jeudi 24 mai 2018

« Lanceur d’alerte », décryptage d’un terme en vogue

L’expression « lanceur d’alerte » fleurit un peu partout, si bien qu’elle pourrait perdre son sens et sa force. Décryptage d’un terme importé en France en 1996.


Le club des lanceurs d’alerte n’est pas très fermé, si on s’en tient à l’utilisation très fréquente du terme dans les médias, sur les réseaux sociaux, dans les discours politiques ou militants. « Enormément d’acteurs revendiquent ce label, résume le sociologue Francis Chateauraynaud, créateur du concept de « lanceur d’alerte » en 1996. Il a colonisé l’espace public parce qu’il permet de se présenter positivement. Il est bien reçu par la plupart des gens, car il suggère que l’on défend l’intérêt général. »
Quatre questions pour rendre lisible cette étiquette que tout le monde s’arrache.

« Lanceur d’alerte » ou « whistleblower » ?

Pour M. Chateauraynaud, en 1996, le lanceur d’alerte est une personne ou une entité qui cherche à faire reconnaître, souvent contre l’avis majoritaire, l’importance d’un danger ou d’un risque en lien avec l’intérêt général. « Il ouvre un nouvel espace de débat public en signalant une question qui ne mobilise pas, qui ennuie, est déniée, oubliée, voire relativisée », résume le sociologue, qui a procédé en important et en modifiant la notion américaine de whistleblower, inscrite dès 1863 dans le droit américain (US False Claims Act) pendant la guerre de Sécession (1861-1865). L’objectif est alors d’inciter à la dénonciation des fraudes commises par des entreprises ayant passé un contrat avec le gouvernement.
« Des fournisseurs peu scrupuleux auraient vendu aux armées de l’Union des marchandises défectueuses comme, par exemple, de la poudre coupée à la sciure de bois », rappelle la juriste Johanna Schwartz Miralles dans La Revue des droits de l’homme. Cette loi permet aux whistleblowers d’intenter une action en justice au nom du gouvernement contre le fraudeur et d’obtenir une partie de l’amende éventuelle. La notion de whistleblower est ainsi historiquement liée à la dénonciation d’irrégularités, tandis que celle de « lanceur d’alerte » englobe aussi la dénonciation de risques en tous genres — par exemple pour la santé ou l’environnement —, même s’ils sont incertains.

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Source : Le Monde, 22/05/2018.
Article intégral en ligne : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/05/22/lanceur-d-alerte-decryptage-d-un-terme-en-vogue_5302906_4355770.html

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