samedi 9 avril 2016

Diabète : l’épidémie mondiale pourrait être mieux prise en charge

Ce n’est pas pour rien qu’on parle d’épidémie à propos du diabète, comme pour les maladies infectieuses. Entre 1980 et 2014, le nombre d’adultes vivant avec cette maladie chronique est passé de 108 millions à 422 millions. La proportion de la population mondiale touchée par cette affection a presque doublé : de 4,7 % en 1980, elle a grimpé à 8,5 %. En rappelant ces chiffres dans son premier rapport mondial sur le diabète publié mercredi 6 avril, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne manque pas de souligner qu’« au cours des dix dernières années, la prévalence du diabète a augmenté plus rapidement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire que dans les pays à revenu élevé ».

 

Dans le cadre de la journée mondiale de la santé, qui se tient annuellement le 7 avril, l’OMS a choisi de mettre l’accent sur ce problème. Directeur du département de prévention des maladies non transmissibles de l’institution internationale, Etienne Krug explique que « le nombre de diabétiques augmente non seulement du fait de l’accroissement de la population mais aussi de celui des facteurs en cause, à commencer par le surpoids : plus d’un adulte sur trois est en surpoids et plus d’un sur dix est obèse ».

Diabète de type 1 et 2

 

Le diabète est une maladie qui se développe lorsque le pancréas ne produit pas assez d’insuline – c’est le diabète de type 1 qui requiert des injections de cette hormone régulant la concentration de glucose dans le sang (glycémie) – ou bien lorsque l’organisme n’utilise pas correctement l’insuline produite – on parle alors de diabète de type 2, pour lequel le traitement fait appel à des médicaments mais peut aussi nécessiter de l’insuline. Etablir l’appartenance à l’une ou l’autre de ces deux formes de la maladie nécessite des examens de laboratoire qui ne sont pas disponibles partout, ce qui explique que l’OMS ne puisse pas avancer des estimations mondiales de la prévalence respective des deux types de diabète.

« Le diabète multiplie par 2 à 3 le risque de maladies cardiovasculaires et par dix à vingt celui d’amputation »
Dans les deux cas, la maladie peut entraîner diverses complications comme l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral, l’insuffisance rénale, des troubles vasculaires, nerveux et cutanés entraînant l’amputation des jambes, des pertes de vision, des risques pour le fœtus lors d’une grossesse« Le diabète multiplie par 2 à 3 le risque de maladies cardiovasculaires et par dix à vingt celui d’amputation. Or, une détection précoce et une prise en charge rapide peuvent largement contenir le développement de ces complications », affirme le Dr Krug.

Globalement, en 2012, le diabète a été considéré comme directement responsable de 1,5 million de décès dans le monde. De plus, une glycémie trop élevée est impliquée comme facteur de risque notamment des maladies cardiovasculaires, qui provoquent 2,2 millions de morts supplémentaires. « Sur ces 3,7 millions de décès, 43 % surviennent avant l’âge de 70 ans » à l’échelle mondiale, remarque l’OMS, qui ajoute que « le pourcentage de décès dus à l’hyperglycémie ou au diabète survenant avant l’âge de 70 ans est plus élevé dans les pays à revenu faible ou intermédiaire que dans les pays à revenu élevé ».
Des différences majeures sont en effet observées selon les régions. « Au début des années 1980, explique le Dr Krug, la prévalence du diabète la plus importante se retrouvait dans les pays à revenu élevé. A présent c’est l’inverse. Les taux les plus élevés se rencontrent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, au Moyen-Orient, qui dans cet intervalle est passé de 5,9 pour cent mille personnes à 13,7 ; en Asie du Sud-Est (s’élevant de 4,1 pour cent mille à 8,6) et en Afrique (3,1 pour cent mille en 1980 et 7,1 à présent). »

Ces disparités selon le niveau économique du pays trouvent leur source dans des inégalités lors des différentes étapes allant de la prévention de la maladie à son traitement, en passant par le diagnostic. Cela commence par l’existence ou non d’une promotion de l’hygiène de vie (habitudes alimentaires, exercice physique) afin de prévenir le développement d’un diabète de type 2 et de l’obésité qui y concourt. Promotion qui implique des approches globales associant différents domaines et non le seul secteur sanitaire.

Le diagnostic du diabète

 

La seconde étape est le diagnostic d’un diabète. Il suppose que le test de glycémie et d’autres analyses sanguines soient disponibles au niveau des structures de santé primaires, au plus près de la population, et que les patients repérés ainsi puissent être orientés vers des structures spécialisées afin d’assurer la surveillance des différents organes que la maladie peut toucher. Une prise en charge qui doit être combinée à celle d’autres maladies qui, comme le diabète, sont non transmissibles, à commencer par les maladies cardiovasculaires.
Or, « seul un pays à revenu faible ou intermédiaire sur trois indique que les établissements de soins de santé primaires sont généralement dotés des technologies les plus essentielles pour le diagnostic et la prise en charge du diabète », constate l’OMS. Si la plupart des pays déclarent avoir adopté une politique nationale de lutte contre le diabète, de réduction des facteurs de risques et d’amélioration de la prise en charge de la maladie, « dans certaines régions et certains pays à revenu plus faible, ces politiques et lignes directrices manquent de financement et ne sont pas appliquées », déplore le rapport.

827 milliards de dollars

 

« Un traitement avec une insuline pour un mois, même meilleur marché, représente 20 jours de salaire moyen au Malawi »
Une situation d’autant plus problématique que l’impact économique du diabète sera encore plus marqué dans les pays en développement. Les coûts directs pour les systèmes de santé et les économies nationales explosent : ils sont évalués annuellement à 827 milliards de dollars (726 milliards d’euros) et la Fédération internationale du diabète a calculé que le coût total des soins pour cette maladie a plus que triplé entre 2003 et 2013, à la fois du fait de l’augmentation du nombre de personnes touchées par la maladie mais aussi du coût des dépenses de prise en charge d’un diabétique.


A cela s’ajoutent les conséquences économiques pour les personnes atteintes et leur entourage, qui doivent y consacrer des dépenses de leur propre poche, en augmentation elles aussi. Le rapport de l’OMS cite un travail de 2012 selon lequel les diabétiques et leur famille ont plus de risque d’être confrontés à des obligations de « dépenses médicales catastrophiques » que les personnes non touchées, en particulier dans les pays à plus faible revenu. « Un traitement avec une insuline pour un mois, même meilleur marché, représente 3 jours de salaire moyen au Brésil, 5 jours au Pakistan, 7 jours au Népal et 20 jours au Malawi », souligne le Dr Krug.
A l’échelle mondiale, les coûts directs et indirects du diabète vont entraîner, entre 2011 et 2030, des pertes dans le PNB d’un total de 1 700 milliards de dollars (1 491 milliards d’euros), dont 900 milliards pour les pays à revenu élevé et 800 milliards pour ceux à revenu faible ou intermédiaire, selon une étude portant sur 35 pays en développement de l’école de santé publique de Harvard et du Forum économique mondial, publiée en 2011.

Le Monde, Paul Benkimoun, 05/04/2016.

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