vendredi 17 juillet 2015

Du bac à la fac : une vraie réforme est nécessaire

Les gouvernements passent, l’enjeu est le même : réduire l’échec en premier cycle universitaire. Et l’un des moyens d’y parvenir serait d’instaurer une meilleure articulation avec les années du lycée. Le rapport parlementaire sur « les liens entre le lycée et l’enseignement supérieur », rendu public mercredi 8 juillet, était donc très attendu. D’autant que la mission d’information de l’Assemblée nationale, présidée par Dominique Nachury (Les Républicains), et dont le rapporteur était Emeric Bréhier (Parti socialiste), comprenait des élus de droite et de gauche comme l’écologiste Barbara Pompili ou l’ancien ministre du logement de François Fillon, Benoist Apparu. Ils ont réussi à se mettre d’accord sur 33 recommandations.


Séverin Millet

Mais ce rapport a, du coup, le défaut de ses qualités. Il propose une série d’améliorations consensuelles mais manque de mesures-chocs pour parvenir à ses objectifs, parmi lesquels : renforcer l’orientation des élèves et la rendre plus précoce, faciliter les passerelles entre les filières, améliorer la formation des enseignants et la pédagogie, développer le tutorat, proposer une année de rattrapage facultative après le bac pour les élèves les plus « faibles », préserver l’offre de formation sur le territoire, etc. Sa préconisation la plus audacieuse est de réduire le nombre d’épreuves finales du baccalauréat « sur un nombre limité de matières fondamentales et en instituant un contrôle continu sur les options ». Les épreuves majeures seraient soumises à des seuils éliminatoires, et l’examen pensé en fonction des compétences nécessaires dans le supérieur. D’autre part, le système d’orientation Admission post-bac (APB) serait réformé, le premier vœu des futurs bacheliers devant notamment être motivé.
« On aurait espéré un rapport parlementaire plus décapant », réagit Christian Forestier, ancien recteur et ex-directeur de cabinet de Jack Lang au ministère de l’éducation nationale. « Il propose de faire d’APB un outil d’orientation, d’affectation et de sélection, c’est beaucoup. Mais pourquoi alors Dauphine ou Sciences Po Paris n’y figurent pas ? Par ailleurs, pourquoi deux grands lycées parisiens – Louis-le-Grand et Henri-IV – ont seuls le droit de recruter dans toute la France dès la classe de seconde ? », souligne-t-il.

Manque de place

 

Le risque est aussi que les mesures sur lesquelles tout le monde s’entend demeurent des vœux pieux, faute de moyens et alors que le nombre d’étudiants ne cesse d’augmenter : « Permettre d’étaler le cursus de licence sur quatre ans, offrir des semestres de soutien ou des DUT [diplômes universitaires de technologie] en année décalée, nous le faisons déjà dans certaines universités. Le problème pour le généraliser, c’est que ça coûte très cher, comme les nouvelles pédagogies et l’accompagnement du numérique lorsqu’il est bien fait », explique Gilles Roussel, président de l’université Paris-Est-Marne-La-Vallée et de la commission de la formation et de l’insertion professionnelle de la Conférence des présidents d’université. Et de souligner que le rapport, s’il ne prône pas la sélection, n’aborde pas la question du manque de places à l’université dans certaines filières – comme les Staps [Sciences et techniques des activités physiques et sportives] –, où la pratique d’une sélection aléatoire par tirage au sort s’est généralisée.
La mission parlementaire ne va pas assez loin en matière d’orientation, estime aussi Jean-Marc Monteil, ancien recteur et ex-directeur général de l’enseignement supérieur au ministère, qui recommande de réserver les BTS aux bacheliers professionnels et les DUT aux bacheliers technologiques : « La meilleure préparation à l’université pour les bacheliers professionnels, ce n’est pas la peine de l’inventer, elle existe : c’est le BTS, qui peut déboucher sur la vie professionnelle, et qui donne aussi des passerelles vers l’université. » La critique est partagée par Christian Forestier : « En proposant un BTS en trois ans [au lieu de deux] aux bacheliers professionnels, on affiche que le BTS n’est pas construit pour eux alors qu’il faudrait au contraire reconstruire cette filière sur les prérequis des bacs pro. »

Peser sur l’orientation

 

M. Forestier recommande aussi de « marcher sur deux jambes » en unifiant les voies générale et technologique – qui ouvrent toutes les deux aux études longues –, parallèlement à la voie professionnelle, orientée vers les BTS, voire les DUT et les licences pro. Le système des trois voies (générale, technologique et professionnelle) n’existe en effet qu’en France. Une fois cette simplification faite, il prône aussi « des mesures coercitives » pour peser sur l’orientation dans les filières : leurs financements pourraient être modulés selon les profils des bacheliers reçus, ce qui conduirait à « diminuer le coût des classes préparatoires et sanctionner financièrement les STS [section de technicien supérieur] et IUT accueillant trop de bacheliers généraux. On pourrait aussi réserver les prépas commerciales aux bacheliers des séries ES et de gestion. Ou bien ouvrir une filière en médecine pour les bacheliers littéraires », dit-il.
Les auteurs du rapport ont auditionné Thierry Mandon, avant qu’il ne soit nommé à l’enseignement supérieur. Le rapport n’est pas destiné au ministère. Il a le mérite de poser le débat, qui reste cependant très ouvert.

Source : Journal Le Monde, Adrien de Tricornot, 13/07/2015.

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