samedi 16 mars 2019

Conditions de travail à l'hôpital : un problème de santé publique

Les conditions de travail des personnels du secteur hospitalier sont l’objet d’une attention croissante des pouvoirs publics et des chercheurs. L’étude de leur évolution fait apparaître un léger recul de l’exposition à certaines formes de pénibilité inhérentes aux missions de soin : les horaires décalés et les efforts physiques importants. En revanche, les personnels font face à une pression temporelle accrue, qui alimente un sentiment de « qualité empêchée » chez une part croissante de ces personnels. Rythme et qualité du travail sont ainsi en tension à l’hôpital.


par Samia Benallah, maître de conférences en économie, université de Reims Champagne-Ardenne, laboratoire REGARDS EA 6292
L’hôpital a connu, ces dernières décennies, de nombreuses réformes qui ont profondément bouleversé sa place dans le système de santé, son mode de financement ou encore son organisation interne. Les défis à relever pour le secteur hospitalier demeurent significatifs, et les contraintes économiques et financières qui pèsent sur l’hôpital sont loin de se desserrer. Vieillissement de la population, important développement des maladies chroniques, coût croissant des traitements et techniques de soins : les sources de croissance des dépenses de santé sont nombreuses. Cependant, outre la logique financière, qui a conduit à d’amples réorganisations du travail hospitalier, les pouvoirs publics ont également investi le champ de la qualité des soins et celui de la qualité de vie au travail.

Des conditions de travail sous surveillance publique

Parmi les défis à relever par l’hôpital, l’amélioration des conditions dans lesquelles les professionnels du secteur, en particulier les soignants, exercent leur travail est un enjeu majeur. Comme le considèrent certains chercheurs (Lamy S., Gaudemaris (de) R., Sobaszek A., Caroly S., Descatha A., Lang T., « Améliorer les conditions de travail à l’hôpital : ORSOSA, de la démarche de recherche à l’action de prévention », Santé publique, vol. 25, no 4, 2013, p. 389-397), la nécessité de cette amélioration relèverait même d’un enjeu de santé publique, pour au moins trois raisons. La première a trait à la préservation de la santé des travailleurs de l’hôpital dans un environnement de travail particulièrement pathogène, caractérisé par des contraintes fortes qui pèsent sur les organismes : travail de nuit, forte demande psychologique, travail intense et physiquement exigeant…
La deuxième concerne le risque de pénurie de main-d’oeuvre dans le secteur hospitalier qui résulte directement des conditions dégradées d’exercice du travail se traduisant par une forte insatisfaction. Celle-ci débouche sur un manque d’attractivité des emplois, des démissions et des départs prématurés en retraite, un niveau important de turn-over et d’absences pour raisons de santé, qui font peser la menace d’un manque durable de personnels et provoquent des désorganisations importantes au sein des hôpitaux (Estryn-Béhar M., Santé et satisfaction des soignants au travail en France et en Europe, Rennes, Presses de l’EHESP, 2008). La troisième considération découle directement des deux précédentes : le maintien de la qualité des soins dans un environnement de travail de plus en plus difficile et dans un contexte de manque d’effectifs devient problématique.
Dès le début des années 2000, la puissance publique s’est emparée du problème des conditions de travail à l’hôpital, notamment à travers la mise en place de dispositifs d’enquêtes nationales et européennes permettant de mieux connaître les contraintes qui pèsent sur les personnels du secteur. Ils ont permis de disposer d’informations fines concernant les conditions de travail et leur évolution mais aussi, plus généralement, l’organisation du travail au sein de ce secteur. Les initiatives de la puissance publique visant à l’amélioration des conditions de travail se sont également multipliées depuis le début des années 2010, en particulier autour des thèmes du dialogue social ou encore de la qualité de vie au travail. Le rapport commandé en 2013 par le ministère des Affaires sociales et de la Santé en est l’illustration (Couty E. et Scotton C., Le pacte de confiance pour l’hôpital : synthèse des travaux, Paris, La Documentation française, 2013).

Des contraintes de travail pathogènes, inhérentes aux missions de soin

L’étude des conditions de travail à partir de ces dispositifs d’enquête a permis de mettre en évidence leur caractère particulièrement pathogène. Les personnels sont en effet, dans leur grande majorité, confrontés à trois types de contraintes dont les effets délétères sur la santé sont démontrés par les études épidémiologiques : les horaires décalés et le travail posté, les efforts physiques importants et l’exposition à un environnement de travail malsain (pour une présentation détaillée des effets sur la santé et l’espérance de vie de ces trois types de condition de travail, on peut se référer à Lasfargues G., Départs en retraite et travaux pénibles, l’usage des connaissances scientifiques sur le travail et ses risques à long terme pour la santé, Centre d’études de l’emploi, 2005).

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Source : Vie-publique.fr
Article intégral en ligne : https://www.vie-publique.fr

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