samedi 4 novembre 2017

Pour les futurs soignants, l’éthique n’est plus une option

Longtemps tenue loin des bancs de l’université, l’éthique médicale a désormais sa place dans les formations des futurs soignants, en particulier des médecins.



L’éthique médicale doit-elle s’enseigner à l’université ? C’est une question presque aussi vieille que le monde. Au Ve siècle avant notre ère, Socrate se la posait déjà : la vertu peut-elle s’enseigner ? Peut-on transmettre la morale ou relève-t-elle du cheminement intime et des valeurs de chacun ? Les facultés de médecine et autres écoles de professionnels de la santé ont longtemps penché, en France, pour la deuxième option. L’éthique ne pouvait s’apprendre que sur le terrain, en particulier durant les stages.
Mais depuis le début des années 2000, cette idée est de plus en plus battue en brèche. En atteste cet avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), publié en 2004, qui interpelle les pouvoirs publics sur la nécessité de privilégier chez les futurs professionnels de santé la réflexion et le recul critique plutôt que l’accumulation de concepts : « Former à l’éthique, n’est-ce pas “allumer des feux” plutôt que de “remplir des vases”, pour paraphraser Montaigne ? »

Le choc du sida


L’équipe de rapporteurs, dirigée à l’époque par le philosophe Pierre Le Coz plaide avec force pour « une plage de cours centrés sur l’éveil des dispositions au questionnement devant les cas particuliers à la lumière de la pluralité des situations, des contextes ». Une option déjà défendue quelques mois plus tôt par Alain Cordier, ancien directeur de l’AP-HP et alors président du directoire de Bayard (éditeur de La Croix) dans un rapport qui a fait date : « Éthique et professions de santé ».

Les raisons de ce basculement ? « Il y a d’abord eu l’énorme choc auquel nous avons été confrontés dans les années 1990, avec le sida, répond Nadine Le Forestier, neurologue au centre SLA de la Pitié-Salpêtrière et membre de l’espace éthique de la région Île-de-France. Cela a modifié notre rapport au monde : les médecins se sont retrouvés face à des patients qui ont très vite exigé qu’on les considère et qu’on fasse très vite avancer la recherche. » D’où la mise à mal, selon cette neurologue enseignant l’éthique dans plusieurs facultés parisiennes, du rapport paternaliste qui régnait alors en maître entre les médecins et leurs patients.


Le besoin d’information des malades a aussi été renforcé, ces dernières années, par la complexification des soins et des techniques médicales. « Les patients ont besoin de savoir, ils se renseignent par eux-mêmes, exigent d’être très vite informés. Aujourd’hui, lorsqu’ils arrivent chez leur médecin pour une première consultation, ils ont deux dossiers sous le bras : le premier avec des informations tirées d’Internet, et un second avec des éléments donnés par des associations. »


« On a fait intervenir des juristes, des cliniciens et des patients »



Désormais, même si chaque université garde la maîtrise des détails de son propre cursus, la tendance est générale : longtemps optionnels, ces enseignements sont devenus obligatoires dans la plupart des facultés de médecine. En première année d’études, par laquelle passent désormais tous les apprentis médecins, mais aussi les futurs pharmaciens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et kinésithérapeutes.

(...)

La Croix, 06/11/2017.
Article intégral en ligne : https://www.la-croix.com



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