lundi 1 décembre 2014

Un long dimanche de travail

Voilà une affaire qui remonte loin. Même Dieu, dit la Bible, s'est reposé le septième jour après son harassant travail de création du monde. Et, en 321, l'empereur chrétien Constantin 1er décrète le dimanche jour de repos légal dans l'Empire romain. Le débat sur l'opportunité du travail le dimanche est presque aussi ancien. La réforme que va proposer Emmanuel Macron, le ministre de l'économie, mercredi 10  décembre, aura donc un air de déjà-vu. Celui d'une querelle qui oppose la liberté de choix au confort social d'un jour de pause unique, le même pour tous.
Le plus ardent défenseur du repos du septième jour a bien sûr été l'Eglise, qui voulait s'assurer que ses ouailles fréquenteraient bien les lieux de culte le jour du Seigneur.
Et, paradoxalement, ce sont les forces de progrès de la société qui se sont insurgées contre cette pause obligatoire. Voltaire la condamnait au nom de l'économie et Montesquieu au nom de la morale. La Révolution française a donc supprimé le repos dominical. La Restauration l'a rétabli, puis la République l'a aboli. Il n'a pris l'allure d'une conquête sociale qu'avec la loi de 1906. Et encore, cette obligation était grevée de tellement d'exceptions faciles à obtenir que la vraie mise en œuvre du dimanche chômé n'est intervenue qu'en  1919, en même temps qu'était imposée la journée de huit  heures.
Qu'il est donc long et tortueux ce chemin du travail du dimanche ! Et lourd de symboles aussi. Comme les anticléricaux de la IIIe  République le rejetaient au nom de la laïcité, les syndicats d'aujourd'hui s'opposent à sa disparition au nom du respect de la vie de famille. Reste, comme Voltaire, l'argument économique. C'est lui qui prédomine en ces temps de croissance nulle et de chômage virulent.
Une " vraie loi "Donner de l'oxygène aux entreprises est une priorité. Et leur oxygène, c'est la liberté d'ouverture des commerces. Le seul problème est que les expériences menées en France ne démontrent pas une grande efficacité économique de cette mesure, surtout pour le petit commerce.
Trois arguments militent néanmoins pour une " vraie loi ". D'abord celui du tourisme. Plus de 30  millions de touristes visitent Paris chaque année. Pour eux, et pour ceux qui les servent, ne pas travailler le dimanche serait incompréhensible, surtout au regard des autres capitales européennes. C'est pour cela que les Champs-Elysées, comme d'autres zones, sont exemptés de cette obligation. Le boulevard Haussmann devrait, évidemment, en faire partie. Ensuite, les habitudes de consommation ont évolué. Pour les actifs urbains, le dimanche est un des rares moments où ils peuvent consommer. Faut-il se priver de cette manne ? Enfin, la situation actuelle est absurde tellement elle est mitée par les exceptions, facteurs d'injustices et d'inefficacité, comme en  1906. Pour une fois qu'une loi pourrait permettre une simplification, on aurait tort de s'en priver.
Philippe Escande


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© Le Monde02/12/2014

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