lundi 12 octobre 2015

Réforme des mutuelles : ce qui change pour le salarié

A partir du 1er janvier 2016, toutes les entreprises proposeront une complémentaire santé et financeront au moins la moitié des cotisations. Les salariés vont devoir décrypter l’offre de leur employeur, vérifier que leurs enfants sont couverts, jongler avec de possibles options…

 Qui est concerné  ?

Si la grande majorité des salariés des grandes entreprises sont déjà couverts, ce n’est pas le cas dans les petites structures. D’après le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie, près d’un quart des salariés sont concernés, soit plus de quatre millions de personnes. Parmi elles, 90 % possèdent déjà une mutuelle individuelle et 10 % ne sont pas du tout couvertes.

Qui est exclu  ?

Les inactifs (sauf en cas de chôma­ge), les fonctionnaires et les non-salariés ne sont pas concernés. Les chômeurs bénéficieront gratuitement de la complémentaire santé de leur ancienne entreprise pendant 12 mois au ­maximum.


Les CDD en bénéficient-ils  ?

Oui, dès que la durée de leur contrat atteint au moins un mois. S’ils sont au chômage à la suite de ce contrat à durée déterminée, ils pourront conserver gratuitement la complémentaire de l’entreprise pendant une durée égale à leur contrat de travail (un an au maximum). Les intérimaires bénéficient d’un régime spécifique.

Eric Leroux, Journaliste au Monde


   

Les contrats seront-ils protecteurs  ?

La loi a défini un panier de soins minimal. Les contrats couvrent au moins le ticket modérateur, le forfait journalier hospitalier, les soins dentaires à hauteur de 125 % des tarifs de la Sécurité sociale et l’op­tique pour 100 à 200 euros. Soit l’équivalent d’une «  mutuelle  » ­individuelle très basique, qui couvre les plus gros risques mais ne compense guère les dépenses ­onéreu­ses mal prises en charge par l’Assurance-maladie (dépassements d’honoraires, prothèses et implants dentaires, optique ou le financement d’une chambre particulière en cas d’hospitalisation). Pour de jeunes salariés peu consommateurs de soins, ce contrat de base devrait largement suffire.

 La famille du salarié sera-t-elle couverte  ?

Non, la loi ne l’impose pas. Conséquence  : les conjoints inactifs et leurs enfants peuvent ne pas être couverts par cette complémentaire santé. «  En règle générale, les contrats couvrent toute la famille dans les grandes entreprises, mais ce n’est pas le cas dans les plus ­petites  », observe Olivier Pericchi, directeur général délégué du groupe d’assurances Henner.

Faudra-t-il souscrire une surcomplémentaire  ?

Dans les entreprises qui optent, a minima, pour le panier de base, il est probable que les assureurs proposent aux salariés des surcomplémentaires afin de bénéficier de remboursements plus étendus. Elles couvriront plus largement les dépassements d’honoraires, les frais dentaires… Vous serez libres de les choisir ou non.
La surcomplémentaire ne sera pas cofinancée par l’entreprise et sera donc intégralement à la charge des salariés. Ces derniers pourront se tourner vers l’assureur ou la mutuelle de leur choix mais auront généralement intérêt à opter pour la surcomplémentaire que leur proposera l’assureur de l’entreprise. «   Celle-ci sera alors mieux articulée avec les garanties de base et évitera les doublons de garanties ou les trous dans la protection  », juge Françoise Louberssac, dirigeante d’April entreprise prévoyance. Mais attention aux prix de ces « options  ». Les courtiers en assurance observent que les assureurs bradent le prix du panier de soins minimal pour équiper les entreprises, car ils espèrent se rattraper ensuite sur les surcomplémentaires.

Avec une surcomplémentaire, quelle sera la procédure pour être remboursé  ?

Vous n’aurez rien à faire si vous avez choisi le même assureur que celui de l’entreprise. En revanche, si vous faites appel à une autre compagnie, vous devrez lui envoyer un justificatif des remboursements déjà reçus de la Sécu et de la complémentaire  : les procédures ne sont pas automatisées pour un deuxième assureur.

Combien cela va-t-il coûter  ?

Une couverture basique, reprenant le panier de soins minimal, sera facturée entre 15 et 30 euros par mois à l’entreprise et au sa­larié. « Pour une formule haut de gamme responsable, il faudra compter de 60 à 75 euros par mois environ  », estime M. Pericchi. La majorité des contrats se situeront entre ces deux extrêmes. Les entreprises financeront au moins la moitié des cotisations. La parti­cipation de l’employeur aux frais de la mutuelle étant assimilée à un revenu ­imposable, le salarié paiera des impôts sur cette somme. A cela s’ajouteront les frais éventuels des surcomplémentaires.

