mercredi 2 mars 2016

Un guide pour gérer le fait religieux en établissement public de santé


L'Observatoire de la laïcité a publié le 23 février 2016 sur son site internet un guide rappelant les réponses, encadrées par le droit, aux cas concrets relevant du principe de laïcité dans les établissements publics de santé.

hôpital
Principe de laïcité en hôpital public :
le guide de l'Observatoire de la laïcité fait le point.


"Après avoir auditionné les acteurs de terrain, l'Observatoire de la laïcité a fait le constat de la nécessité de porter à la connaissance des personnels et des patients les règles qui découlent du principe de laïcité. [...] Il a également constaté un besoin de formations sur les questions de laïcité et de gestion du fait religieux dans le secteur hospitalier" explique-t-il en préambule dans son guide.
Ces dernières années, plusieurs organismes, comme la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) avaient déjà demandé des clarifications aux autorités. En avril 2015, dans une circulaire, la ministre de la décentralisation et de la fonction publique avait indiqué que les nouveaux fonctionnaires et les fonctionnaires actuels devaient être formés au principe de la laïcité et, en corollaire, à celui de neutralité.

Cet été, la Fédération hospitalière de France (FHF) a publié, elle aussi, un rapport sur la laïcité dans les établissements publics de santé et médico-sociaux, dans lequel elle faisait 22 recommandations.

Interrogée dimanche sur RTL sur le sujet, la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine a loué l'initiative de l'observatoire de publier ce guide, et estimé que s'il n'y a pas, aujourd'hui, plus de cas préoccupants qu'il y a quelques années, il y a en revanche [...] plus d'inquiétudes et d'interrogations.

Entre le respect de la religion et obligation de neutralité

 

Le guide publié par l'Observatoire de la laïcité s'adresse aux personnels de santé, aux aumôniers et aux patients et décrit différents cas concrets.
Dans la première partie, consacrée aux personnels de santé, l'observatoire rappelle l'interdiction de toute discrimination fondée sur la religion dans l'accès aux fonctions et le déroulement de carrière, mais aussi le devoir de neutralité des agents publics et des salariés participant à une mission de service public. Concrètement, une chirurgienne d'un CHU [souhaitant] porter un foulard lorsqu'elle procède aux visites post-opératoires de ses patients porte atteinte à la neutralité des agents publics et s'expose donc à une sanction. De même, le comportement d' un agent hospitalier homme [qui] invoque des raisons religieuses pour refuser de serrer la main de ses collègues femmes peut recevoir la qualification de harcèlement moral ou de discrimination; le refus de se conformer à l'autorité d'une femme constitue, lui, une insubordination passible d'une sanction. Durant leur formation universitaire théorique, les étudiants peuvent porter des signes religieux, mais pas "lorsqu'ils sont en stage ou en formation professionnelle au sein d'un établissement public de santé", du fait de l'obligation de neutralité. Le prosélytisme est strictement banni au sein de l'hôpital, et même ses formes non violentes doivent être sanctionnées, après un premier rappel à l'ordre, est-il rappelé dans le guide. Les bâtiments publics doivent rester neutres (loi 1905), bien que "certains signes, en raison de la culture locale, du patrimoine ou de l'identité culturelle" soient déclarés conformes à cette loi. Si une crèche de Noël peut parfois trouver sa place dans l'espace public du fait d'un "particularisme local", le sapin de Noël, "qui est à l'origine une tradition païenne, n'est pas considéré comme un signe ou un symbole religieux". Enfin, la clause de conscience du médecin est également évoquée: un praticien peut refuser la réalisation d'un acte médical qu'il estimerait contraire à ses propres convictions, comme la réalisation d'une IVG, mais doit, dans ce cas, communiquer immédiatement à sa patiente le nom de confrères ou consoeurs susceptibles de réaliser cette intervention.
Dans une seconde partie, le guide s'adresse aux aumôniers, qu'ils soient "recrutés en qualité d'agents contractuels ou autorisés en tant que bénévoles par les chefs d'établissement": chacun d'entre eux doit "pouvoir disposer d'un local de permanence pour recevoir à proximité du lieu réservé au recueillement", et apporter son concours à l'équipe soignante.
Dans la troisième partie, il est question des patients des hôpitaux publics. Tous les usagers "ont droit au respect de leurs croyances et doivent être mis en mesure de participer à l'exercice de leur culte, sous réserve des contraintes découlant du bon fonctionnement du service et des impératifs d'ordre public, de sécurité, de santé et d'hygiène", est-il souligné dans le guide. Concernant l'alimentation, "les établissements de santé s'efforcent dans la mesure du possible de trouver des alternatives à la nourriture que ne consommeraient pas certains patients", mais "cette possibilité peut être limitée par des préconisations de l'équipe soignante pour le bon fonctionnement du service".


Le choix du praticien et des soins en dehors des cas d'urgence

 

En dehors des cas d'urgence seulement, le patient peut "choisir librement son praticien, son établissement et éventuellement son service", mais le fait qu'il s'oppose "à ce qu'un membre de l'équipe médicale procède à des soins, pour des motifs tirés de la religion connue ou supposée de ce dernier" serait "un grave cas de discrimination, qui ne peut être admis". Le patient a la possibilité de refuser qu'on lui administre certains soins (prise de médicaments, perfusion de sang) mais, si le principe reste celui du consentement, "le juge ne condamne pas pour autant les médecins qui s'en affranchissent, dès lors qu'ils accomplissent un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état, dans le seul but de tenter de le sauver". "Par ailleurs, le médecin qui respecte le refus de soins de son patient ne commet pas de faute professionnelle caractérisée, à condition de ne pas commettre de négligence", est-il précisé. Concrètement, des parents ne peuvent s'opposer à ce qu'une équipe médicale procède à la transfusion nécessaire à la survie d'un mineur en danger, "sous peine d'être poursuivis pour non-assistance à personne en danger".
En matière mortuaire, familles et malades en fin de vie ont "la possibilité de procéder aux rites et cérémonies prévus par la religion de leur choix". Les patients peuvent d'ailleurs procéder à leurs prières librement, "dans la limite du bon fonctionnement du service ou de la liberté d'autrui". Si "les hospitalisés ont le droit de manifester leur croyance et de pratiquer leur culte librement", l'observatoire rappelle cependant que "la dissimulation du visage est interdite" par la loi du 11 octobre 2010. Ainsi, une patiente qui demanderait "à conserver un foulard couvrant son cou durant un examen dentaire nécessitant d'observer correctement la mâchoire et le cou" se verrait expliquer la situation par le soignant, qui peut estimer que l'examen médical ne peut avoir lieu dans ces conditions, et lui proposer une décharge.

Source : infirmier.com, 26/02/2016.

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