Les conditions de travail des personnels du secteur hospitalier sont
l’objet d’une attention croissante des pouvoirs publics et des
chercheurs. L’étude de leur évolution fait apparaître un léger recul de
l’exposition à certaines formes de pénibilité inhérentes aux missions de
soin : les horaires décalés et les efforts physiques importants. En
revanche, les personnels font face à une pression temporelle accrue, qui
alimente un sentiment de « qualité empêchée » chez une part croissante
de ces personnels. Rythme et qualité du travail sont ainsi en tension à
l’hôpital.
par Samia Benallah, maître de conférences en économie, université de Reims Champagne-Ardenne, laboratoire REGARDS EA 6292
L’hôpital a connu, ces dernières décennies, de
nombreuses réformes qui ont profondément bouleversé sa place dans le
système de santé, son mode de financement ou encore son organisation
interne. Les défis à relever pour le secteur hospitalier demeurent
significatifs, et les contraintes économiques et financières qui pèsent
sur l’hôpital sont loin de se desserrer. Vieillissement de la
population, important développement des maladies chroniques, coût
croissant des traitements et techniques de soins : les sources de
croissance des dépenses de santé sont nombreuses. Cependant, outre la
logique financière, qui a conduit à d’amples réorganisations du travail
hospitalier, les pouvoirs publics ont également investi le champ de la
qualité des soins et celui de la qualité de vie au travail.
Des conditions de travail sous surveillance publique
Parmi les défis à relever par l’hôpital, l’amélioration
des conditions dans lesquelles les professionnels du secteur, en
particulier les soignants, exercent leur travail est un enjeu majeur.
Comme le considèrent certains chercheurs (Lamy S., Gaudemaris (de) R.,
Sobaszek A., Caroly S., Descatha A., Lang T., « Améliorer les conditions
de travail à l’hôpital : ORSOSA, de la démarche de recherche à l’action
de prévention », Santé publique, vol. 25, no 4, 2013, p. 389-397), la
nécessité de cette amélioration relèverait même d’un enjeu de santé
publique, pour au moins trois raisons. La première a trait à la
préservation de la santé des travailleurs de l’hôpital dans un
environnement de travail particulièrement pathogène, caractérisé par des
contraintes fortes qui pèsent sur les organismes : travail de nuit,
forte demande psychologique, travail intense et physiquement exigeant…
La deuxième concerne le risque de pénurie de
main-d’oeuvre dans le secteur hospitalier qui résulte directement des
conditions dégradées d’exercice du travail se traduisant par une forte
insatisfaction. Celle-ci débouche sur un manque d’attractivité des
emplois, des démissions et des départs prématurés en retraite, un niveau
important de turn-over et d’absences pour raisons de santé, qui font
peser la menace d’un manque durable de personnels et provoquent des
désorganisations importantes au sein des hôpitaux (Estryn-Béhar M.,
Santé et satisfaction des soignants au travail en France et en Europe,
Rennes, Presses de l’EHESP, 2008). La troisième considération découle
directement des deux précédentes : le maintien de la qualité des soins
dans un environnement de travail de plus en plus difficile et dans un
contexte de manque d’effectifs devient problématique.
Dès le début des années 2000, la puissance publique
s’est emparée du problème des conditions de travail à l’hôpital,
notamment à travers la mise en place de dispositifs d’enquêtes
nationales et européennes permettant de mieux connaître les contraintes
qui pèsent sur les personnels du secteur. Ils ont permis de disposer
d’informations fines concernant les conditions de travail et leur
évolution mais aussi, plus généralement, l’organisation du travail au
sein de ce secteur.
Les initiatives de la puissance publique visant à l’amélioration des
conditions de travail se sont également multipliées depuis le début des
années 2010, en particulier autour des thèmes du dialogue social ou encore de la qualité de vie au travail. Le rapport commandé en 2013 par le ministère
des Affaires sociales et de la Santé en est l’illustration (Couty E. et
Scotton C., Le pacte de confiance pour l’hôpital : synthèse des
travaux, Paris, La Documentation française, 2013).
Des contraintes de travail pathogènes, inhérentes aux missions de soin
L’étude des conditions de travail à partir de ces
dispositifs d’enquête a permis de mettre en évidence leur caractère
particulièrement pathogène. Les personnels sont en effet, dans leur
grande majorité, confrontés à trois types de contraintes dont les effets
délétères sur la santé sont démontrés par les études épidémiologiques :
les horaires décalés et le travail posté, les efforts physiques
importants et l’exposition à un environnement de travail malsain (pour
une présentation détaillée des effets sur la santé et l’espérance de vie
de ces trois types de condition de travail, on peut se référer à
Lasfargues G., Départs en retraite et travaux pénibles, l’usage des
connaissances scientifiques sur le travail et ses risques à long terme
pour la santé, Centre d’études de l’emploi, 2005).
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Source : Vie-publique.fr