Que faire de ma complémentaire individuelle actuelle  ?

Vous pourrez la conserver jusqu’à son échéance. Ensuite, il faudra ­résilier votre contrat individuel, en informant l’assureur au moins deux mois avant l’échéance.

Peut-on refuser l’assurance de l’entreprise  ?

Oui, mais dans certains cas seulement et parfois uniquement de manière temporaire. Les cas de dispense concernent les salariés déjà en poste dans l’entreprise au moment de la mise en place du ­régime, si ce dernier procède d’une décision unilatérale de l’employeur et que la cotisation a pour conséquence de diminuer leurs ­revenus. En revanche, si le régime est mis en place par un accord ­collectif ou un référendum, cette exception ne peut être retenue.
Autre cas de dispense  : lorsque le salarié bénéficie déjà d’une couverture obligatoire, par exemple par le biais du contrat collectif de son conjoint. De même, s’il est éligible aux dispositifs d’aide tels que la CMU-C (Couverture maladie universelle complémentaire) ou l’ACS (Aide au paiement d’une complémentaire santé), il peut aussi refuser la mutuelle. Enfin, l’assurance n’est pas obligatoire pour les CDD de moins de douze mois ou si la personne est rémunérée par plusieurs employeurs. Les salariés à temps très partiel pourront aussi dire non si la cotisation équivaut à 10 % ou plus de leur salaire. Enfin, les personnes déjà couvertes par un contrat individuel pourront être dispensées, mais seulement jusqu’à l’échéance de leur contrat individuel.
Dans tous les cas, le salarié devra fournir à l’entreprise des preuves de la couverture existante ou du bénéfice des dispositifs d’aide.

Que se passe-t-il lors du départ en retraite  ?

L’assureur qui gère le contrat doit vous proposer le maintien des garanties existantes, mais il peut augmenter le tarif jusqu’à 50 %. Comme l’entreprise ne finance plus la cotisation, le coût risque de tripler pour le retraité. Le projet de loi de finances pour la Sécurité ­sociale 2016 prévoit d’intégrer une disposition imposant un délai de trois à cinq ans avant d’atteindre cette augmentation maximale. «  Le contrat d’entreprise n’est généralement plus adapté aux retraités. Il est souvent préférable d’opter pour un contrat individuel qui pourra coûter moins cher  », estime M. Pericchi.

Et pour les salariés déjà couverts par leur entreprise  ?

Pour eux, rien ne change… pour le moment. Parallèlement à cette réforme, les entreprises doivent en effet revoir les garanties de leurs contrats collectifs pour les adapter au cadre des contrats dits «  responsables  ». «  Au moins deux tiers des contrats devront être modifiés  », observe Bruno Chrétien, président de l’Institut de la protection sociale (IPS). Cela devrait se traduire par une diminution des remboursements de soins, notamment sur les dépassements d’honoraires, les soins dentaires et l’optique… et ainsi « tirer la couverture vers le bas  », selon M. Chrétien.

Lexique

Taux de remboursement de la Sécurité sociale : le pourcentage du tarif (de convention ou de responsabilité) que rembourse la Sécurité sociale. Il varie entre 60 % et 100 %, selon les actes et soins prodigués.
Ticket modérateur : le pourcentage du tarif non remboursé par la Sécurité sociale. Il atteint 30 % pour une consultation chez un médecin, 20 % sur l’hospitalisation…
Tarif de convention : le tarif retenu par la Sécurité sociale pour calculer ses remboursements, appliqué par les professionnels « conventionnés » (et pour les médicaments) hors dépassement d’honoraires. En optique et pour les prothèses dentaires, les tarifs réellement pratiqués s’avèrent beaucoup plus élevés.
Dépassement : toute somme facturée au-delà du tarif de convention, et donc non remboursée par la Sécurité sociale.
Remboursement de 200 % : lorsque la mutuelle indique qu’elle rembourse à 200 %, cela signifie que l’assuré recevra deux fois le tarif de convention, remboursement de la Sécurité sociale compris. Exemple : pour une couronne dentaire, dont le tarif de convention est de 107,50 euros, le remboursement total (Sécurité sociale + mutuelle) s’élèvera à 215 euros. Soit entre la moitié et le tiers de la dépense consentie par le particulier.
Participation forfaitaire : la somme systématiquement à la charge de l’assuré social (1 euro chez le médecin, 0,50 euro pour chaque boîte de médicaments…), qui n’est pas remboursée par les complémentaires dites « responsables ».

Eric Leroux, Journaliste au Monde

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