vendredi 17 juillet 2015

La contre-offensive des parents Lambert

Jusqu’ici médiatiques et administratives, les manœuvres des parents de Vincent Lambert pour obtenir un transfert de leur fils tétraplégique et en état neurovégétatif ont pris, jeudi 16 juillet, une dimension judiciaire. Au lendemain de l’annonce du lancement d’une troisième procédure collégiale du CHU de Reims en vue d’une « éventuelle décision » d’arrêt des traitements, Pierre et Viviane Lambert ont décidé de concentrer leurs attaques sur le Dr Daniela Simon, la chef de service de l’unité de soins palliatifs, qui prendra bientôt la décision finale. L’accusant de partialité et de « conflit d’intérêts », ils avaient exigé, mercredi, qu’elle se récuse avant jeudi midi.


Viviane Lambert à Reims, mercredi 15 juillet.
Viviane Lambert à Reims, mercredi 15 juillet.  
FRANCOIS NASCIMBENI / AFP
 
 
N’ayant eu « aucune réponse » de l’hôpital, ils ont annoncé dans l’après-midi qu’ils s’apprêtaient à déposer une plainte pour « tentative d’assassinat sur personne vulnérable ». Sont également visés, au côté du docteur Daniela Simon, le CHU de Reims, en tant que personne morale, mais aussi le docteur Eric Kariger, le précédent chef de service, et le docteur Ana Oportus, c’est-à-dire les responsables de l’équipe médicale qui avaient mené la première opération d’arrêt des traitements en avril 2013.
Limité à l’arrêt de la seule alimentation artificielle, ce processus avait été mal conduit d’un point de vue médical. Il avait été interrompu au bout de trente et un jours par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, au motif qu’une partie de la famille n’en avait pas été informée, comme le prévoit pourtant la loi Leonetti.
« Si on ne veut plus s’occuper de Vincent, qu’on nous le donne, je suis prête à l’accueillir »
La plainte de « trente-cinq pages » qui devrait être déposée vendredi sur le bureau du procureur du tribunal de grande instance de Reims porte également sur une toute série d’autres infractions : « délaissement » et « violences » sur personne vulnérable, « non-assistance à personne en danger », « séquestration et atteinte arbitraire à la liberté individuelle » ou encore « violation du secret médical ». « Il faut que la mascarade s’arrête, que les masques tombent et que tout le monde réalise que Vincent est mal pris en charge depuis le début », assure Jean Paillot, l’un des deux avocats des parents.
Derrière cette avalanche de poursuites, les parents dénoncent aussi bien le refus de l’hôpital d’autoriser le transfert de leur fils à leur domicile ou dans un établissement de leur choix que l’absence de soins de kinésithérapie ou de rééducation à l’alimentation par la bouche. « Si on ne veut plus s’occuper de Vincent, qu’on nous le donne, je suis prête à l’accueillir », dit Viviane Lambert.

« Conflit d’intérêts »

 

Signe qu’une nouvelle étape s’est ouverte à Reims, Rachel Lambert, l’épouse de Vincent Lambert, qui avait donné son accord en 2013 au processus d’arrêt des traitements, et qui avait été jusque-là relativement épargnée par les parents, est cette fois dans leur viseur. Dans la plainte qui devrait être déposée, elle est accusée de « faux témoignage ». Il lui est reproché d’être partie vivre depuis deux ans en Belgique sans en avoir informé l’hôpital. « Nous disposons d’un rapport d’enquête privée qui l’atteste », admet sans détour Me Jean Paillot. « Tant pis pour Rachel, elle nous a trahis… », lâche Viviane Lambert.
Dans cette stratégie de contestation tous azimuts, un point évoqué mercredi par Viviane Lambert, et jusque-là passé inaperçu, pourrait se révéler décisif lorsque le tribunal administratif sera – vraisemblablement – saisi en référé par les parents. Dans l’arrêt rendu le 5 juin par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), Daniela Simon et Ana Oportus, les deux médecins du CHU de Reims, sont présentées comme les « conseillers » de Rachel Lambert. Pour Jean Paillot, c’est bien la preuve de l’existence d’un « conflit d’intérêts » chez la responsable médicale qui aurait « pris officiellement le parti » de l’épouse.

 
Laurent Pettiti, l’avocat de Rachel Lambert, juge cette accusation « totalement absurde » et dénonce une « stratégie alors que le processus est dans sa phase finale ». Pour lui, si la CEDH a « affublé les médecins du titre de conseiller », c’est parce qu’il a lui-même envoyé le courrier demandant à ce qu’elles puissent assister à l’audience publique de la grande chambre le 7 janvier à Strasbourg. A la CEDH, on explique que les demandes de rectification envoyées par l’avocat et les deux médecins ne pourront être examinées qu’en septembre.
Même s’il ne s’agissait que d’un « quiproquo », cette mention crée un « doute sérieux » quant à la légalité d’une future décision d’arrêt des traitements, souligne le juriste Nicolas Hervieu. Dès lors, « une suspension de cette décision par le juge administratif des référés n’est plus si improbable », analyse-t-il, alors même que l’hôpital de Reims, en choisissant de reprendre la procédure de zéro, avait tout fait pour l’entourer d’un maximum de précautions juridiques.

Source : Journal Le Monde,
17/07/2015, François Béguin.

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