La résistance aux antibiotiques est au
menu du premier G20 de la Santé à Berlin : les bactéries sur qui les
antibiotiques n’ont plus d’effets posent de nombreux problèmes. Il est
cependant possible de les réduire.
Sur le front de la guerre contre la résistance aux antibiotiques, toute bataille gagnée sonne comme une petite victoire. En janvier dernier, la revue The Lancet Infectious Diseases
exposait celle remportée dans les hôpitaux anglais sur une souche
résistante de Clostridium difficile. Cette bactérie est responsable de
diarrhée et de colites dites «pseudomembraneuses» souvent accompagnées
de fièvre et de douleurs, dont les complications peuvent être
extrêmement sévères voire mortelles. L’étude publiée par la revue
spécialisée montre que restreindre l’utilisation d’antibiotiques de la
famille des fluoroquinolones, comme la ciprofloxacine, a entraîné la
disparition dans la grande majorité des cas d’infections causées par les
souches de C. difficile résistantes aux traitements. L’équipe de chercheurs d’Oxford a enregistré une baisse d’environ
80 % du nombre de ces infections au Royaume-Uni. Dans le comté
d’Oxfordshire, au sud-est de l’Angleterre, où deux tiers des bactéries
C. difficile étaient résistantes aux antibiotiques en septembre 2006,
elles n’étaient plus que 3 % en février 2013! Dans le même temps, le
nombre de bactéries transmises d’une personne à une autre n’avait pas
changé. Et ce, malgré la mise en œuvre de mesures d’hygiène pour éviter
la transmission dans les établissements hospitaliers. «Cette étude vient
conforter l’existence du lien entre la prescription d’antibiotiques et
le développement des résistances chez les bactéries », analyse le
professeur France Cazenave-Roblot, infectiologue au CHU de Poitiers.
«Le taux de résistance de Escherichia coli est passé de 1,4 % à 11,9 en 10 ans !» Le professeur Pascal Astagnau responsable du centre de prévention des infections associées aux soins de Paris
La consommation massive d’antibiotiques exerce sur les bactéries une
pression de sélection: exposées à l’antibiotique, les souches sensibles
cèdent la place aux souches résistantes, qui prolifèrent.
147548355/Richard Villalon - Fotolia
En effet, la consommation massive d’antibiotiques exerce sur les
bactéries ce que les scientifiques appellent une pression de sélection:
exposées à l’antibiotique, les souches sensibles cèdent la place aux
souches résistantes, qui prolifèrent. La résistance de la bactérie peut
être innée ou acquise. Une bactérie résistante peut en effet transmettre
son matériel génétique (plasmide) porteur d’un ou plusieurs gènes de
résistance à une bactérie jusqu’alors sensible. Ces résistances
plasmidiques concernent 80 % des résistances acquises et sont sans aucun
doute les plus préoccupantes. Pour éviter la multiplication des
résistances, diminuer la prescription d’antibiotiques demeure une
nécessité, comme le prouve l’étude anglaise. Si l’ensemble de la
communauté scientifique s’accorde sur ce point depuis des années, les
résultats se font attendre. «Nous savons que nous consommons encore trop
d’antibiotiques.
En France, la situation n’est pas bonne», s’alarme le professeur
Antoine Andremont, chef du service de bactériologie de l’hôpital Bichat à
Paris.
«Les épidémies restent modestes en
France car nous avons de très bonnes unités d’hygiène dans les hôpitaux
qui savent éviter la diffusion de ces souches lorsqu’elles sont
détectées»
Le docteur Jean Carlet, président de l’Alliance contre le développement des bactéries multirésistantes
Malgré les campagnes de communication et les mises en garde, la
consommation est en effet repartie à la hausse entre 2005 et 2015, selon
les données du rapport publié à la fin de l’année dernière. Une
tendance particulièrement marquée en ville alors que la consommation à
l’hôpital est restée stable. «Contrôler la consommation est sans
conteste plus facile à l’hôpital. Nous devons aujourd’hui être vigilants
sur les gestes qui peuvent être responsables de la transmission de
bactéries comme par exemple la pose trop prolongée de sondes urinaires»,
souligne le professeur Alain Astier, pharmacien hospitalier à l’hôpital
Henri-Mondor de Créteil. Car malgré une consommation contenue, les
résistances, à quelques exceptions près, progressent. «La résistance aux
staphylocoques doré a diminué grâce à la mise en place de mesures
d’hygiène», détaille le professeur Pascal Astagnau responsable du centre
de prévention des infections associées aux soins de Paris. Celle-ci est
en effet passée de 27 % en 2005 à 16 % en 2015. «Mais parallèlement on
voit la progression d’entérobactéries résistantes», poursuit le
spécialiste. C’est notamment le cas d’Escherichia coli. Le taux de
résistance de cette bactérie responsable de gastroentérites ou encore
d’infections urinaires est passé de 1,4 % à 11,9 !
Certaines entérobactéries productrices de carbapénémases confrontent
les médecins à de véritables impasses thérapeutiques car elles sont
résistantes à pratiquement tous les antibiotiques. «Heureusement, les
épidémies restent modestes en France car nous avons de très bonnes
unités d’hygiène dans les hôpitaux qui savent éviter la diffusion de ces
souches lorsqu’elles sont détectées», souligne le docteur Jean Carlet,
président de l’Alliance contre le développement des bactéries
multirésistantes. Contenir leur diffusion va cependant nécessiter la
mise en place de mesures drastiques et coûteuses. Conscient des enjeux,
le gouvernement a annoncé un plan de campagne pour lutter contre
l’antibiorésistance. Il doit maintenant être déroulé.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire