Alors que la somme des richesses créées n’a jamais été aussi importante, 2014 s’affirme comme l’année de toutes les inégalités. Même des organismes aussi libéraux que le FMI et l’OCDE s’en alarment !
Si les financiers déposaient des cadeaux au pied de la corbeille de
la Bourse de Paris, nul doute que le plus demandé au père Noël du
capital serait... une action d’Axa, l’entreprise la plus généreuse en
France avec 2,7 milliards distribués au deuxième trimestre (celui du
versement principal). Mais le père Noël n’est pas capitaliste ; au
reste, les actionnaires n’ont pas besoin de cadeau cette année, car 2014
a été celle de tous les records. Pensez : rien qu’en France, plus de 80
milliards d’euros distribués par les entreprises du CAC 40 – les oies
ne sont pas les seules à être gavées. « Une juste rétribution des
risques et de la création de richesses », chantent-ils en choeur. Mais
comment expliquer qu’en 2014 les mêmes entreprises ont vu leurs profits
baisser de 8 %, pour s’établir à 48 milliards d’euros, distribuant ainsi
plus de dividendes qu’elles n’ont dégagé de bénéfices ? La voracité de
la finance est telle que même le magazine « Challenges », peu suspect
d’anticapitalisme, parle « d’un très gros effort qui se fait au
détriment de l’investissement ». Et encore, il ne parle pas des
salaires... Michel Sapin, le ministre des Finances, y a déjà pensé,
exhortant, le 18 décembre, les patrons éventuellement frappés par le
virus de la justice sociale à « faire en sorte que les salaires
n’augmentent pas considérablement plus que la productivité de leur
entreprise ». Il faut bien payer les dividendes : la France est au
deuxième rang mondial, derrière les États- Unis, en ce qui concerne la
rétribution des actionnaires.
Une pluie de dividendes !
L’année 2014 a donc été celle de l’accélération brutale de la
voracité du capital, que les dirigeants accommodants appellent « crise
». Mais comment parler de crise quand on sait que depuis 2009 la hausse
des dividendes atteint... 60 % (70 % aux États-Unis, 136 % pour les
BRICS, et seulement 22 % pour l’Europe). D’ailleurs, le record est tombé
: cette année, les 1 200 plus grandes entreprises mondiales ont
distribué un peu moins de 1 200 milliards de dollars (980 milliards
d’euros), soit 133 milliards de plus qu’en 2013. Mention spéciale aux
heureux détenteurs d’actions de la finance (57 milliards d’euros au
troisième trimestre 2014), de l’énergie (35 milliards d’euros) ou des
télécommunications (19,6 milliards d’euros). En France, Orange, BNP
Paribas, Axa donc, ou la Société générale sont en tête. Et de l’autre
côté ? Peanuts. Au point que l’OCDE (Organisation de coopération et de
développement économiques), d’habitude au garde-à-vous libéral, s’alarme
dans un rapport paru le 9 décembre : les inégalités se creusent trop. «
Jamais en trente ans le fossé entre riches et pauvres n’a été aussi
prononcé », y est-il écrit.
Au sein des pays développés, le revenu des 10% les plus riches est 9,5 fois plus élevé que celui des 10% les plus pauvres.
À l’échelle de la zone OCDE (pays issus pour la plupart du monde
occidental), le revenu des 10 % les plus riches est aujourd’hui 9,5 fois
plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres : ce rapport était de 1 à
7 dans les années 1980. Surtout, l’organisation d’études économiques
prend peur : loin des antiennes libérales qui répètent que déverser des
montagnes de cash au sommet de la pyramide permet un ruissellement
jusqu’à la base de la société et profite à tous, le rapport établit que
ces inégalités ont coûté... 8,5 points de PIB sur 25 ans. Énorme. Et de
poursuivre : « Ce n’est pas uniquement la pauvreté ou le revenu des 10 %
de la population au bas de l’échelle qui inhibe la croissance. Les
pouvoirs publics doivent se préoccuper plus généralement du sort des 40 %
les plus défavorisés. (...) Lutter contre les inégalités par l’impôt et
les transferts ne nuit pas à la croissance. » Transmis à la troïka...
Désormais, tout le monde sait ce qu’il faut faire, comme le rappelait
Robert Reich, dans ces colonnes (lire « HD » n° 400) : « Le pas suivant
est de s’organiser et de s’engager politiquement. » Cela commence
maintenant. C’est une bonne résolution.
BENJAMIN KÖNIG , L'Humanité, 28/12/2014.
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