lundi 1 janvier 2018

« La hausse des inégalités n’est pas une fatalité, c’est le résultat de choix politiques »

Les économistes Lucas Chancel et Gabriel Zucman, coauteurs du « Rapport sur les inégalités mondiales 2018 », publié jeudi, ont répondu aux internautes.


Une centaine d’économistes réunis au sein de la World Wealth and Income Database (WID.world) ont publié, jeudi 14 décembre, le premier rapport sur les inégalités mondiales entre 1980 et 2016. Partout, les écarts de richesses se creusent : depuis les années 1980, les 1 % les plus riches ont capté 27 % de la croissance du revenu, contre 12 % pour la moitié la plus pauvre.

Lucas Chancel et Gabriel Zucman, coauteurs du « Rapport sur les inégalités mondiales 2018 », ont répondu aux questions de lecteurs du Monde.fr lors d’un tchat, vendredi.
Bonjour : Qu’est-ce que le rapport dit de nouveau ?

Lucas Chancel : Jusqu’à présent, le débat sur les inégalités mondiales s’est largement focalisé sur les 1 % ou les 10 % « du haut » (les plus riches), et ce à juste titre, car c’est là que l’on observe une croissance élevée des revenus et des patrimoines au cours des dernières décennies. Mais on disposait jusqu’alors de peu d’informations sur l’évolution des niveaux de revenu des 90 % « du bas ». On est désormais en mesure de couvrir l’ensemble de la distribution des revenus. C’est une nouveauté. On observe ainsi un effondrement des bas revenus aux Etats-Unis, et un décrochage en Europe par rapport à la moyenne, mais bien moindre qu’outre Atlantique.

La seconde nouveauté, et pas des moindres, c’est que l’on dispose aujourd’hui d’informations précises sur l’évolution des inégalités dans les pays émergents. Avant, on était incapable de dire comment la forte croissance de certains pays émergents au cours des dernières décennies s’était répartie au sein de la population. On sait que la pauvreté a diminué. Mais il peut y avoir réduction de la pauvreté absolue et hausse des inégalités. Désormais, on dispose de données sur les inégalités en Inde, en Chine, en Russie, au Brésil…, des pays qui ont connu de profondes transformations depuis 1980. On observe une explosion des inégalités en Inde et en Russie, une hausse moindre en Chine et une stabilisation (à un niveau d’inégalité extrême) au Brésil.


Enfin, dès lors que l’on peut mesurer l’ensemble des revenus, des plus riches aux plus pauvres, dans les pays du Nord et dans les pays émergents, on est en mesure de répartir l’ensemble de la croissance mondiale. Cela nous permet de publier des chiffres tout à fait inédits sur l’inégalité mondiale entre individus

Nathan Guillot : La mondialisation croissante des flux explique-t-elle cette explosion des inégalités ?

Gabriel Zucman : La mondialisation et l’explosion du commerce international ont sans doute joué un rôle dans la hausse des inégalités, mais sans doute secondaire. Ce qui compte bien plus, c’est l’évolution des politiques publiques, en particulier fiscales. Aux Etats-Unis, où les inégalités ont le plus augmenté, il y a eu une forte baisse de la progressivité du système fiscal, du pouvoir des syndicats, du salaire minimum ; l’accès à l’enseignement supérieur y est très inégalitaire. Les pays européens, qui sont tout autant que les Etats-Unis (voire plus) exposés à la mondialisation, ont connu une augmentation bien moindre des inégalités, car les changements de politiques publiques y ont été moins extrêmes.

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Article intégral en ligne : http://www.lemonde.fr
Source : Le Monde, 15/12/2017.

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