments. Il faut faire avec. Donc, parfois oui tu grilles les feux rouges. Parfois, aussi, tu roules sur le trottoir parce que c’est plus compliqué de se taper le rond-point où les gens ne veulent pas s’arrêter pour toi alors ils vont klaxonner, te menacer. Être livreur à vélo à Paris c’est dangereux partout et tout le temps. Soit parce que tu ne respectes pas le code de la route, soit parce que les autres ne le respectent pas. C’est pour ça qu’au CLAP on essaie de s’ouvrir à la question du cyclisme dans Paris.

Le Bondy Blog : Travailler avec une application, c’est comment ? 

Anthony : Chez Deliveroo, il n’y a aucune transparence. Tu ne sais pas comment sont attribuées les courses. On te dit d’abord : “Tu as une course ici dans tel restaurant”. Une fois arrivé sur place, tu coches et ensuite on va te dire quelle commande tu as. Et c’est une fois la commande récupérée qu’on te dit où livrer. Ça peut être des courses très longues donc très fatigantes. Moi, je fais les XIe et XIIe arrondissements et je livre très régulièrement dans le XXe où je remonte toute la rue de Ménilmontant, qui est quand même très dure, plusieurs fois par soirée. Ça m’arrive régulièrement de faire une course sur 4 km et tu fais ça en 15 minutes. Alors que dans les statistiques qu’ils nous envoient, tu es considéré en retard quand tu dépasses 10 minutes par course. Et on ne sait pas ce qu’ils font du taux de retard.

(...)

Source : Bondyblog, 13/07/2017.
Article intégral en ligne : http://www.bondyblog.fr

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