mercredi 11 novembre 2015

Feu vert pour les greffes d’utérus en France

La transplantation d’utérus sera dorénavant possible en France. L’Agence nationale de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (ANSM) vient d’accorder une autorisation pour un essai clinique à une équipe du CHU de Limoges. Le protocole prévoit d’inclure huit femmes, qui recevront l’utérus de donneuses en état de mort cérébrale.

Après des décennies de recherches, la greffe d’utérus s’est concrétisée pour la première fois par la naissance d’un enfant en octobre 2014, en Suède. Depuis, l’équipe de l’université de Göteborg, qui a recours à des donneuses vivantes, a obtenu d’autres succès. Au total, quatre bébés sont ainsi nés – le dernier en juin – selon une communication des chercheurs suédois au récent congrès de la Société européenne d’oncologie gynécologique (ESGO), à Nice.


En septembre, un groupe de chercheurs britanniques a, de son côté, indiqué avoir reçu le feu vert pour lancer un essai sur une dizaine de femmes au Royaume-Uni. Elles recevront un utérus prélevé chez des donneuses en état de mort cérébrale. L’étude devrait commencer dès 2016 si l’équipe réussit à réunir les fonds nécessaires.

Prélèvement multi-organes 

 

Les transplantations d’utérus sont le seul traitement envisageable pour les infertilités d’origine utérine. Celles-ci résultent soit d’une absence congénitale de cet organe (comme dans le syndrome de Rokitansky-Küster-Hauser, qui touche une femme sur 4 500), soit de son ablation chirurgicale (après hémorragie de la délivrance ou tumeur, par exemple), soit d’un problème fonctionnel. Au total, ces pathologies sont loin d’être rares, elles concerneraient environ une femme sur 500.
L’équipe de Limoges qui vient d’obtenir l’autorisation des autorités est investie dans ce champ de recherche depuis 1999. Les médecins ont d’abord travaillé sur des animaux, puis ont prélevé l’utérus de femmes en état de mort cérébrale, montrant que cette procédure peut s’intégrer dans un prélèvement multi-organes sans problème particulier.
L’essai clinique qui commence a été approuvé par le comité de protection des personnes (CPP) de la région. Il est financé par des fonds publics, dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique. Une présélection des participantes est en cours.
« L’objectif principal de cette étude de faisabilité est de démontrer que les bénéfices sont supérieurs aux risques, c’est-à-dire que ces transplantations peuvent permettre d’aboutir à des naissances, sans complications majeures », résume Tristan Gauthier, gynéco-obstétricien au CHU de Limoges et investigateur principal de l’essai. L’équipe, dit-il, a reçu « énormément de demandes » à l’échelle nationale. Certaines ont été rapidement écartées du fait du contexte clinique.

Au mieux fin 2016

 

Les critères d’inclusion dans le protocole sont très stricts. Ainsi, les patientes qui ont eu une ablation de l’utérus en raison d’une hémorragie de la délivrance ne peuvent participer, car l’ANSM a souhaité limiter l’étude à des femmes qui n’ont pas encore d’enfant. La sélection est aussi drastique pour minimiser les risques de complications médicales, chirurgicales et obstétricales.
Le premier faire-part de naissance après transplantation d’utérus en France n’est cependant pas pour demain, prévient Tristan Gauthier.
« Nous nous réjouissons de cette autorisation, parmi les premières accordées dans le monde, mais il y a des étapes incompressibles. La première greffe se fera au mieux fin 2016, avec l’inconnue de la durée d’attente d’un greffon compatible. Ensuite, il faudra attendre un an que la greffe soit stabilisée, avant de mettre en route une grossesse par fécondation in vitro. La première naissance n’aura donc pas lieu avant fin 2018 », insiste le médecin. En attendant, l’équipe continue des expérimentations chez l’animal. Si le premier essai tient ses promesses, la technique pourrait ensuite se diffuser dans d’autres centres français, et les indications s’élargir. D’autres sources de donneuses sont possibles. Il y a tout juste un an, une équipe de l’hôpital Foch (Suresnes) évoquait de son côté un projet de transplantations utérines à partir de donneuses en état de mort cérébrale, mais aussi de donneuses vivantes et de transsexuelles femmes devenant hommes.

Sandrine Cabut, Le Monde, 6/11/2015.

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