jeudi 25 décembre 2014

Inquiets sur leurs études, les étudiants-infirmiers dans la rue

Plusieurs centaines d’étudiants aussi joyeux que déterminés ont défilé en blouses, jeudi 18 décembre, entre la République et le siège de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), derrière la bannière de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) aux cris de « Formation en danger, étudiants mobilisés ».

 

Manifestation d'étudiants-infirmiers, à Paris, le 18 décembre.
Photo Eric Feferberg / AFP


En cause : le risque, apparu ces dernières semaines, de devoir rembourser, pour certains, leurs frais de scolarité après avoir accédé au concours de ces écoles en trois ans, très sélectives et souvent fréquentées lors de conversions professionnelles. « On ne veut pas payer, sacrifiés en premier », ont scandé les jeunes professionnels de santé. « Etudiants en colère », ont-ils crié en chœur.
Depuis 2004, le financement des études dans le cadre de la formation professionnelle a été transféré aux régions. Une convention passée en 2012 entre l’AP-HP et la Région Ile-de-France fixe des critères d’éligibilité des étudiants au remboursement de leur formation : comme l’âge, le statut (titulaire du RSA, contrat aidé…). Ce dont tout le monde paraît se rendre compte depuis peu.
Et, sur les 8 000 étudiants que compte l’AP-HP, environ 200 étaient encore, au moment de la manifestation, potentiellement concernés par une demande de remboursement de leurs études, soit environ 22 000 euros sur trois ans, redoute Loïc Massardier, président de la Fnesi.
Dans un communiqué publié après la réception de la délégation étudiante, l’AP-HP a estimé que 75 étudiants – soit 1 % de l’effectif – seraient amenés à autofinancer leur formation, même si environ un quart des 2 000 dossiers en cours d’examen serait encore incomplets. « C’est révélateur d’une problématique de fond : le financement est-il suffisant, compte tenu qu’il s’agit d’une formation prise en charge par la région pour des étudiants infirmiers du service public dont les rémunérations ne seront pas folles ? », s’interrogeait Loïc Massardier, président de la Fnesi.

« Beaucoup de gens vont abandonner »

 

Ce dernier espérait une meilleure solution que la mise en place d’un simple examen au cas par cas par des assistantes sociales et d’un étalement des versements proposé par l’AP-HP. Sa délégation avait aussi rendez-vous au conseil régional en fin de journée. « Les étudiants ont mal, conseil régional ! », faisait aussi partie des slogans.
« Je suis potentiellement concerné, car ne suis pas dans les critères : j’ai plus de 26 ans et j’ai continué à bosser comme pion jusqu’à la veille de la rentrée, parce que j’en avais besoin, que je voulais rester indépendant. On pourrait donc me reprocher, en quelque sorte, de ne pas avoir été chômeur inscrit à Pôle emploi pendant trois mois… », s’inquiète Claude-Emmanuel Barrot, 29 ans, étudiant en troisième et dernière année, présent à la manifestation.
Autour de lui, des jeunes âgés de 21 à 23 ans, et aussi élèves de deuxième et troisième années. Concernés ou pas ? En cas de redoublement peut-être ? Le flou règne encore mais Laure Guillaume, Yelena Bodiangi, Nassira Akkari, Leila Flereau, Malika Cialec ou Julie Fernandez sont unanimes : « Si c’est ça, beaucoup de gens vont abandonner, car nous ne sommes pas riches. Ce n’était pas stipulé : si c’était une école payante, on ne serait pas là, on ne se serait pas inscrits au concours. On a déjà des emprunts pour vivre en région parisienne, payer la taxe d’habitation, les cartes de transport… », dit l’une.

 

« 60 centimes de l’heure la première année »

 

« Quand on gagnera 1 500 euros net par mois en début de carrière, on ne sera pas très riches. Et en trois ans de formation, on aura déjà fait un an et demi de stages, où les frais de transports ne sont pas pris en charge et nous n’avons pas toujours accès à la cantine », indique un autre.
« Pendant ces stages, nous faisons 35 heures officiellement par semaine, comme les titulaires, y compris les week-ends et les jours fériés, pour un dédommagement hebdomadaire de 23 euros la première année, 30 euros la seconde et 40 euros la troisième ! », précisent les manifestants.

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« On a calculé : 60 centimes de l’heure la première année, 66 centimes la seconde et un peu plus d’un euro la troisième… », soulignent les étudiants. « Il y a beaucoup de reconversions, de pères et de mères de famille : très peu de post-bac. On ne vient pas de milieux aisés, il y a très peu de Parisiens, et nous n’avons pas accès aux bourses universitaires mais aux bourses régionales qui ne correspondent pas aux mêmes échelons », concluent ces étudiants.
Des solutions seront peut-être trouvées pour les étudiants concernés et peut-être seront-ils finalement peu nombreux à devoir sortir de l’argent de leur poche.

Par Adrien de Tricornot, Le Monde, 18/12/2014.

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