mercredi 16 mars 2016

Faut-il republier Mein Kampf ?

Quel sens y a-t-il à publier en France le manifeste d’Adolf Hitler perçu comme responsable du génocide nazi ? Et dans quelles conditions le faire ?

Le 31 décembre 2015, Mein Kampf, le sinistre ouvrage d’Adolf Hitler publié de son vivant, tombait dans le domaine public. Ce livre, regardé comme la bible du nazisme, est un manifeste des idées ayant présidé aux pires crimes de la seconde guerre mondiale : ultranationalisme, racisme intégral et antisémitisme haineux. Jusque-là contrôlée par le Land de Bavière, toute édition ou traduction nouvelle était légalement entravée, bien que d’anciennes versions circulaient dans de nombreux pays, dont la France. Cette nouvelle donne a ouvert la porte à un dilemme éditorial : peut-on publier Mein Kampf sans se faire porte-parole des mots d’ordre nazis ? Comment et dans quel intérêt le faire ?
Déjà, une édition allemande élaborée par L’Institut d’histoire contemporaine de Munich a été mise sur le marché en janvier 2016. Les 700 pages de l’original ont été multipliées par trois, en raison des commentaires historiques et critiques qui font de ce texte un objet d’étude, et non plus un pamphlet. Le succès de vente de cet opus peut inquiéter, mais aussi se comprendre : Mein Kampf fait partie de l’histoire allemande.

En France, la question se pose différemment. L’annonce par l’éditeur Fayard, en octobre 2015, de la publication d’une nouvelle traduction commentée a déclenché un débat notamment entre historiens de la période. En octobre 2015, Johann Chapoutot se retirait du projet et dénonçait « l’hitlérocentrisme » dont Mein Kampf est porteur. D’autres ont défendu la nécessité d’allumer un contre-feu à la diffusion malintentionnée de ce texte. « À partir du moment où Mein Kampf tombe dans le domaine public, on peut être sûr que de petits éditeurs antisémites ou d’extrême droite vont s’en emparer. Cela me paraît un danger supérieur à celui d’en donner une édition scientifique et commentée », commente Jean-Yves Mollier, historien du livre. « La censure ne sert à rien : on trouve Mein Kampf sur Internet depuis des années. » (1)

Plus que sur la publication, en fait, c’est sur les conditions de l’opération que les opinions s’opposent. Est-il supportable de voir Mein Kampf en pile dans les librairies ? Est-il acceptable d’en tirer des bénéfices ? N’y a-t-il pas des alternatives mieux ciblées et plus respectables ? L’historienne Annette Wieviorka, non seulement donne les raisons de son opposition au projet actuel, mais s’interroge sur l’utilisation du nazisme comme « produit d'appel ». On lira son interview, ainsi que le contrepoint que lui apporte Florent Brayard.

(...)

Nicolas Journet, 16/03/2016, Sciences Humaines.


Lire la suite de l'article sur le site internet de la revue Sciences Humaines : http://www.scienceshumaines.com/faut-il-republier-mein-kampf_fr_36001.html

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