mercredi 29 novembre 2017

Investir dans la petite enfance : une urgence pour l’avenir

Un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté en France, soit 30 % de plus qu’il y a cinq ans, selon l’Unicef. Un colloque organisé le 17 novembre 2017 à Paris par le Centre français des fonds et fondations insiste sur l’urgence économique et sociale à briser le cercle de reproduction des inégalités en investissant dans un accueil de qualité dès la prime enfance. Mais il ne suffira pas d’ouvrir les crèches aux plus démunis pour qu’ils s’y sentent légitimes.


Si les conférences se sont succédé ces dernières années pour alerter sur l’urgence à investir dans la petite enfance pour casser le cercle vicieux de la reproduction des inégalités, le message peine à atteindre nos dirigeants politiques, vu le sous-investissement chronique dans le développement des crèches. Or, le constat semble être le même du côté des fonds et fondations privés.
« La logique de remédiation prévaut dans le champ de l’éducation, tandis que la prévention est un domaine très peu investi », a concédé Agnès Lamy, responsable du cercle Éducation du Centre français des Fonds et Fondations, le 17 novembre 2017, à l’occasion d’un colloque consacré à l’investissement social dans la petite enfance. De fait, si 40% de l’action des fonds privés est dirigée vers les 0-6 ans, seuls 15 % touchent les enfants de moins de 4 ans. C’était d’ailleurs l’objet de ce colloque que de sensibiliser les fondations sur le rôle qu’elles peuvent tenir en matière d’intervention précoce chez le jeune enfant.

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Un système de protection sociale en décalage avec les besoins

À ce titre, Bruno Palier, chercheur au CNRS et codirecteur du laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp) de Sciences Po, s’est livré à une démonstration très efficace de l’utilité sociale, mais aussi économique, de focaliser nos efforts sur la petite enfance.
Selon le chercheur, notre système de protection sociale, conçu pour une économie industrielle, et un marché de plein emploi des hommes en CDI, est en total décalage avec les besoins actuels. « Aujourd’hui ce sont d’abord les enfants, les jeunes, et les femmes seules qui sont victimes de la pauvreté : alors que notre système de protection sociale protège surtout des hommes vieux qui ont travaillé toute leur vie ! » a-t-il dénoncé.
De nos jours, 54 % des pauvres sont des femmes. La pauvreté touche surtout les faiblement qualifiés, avec un taux de pauvreté de 10,9 % chez les personnes sans diplôme contre 3 % pour les Bac+2. Mais ce sont les enfants les plus touchés. Chez eux, le taux de pauvreté est deux fois plus élevé que chez les personnes âgées, a rappelé Bruno Palier.

Le cercle vicieux de la pauvreté commence dès la naissance

« Il faut faire comprendre aux journalistes, aux hommes politiques, que le monde a changé depuis les années 1970. Ils ne connaissent pas le nombre d’enfants pauvres ! Or, le cercle vicieux de la pauvreté commence dès la naissance ! » a martelé le chercheur.
Dans notre système actuel, les enfants les plus pauvres sont les moins accueillis en crèche. De fait, le niveau de vie des familles fréquentant les établissements d’accueil du jeune enfant est en moyenne 20 % plus élevé que celui des familles ayant un enfant de moins de 3 ans, et les enfants de familles monoparentales ne représentent que 9 % à 10 % des enfants accueillis en crèche a expliqué Bruno Palier.
« Beaucoup de choses se passent dès la prime enfance : le plaisir d’apprendre, de parler, la vie en commun, la tolérance, tout cela s’apprend avant 3 ans. Nous avons tous ici parlé à nos enfants, beaucoup joué avec eux, nous leur avons lu des histoires le soir… Or, il y a des milieux sociaux où cela ne se passe pas ainsi. Les inégalités se reproduisent donc déjà dès la prime enfance ! », a-t-il souligné.

(...)

Source : Gazette Santé Social, 21/11/2017.
Article intégral en ligne : http://www.gazette-sante-social.fr

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