mercredi 30 mai 2018

"En guerre" avec Vincent Lindon : un film d’une force et d’une portée impressionnantes

Très loin de son adaptation de Maupassant, "Une vie", mais très près de "La Loi du marché", voici "En guerre", le nouveau film de Stéphane Brizé avec (comme dans "La loi du marché") le très impliqué et très puissant Vincent Lindon. Qu'ont pensé les critiques du "Masque & la Plume" de cette fresque sociale ? 



Le nouveau film de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon est dans les salles depuis le 16 mai 2018



Le nouveau film de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon est 
dans les salles depuis le 16 mai 2018 © © Nord Ouest Films



Vincent Lindon est ici Laurent Amédéo, il prend la tête d’un mouvement de grève à Agen, dans une usine de sous-traitance automobile (l’usine Perrin) qui appartient au groupe allemand Dimke. La direction a décidé de fermer l'usine alors qu’elle faisait des bénéfices et qu’un accord d’entreprise avait été signé, deux ans plus tôt, avec les 1100 salariés, qui avaient accepté une baisse de leurs salaires. 
Pendant 1h50, caméra à l’épaule, Stéphane Brizé filme les moments forts de la grève, les manifs à Agen, le voyage à Paris pour discuter avec le conseiller social de l’Elysée, l’occupation du siège du Medef, le combat mené pour rencontrer et faire vaciller Martin Hauser, l’intraitable patron allemand, l’espoir de trouver un repreneur et, au sein des grévistes, les dissensions syndicales qui vont être fatales au mouvement. Une course contre la montre, contre la mort, jusqu’à un épilogue terrible qu’on ne racontera pas.
Tout cela tourné en 23 jours avec beaucoup d’acteurs non-professionnels...
Je trouve ça bouleversant. Ça n'est pas une caméra embarquée, comme pendant la guerre, c'est une caméra immergée, c'est-à-dire qu'on est avec eux, au milieu de ces gens-là. 
Vincent Lindon, acteur connu quand même (!), est avec eux, il est en colère comme eux et je trouve que là, il n'est pas excellent, il n'est pas bon - il est vrai
J'ai été totalement bouleversée par ces non-professionnels qui sont dans leurs propres rôles : trois de ces syndicalistes non-professionnels et acteurs dans le film ont été conseillers au scénario, dont Olivier Lemaire qui a été ouvrier, syndicaliste militant et qui maintenant est expert en juridiction du travail et qui s'occupe de faire les plans sociaux. Et c'est dans le film : Brizé donne aussi la parole à la partie adverse. 

Sophie Avon : "C'est un film militant, politique, mais ce n'est pas un film dogmatique parce que chacun a ses raisons..."



Stéphane Brizé a fait tourner 600 personnes de l'usine (la véritable usine est à Fumel).
Ce qui me gênait dans La loi du marché, c'était sa sécheresse, je trouvais qu'il manquait un peu de transcendance malgré ses qualités... alors que là, ce qui m'a bluffée, ce qui fait que le film passe en force, c'est la façon épique que Stéphane Brizé a de raconter ça. C'est une épopée ! Il y a un moment où on a l'impression qu'il dresse une armée. C'est la guerre mais vraiment ! De cette lutte des classes, Stéphane Brizé fait quelque chose avec une ampleur, une dimension, une vraie puissance - et c'est effectivement d'autant plus fort que le scénario est, je crois, très documenté, très écrit. 
Après j'ai une simple réserve : est-ce que ce n'est pas un film un peu franco-français, notamment à cause de la fin : ce n'est pas forcément universel même si malheureusement la lutte des classes est internationale... 

Sophie Avon : "Stéphane Brizé a fait tourner 600 personnes de l'usine (la véritable usine est à Fumel)."
Sophie Avon : "Stéphane Brizé a fait tourner 600 personnes de l'usine
(la véritable usine est à Fumel)." / © Nord Ouest Films



Jean-Marc Lalanne : "il y a une capacité à construire un suspense uniquement sur une joute verbale assez impressionnante"

Moi aussi, je trouve le film supérieur à La loi du marché, moins uniformément gris et moins dans un processus d'accablement du personnage. Ce qui est beau là, c'est que le film essaie vraiment de constituer un working class heros
Le film est fort aussi sur la manière de construire de très longues scènes de paroles, il y a quelque chose qui rappelle un peu le film de Campillo là-dessus. On sent que c'est quand même très dramatisé et qu'il y a un sens de la rhétorique et une capacité à construire un suspense uniquement sur une joute verbale assez impressionnante. 

(...)

Source : France inter, 30/05/2018.
Article intégral en ligne : https://www.franceinter.fr/cinema/en-guerre-de-stephane-brize-et-avec-vincent-lindon

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