samedi 5 mai 2018

Loin des vieux, loin du cœur : le grand âge effacé et oublié

Phénomène récent dans ces proportions, la grande vieillesse n’est pas forcément un naufrage : seule une personne de plus de 85 ans sur cinq est dépendante. Pourtant, la société française ignore cette tranche d’âge, dont elle a une perception biaisée, et souvent négative.

«Leur malheureux sort dénonce l’échec de toute notre civilisation.» Puisque Simone de Beauvoir écrit tout de même un peu mieux que nous, et que son constat colle encore au réel, on s’est permis d’emprunter ses mots. Cinquante ans plus tard, on aime toujours aussi peu nos vieux. On les planque tant bien que mal, puisqu’ils sont de plus en plus nombreux. En janvier 2016, les plus de 75 ans représentaient 9,1 % de la population française, 3 % si on resserre le segment aux plus de 85 ans. Selon la Cour des comptes, ces derniers devraient passer de 1,4 million de personnes à 5 millions en 2060. Ce sont nos grands-parents, nos parents et, qu’on se le dise, ce sera nous. C’est probablement ce qui explique cet angle mort : nous rechignons à voir ce que nous deviendrons, à nous projeter au bord du seuil.

 A Tours, en 2015.

 Jérôme Pellissier, docteur en psychogérontologie, l’explique ainsi : «Nous vivons dans une société où la mort est cachée. Or les personnes âgées sont associées à cet impensé. La société est très centrée sur des valeurs comme la performance, la jeunesse, la rapidité, avec le modèle de l’humain surpuissant, prenant soin de lui. Le très vieux nous met donc mal à l’aise si on veut maintenir cette illusion.» Il faut bien le dire aussi, les vieux, ça encombre. Ils ne travaillent plus, mais prennent des places assises dans le métro, ils ne rapportent plus mais allongent les queues aux caisses des boulangeries. «Le rapport collectif à la vieillesse est imprégné d’un présupposé d’inutilité dans une société où tout se mesure à l’utilité», explique le sociologue Michel Billé, spécialisé dans les questions relatives aux handicaps et à la vieillesse.

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Source : Libération, 11/05/2018.
Article intégral en ligne : https://www.liberation.fr/france/2018/05/11/loin-des-vieux-loin-du-coeur-le-grand-age-efface-et-oublie_1649510

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