Un rapport rendu public le 8 janvier décrit de graves problèmes de souffrance au travail au CHU de Grenoble. Liée dans certains cas à des querelles parfois violentes entre médecins, cette souffrance est aussi provoquée par un management dicté par une « logique comptable et financière ».
Un climat très lourd semble régner depuis plusieurs mois au CHU de Grenoble. ZOOM
Un climat très lourd semble régner depuis plusieurs mois au CHU de Grenoble. / Albert Facelly/Divergence
C’était un jeune neurochirurgien pédiatrique de 36 ans qui, de l’avis général, était brillant et très investi dans son travail. Un « perfectionniste » qui, en novembre, s’est donné la mort sur son lieu de travail, au CHU de Grenoble. Un suicide qui, selon une lettre qu’il a laissée, aurait été lié à des motifs personnels.
Un climat très lourd semble régner depuis plusieurs mois
au CHU de Grenoble. / Albert Facelly/Divergence |
« Il n’en reste pas moins que le choix du lieu a une signification », note un rapport rendu public lundi 8 janvier par le ministère de la santé. Selon ce rapport, cette mort brutale a « profondément traumatisé » les médecins et les équipes du CHU de Grenoble, où règne depuis plusieurs mois un climat très lourd, plusieurs médecins ayant dénoncé un harcèlement moral et de la souffrance au travail.
Des services « balkanisés »
C’est pour cette raison que la ministre Agnès Buzyn a chargé Edouard Couty, médiateur national en charge des hôpitaux, d’une mission. Au terme de ce travail, celui-ci livre un diagnostic sévère, décrivant des conflits aigus dans certains services entre des médecins en place depuis longtemps et de jeunes chefs de service venus de l’extérieur et ayant le titre de professeurs.
Le service de néphrologie est décrit comme « divisé », « balkanisé » et sans cohérence. Le service de réanimation est lui aussi en proie à des guerres intestines. « Il est clair que ce conflit rejaillit sur la prise en charge des malades et sur l’ensemble des professionnels du service, cadres et infirmiers notamment, au point de cliver les équipes et de générer de la souffrance au travail », note le rapport, tout en dénonçant une « communication de mauvaise qualité » entre le sommet et la base, qui « fait place à la rumeur dont l’effet est destructeur et délétère ».
Des conflits de pouvoir
Ce rapport n’a pas surpris le professeur Philippe Halimi, chef du service de radiologie à l’hôpital Pompidou à Paris. « Nous avions nous-même alerté sur ces souffrances graves à Grenoble, qu’on retrouve dans de nombreux hôpitaux en France où règne une maltraitance institutionnelle », assure ce médecin, qui préside l’association nationale Jean-Louis Megnien, du nom d’un cardiologue qui, fin 2015, s’est suicidé à Pompidou.
Ces situations peuvent être liées à des conflits de pouvoirs entre médecins. « Dans certains cas, cela peut être très violent. On reçoit des témoignages de gens qui se retrouvent sans bureau et sans patient car les secrétaires ont reçu pour consigne de ne plus leur en adresser », indique le docteur Nicole Smolski, présidente d’honneur de l’intersyndicat Action praticiens hôpital (APH) qui, le mois dernier, a créé un Observatoire de la souffrance à l’hôpital.