Pourquoi nous consommons de moins en moins de viande
Depuis 1990, la consommation de viande, en
France, connaît une baisse générale, sauf celle de volaille, qui
augmente. Pierre Sans, chercheur associé à l’INRA-Aliss (alimentation et
sciences sociales), explique pourquoi.
Tendance végane de plus en plus
présente, scandale à répétition dans les abattoirs, crises sanitaires ou
recherche d’une meilleure santé… ? La filière viande est en crise, même
si les professionnels du secteur croient encore en l’avenir de la viande.
Les chiffres de la consommation de viande indiquent, eux, une baisse
générale, en France, depuis 1990. Seule la consommation individuelle de
volaille connaît une forte hausse. Comment expliquer une telle
tendance ?
Pour Pierre Sans, chercheur associé à l’INRA-Aliss (alimentation et
sciences sociales) d’Ivry-sur-Seine et enseignant à l’Ecole nationale
vétérinaire de Toulouse, ce changement de comportement alimentaire
s’explique par une conjonction de plusieurs facteurs. « S’il est
difficile de déterminer une unique cause à l’origine de la baisse de la
consommation de viande en France depuis une vingtaine d’années, il est
en revanche possible d’identifier trois paramètres responsables de ce
phénomène. »
Nombre d’abattoirs en France en 2015 Infographie Le Monde
Si les Français consomment aujourd’hui moins de viande qu’il y a vingt ans, « c’est d’abord à cause de la hausse de son prix »,
explique Pierre Sans. Et pour cause, les tarifs des produits carnés, en
particulier ceux issus des espèces bovines (bœufs, vaches) et ovines
(moutons, agneaux), ont considérablement augmenté depuis les années
1990, comme l’indiquait le rapport de France AgriMer en 2015.
(...)
Le Monde, 12/09/2017.
Alors que la viande de porc, de veau et
surtout de mouton est de moins en moins présente dans les assiettes des
Français, la volaille est quant à elle toujours autant appréciée. Voire
davantage. Cette tendance, le chercheur la justifie, en partie, par
l’évolution des formes de produits proposés sur le marché : « Depuis
plusieurs années on constate une montée en puissance de plats élaborés à
partir de viande transformée. La volaille est la viande qui se prête le
mieux à la confection de ces aliments prêts à être consommés sur le
pouce, comme les sandwichs ou les plats mijotés par exemple. Alors que
les pièces de mouton ou de d’agneau ne se prêtent pas du tout à ce genre
de cuisine. » «
Depuis plusieurs années on constate une montée en puissance de plats
élaborés à partir de viande transformée. La volaille est la viande qui
se prête le mieux à la confection de ces aliments prêts à être consommés
sur le pouce, comme les sandwichs ou les plats mijotés par exemple.
Alors que les pièces de mouton ou de d’agneau ne se prêtent pas du tout à
ce genre de cuisine. » Pierre Sans, chercheur à l’INRA-Aliss. Infographie Le MondeDeuxième raison de la moindre consommation : le fait que les
consommateurs-citoyens sont devenus de plus en plus soucieux de leur
planète. « Cela joue en faveur d’une réduction de la consommation de
la viande. Davantage sensibles aux conséquences de l’élevage
industriel, notamment des ruminants, sur le changement climatique, les
Français optent désormais avec plus de facilité pour une réduction des
produits carnés dans leurs habitudes alimentaires. Sans pour autant
supprimer définitivement la viande des assiettes des Français. » Enfin, le lien, établi en 2015 par le rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), entre la consommation abusive de viande rouge et certains cancers « a probablement conduit le consommateur à prendre conscience de l’impact de son alimentation sur sa santé », rajoute Pierre Sans.
Infographie Le Monde
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le succès du véganisme
n’est pas, selon le chercheur, la première raison qui pousse les
Français à manger moins de produits carnés. Il précise : « La mode
du régime végan, ainsi que la sensibilité croissante des consommateurs
occidentaux pour la cause animale, pèsent évidement dans leur choix de
réduire leur consommation de viande, mais ces comportements n’expliquent
pas à eux seuls cette baisse. » Doit-on dire adieu au bœuf bourguignon, à la blanquette de veau et au
ragoût d’agneau ? Pour Pierre Sans, il n’en est pas question : « Je
reste optimiste sur le niveau de la consommation de viande en France.
Même si la tendance de la consommation de produits carnés est à la
baisse, il y aura toujours dans notre culture et nos habitudes
alimentaires une place pour les plaisirs gustatifs, dont la viande fait
inévitablement partie. Si le véganisme connaît de nos jours un fort
succès, je ne pense pas pour autant que l’ensemble des consommateurs
français s’inscriront dans un modèle de rejet total de la viande. »
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