jeudi 15 février 2018

Au cœur de «la Mécanique du burn-out»

France 5 diffuse ce mercredi à 20h55 un documentaire à partir des témoignages de cinq personnes victimes du syndrome de dépression liée au travail. Tout en interrogeant les ressorts contemporains.





Thierry, berger, se souvient de l’instant où il a plongé : il roulait une cigarette dans sa voiture et c’est comme si son cerveau s’était arrêté net – il compare cela au début d’une hibernation, comme «une marmotte». Quand il s’est réveillé, il était dans un hélicoptère en route vers l’hôpital, où l’on a d’abord suspecté un AVC. Jacques, cuisinier, raconte, lui, son alitement comme «une délivrance» – dormir, manger, dormir. Son corps était une maison en ruines : les tremblements, les pertes de poids et de mémoire, le sommeil tourmenté, dans un environnement de stress intense au restaurant. A part bosser, il s’est rendu compte, a posteriori, qu’il ne faisait rien d’autre. Son épouse en est témoin : il en avait même oublié la date d’anniversaire de sa fille. Son album de photos de vieilles voitures aussi : pendant deux ans, il ne l’avait plus mis à jour, alors que shooter des épaves était sa passion.


Mercredi soir, France 5 diffuse la Mécanique burn-out.  

Elsa Fayner, journaliste et réalisatrice du film, a rencontré cinq ex-bourreaux de travail (deux femmes, trois hommes), qui expliquent ce qui les a menés à l’effondrement professionnel et, donc, à la dépression. Ces derniers décrivent, avec minutie, ce moment où la tête et tout ce qu’elle commande lâchent et ces fois où les sens se représentent le lieu de travail comme une salle de torture. La cassure est d’autant plus brutale qu’ils aimaient tous leur job.

Au-delà des témoignages et des éclairages de trois spécialistes (une sociologue, un psychiatre et un psychologue), l’enquête questionne et explore les à-côtés. Les patients zéro du burn-out: des professionnels du social qui, en manque croissant de reconnaissance, se sont mis à enquiller les heures de travail dans l’espoir de combler le vide. L’époque: par endroits, l’employé est devenu une denrée périssable, soumis à des changements fréquents d’organisation, lesquels remettent en cause ses compétences et, de fait, ce pourquoi il a été recruté. Le prisme: des entreprises ont érigé des méthodes de management en textes saints (si le salarié coule, c’est qu’il est inadapté et non l’inverse) et le rendement en divinité. La dévotion: la performance est de plus en plus assimilée à une forme de bien-être au travers de l’avancement dans l’entreprise, mais au prix d’une prise de risques parfois maximale – se mettre physiquement et psychologiquement dans le rouge. L’impasse: l’individu, dès lors qu’il intériorise sa supposée inutilité, finit par se poser mille et une questions. Les mauvaises, souvent.

Ramsès Kefi 
Libération, 14/02/2018.
  Voir ou revoir l'émission La Mécanique du burn-out, d'Elsa Fayner, mercredi, 20h55, France 5 : https://www.france.tv/france-5/le-monde-en-face/407663-la-mecanique-burn-out.html

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