jeudi 17 septembre 2015

La silver économie, les bons usages de l’âge

Alors que le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement revient enfin devant l’Assemblée, il est bon de rappeler que la révolution de la longévité a et aura de plus en plus d’effets sur l’économie. Mais cela nécessite d’abord de rajeunir le regard sur le vieillissement.





La pension médiane est inférieure à 1 300 euros par mois. Une large partie de l’offre ne trouvera pas son marché par l’inaccessibilité du prix.
La pension médiane est inférieure à 1 300 euros par mois. Une large
partie de l’offre ne trouvera pas son marché par l’inaccessibilité du prix. 
AFP/VALERY HACHE
Pour trop de décideurs, un pays qui prend des rides perd sa capacité à innover et sera incapable d’affronter les grands vents de la mondialisation. Pire les pays vieillissants sont par nature enclins à sacrifier les générations futures…
Sortons de ce prêt à penser essentialiste ! La longévité porte un potentiel d’emplois nouveaux (300 000 créations nettes d’ici à 2020 selon la Dares), d’innovations technologiques, sociales et culturelles, d’invention de nouveaux produits et services adaptés, d’aménagements de logements…
Rappelons que l’Allemagne, le pays le plus vieux d’Europe, est aussi celui dont on loue le dynamisme et le succès économique. C’est aussi un pays où les comptes de la sécurité sociale sont positifs… De même au Japon, le pays le plus âgé du monde, le marché de la « silver économie » représente 692 milliards d’euros en 2015, soit plus de 12 % de la création de richesses annuelle.

Le Monde.fr | Par




15 millions de seniors

 

La silver économie s’adresse à plus de 15 millions de seniors, dont seulement une petite minorité est en fort déficit d’autonomie. Elle concerne aussi les aidants et l’entourage des personnes âgées. Cette économie de l’attention peut être un formidable levier de développement. En France, les prévisions tablent sur 130 milliards d’euros d’activités générées par la silver économie d’ici à 2020.
On pense d’abord aux solutions centrées sur le numérique et la robotique : vidéo-surveillance et systèmes d’alerte, domotique, télé-santé, services et suivi à distance, robots de service… Elles permettent, par exemple, d’éviter des visites médicales nécessitant de lourds trajets coûteux et stressants.
Ces technologies à distance facilitent aussi le lien entre les familles et un proche fragilisé. Les technologies s’appuyant sur les réseaux numériques peuvent contribuer à plus d’équité territoriale en s’affranchissant pour partie des distances. Rappelons que si 21 % de la population française à plus de 60 ans, la moyenne dépasse 27 % en zone rurale.
Dans certaines villes, petites et moyennes, plus de 50 % de la population a dépassé les 60 ans. Pour autant, ces outils ne sauraient remplacer la bienveillance et la présence. En ces temps de complexité et de déshumanisation, rien n’est plus essentiel que l’engagement des personnes, le lien social, l’accompagnement et le soin. La silver économie c’est aussi la formation et l’accompagnement des professionnels, le soutien aux aidants bénévoles d’un proche.
Enfants de la société de consommation et des services, expérimentés et lucides, les seniors demandent des solutions accordées à leurs modes de vie, en particulier dans les domaines clés des transports et de l’habitat, dont ils estiment respectivement à 34 % et 33 % qu’ils ne sont pas adaptés à leurs besoins (TNS Sofres/CogedimClub, novembre 2014). Ni à leurs moyens. Une adaptation qui doit prendre en compte les problématiques sensorielles, le confort, la sécurité, la possibilité de faire évoluer les espaces… Sans transformer le véhicule ou le logement en station spatiale bourrée d’électronique !

La question des usages

 

Cette dynamique de l’ajustement n’implique pas que des investissements technologiques, par ailleurs nécessaires. Parfois il s’agit simplement d’écoute et de respect de la personne pour faciliter son quotidien. Pensons à la signalétique pour favoriser l’orientation des plus âgés ou au packaging des produits alimentaires pour un meilleur confort d’utilisation.
La silver économie doit faciliter concrètement la vie des seniors et de leur entourage. Aussi la question des usages doit rester au centre de la réflexion des acteurs, qui trop souvent méconnaissent la diversité des attentes de la silver génération. Trop d’innovations « silver » se révèlent être des gadgets ou des systèmes ultra-sophistiqués qui font plaisir aux geeks sans améliorer significativement la vie des seniors. La complexité de certaines solutions fait craindre aussi des difficultés de maintenance…
Une autre limite concerne la capacité financière des personnes visées. Le mythe du riche retraité va faire long feu (rappelons que la pension médiane est inférieure à 1 300 euros par mois) et une large partie de l’offre ne trouvera pas son marché par l’inaccessibilité du prix. Quand à la capacité d’investissement des collectivités qui pourraient commander ces dispositifs, elle est singulièrement contrainte, en particulier du côté des Départements.
La silver économie ce n’est pas de la pensée magique, mais en étant à l’écoute des seniors, elle doit contribuer à faire de l’allongement de la vie une bonne nouvelle non seulement pour la personne mais aussi pour l’économie et l’attractivité du pays.


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