vendredi 15 janvier 2016

Les facteurs de défiance envers les vaccins

Les pénuries qui frappent certains vaccins depuis plus d’un an et les soupçons qui pèsent sur certaines substances présentes dans les vaccins entretiennent la défiance d’une partie de la population. Cette situation a conduit la ministre de la santé, Marisol Touraine, à présenter, mardi 12 janvier, une batterie de mesures pour tenter de rétablir cette confiance écornée.

 

Pénuries

 

Les ruptures de stocks qui touchent plusieurs vaccins depuis plus d’un an brouillent le message du gouvernement et sèment le doute chez certains parents. Elles concernent principalement les vaccins tétravalents qui sont utilisés en rappel contre la poliomyélite, le tétanos et la diphtérie – obligatoires – mais aussi contre la coqueluche. Les deux produits commercialisés, Infanrix Tetra et Tetravac, ne sont distribués qu’au compte-goutte et « le retour à la normale n’est pas prévu avant la fin de l’année 2016 », indique l’Agence de sécurité du médicament (ANSM). Actuellement, pour la vaccination des nourrissons, le vaccin recommandé par les autorités est le vaccin hexavalent (qui protège en plus contre l’hépatite B), qui est distribué normalement. Les familles qui ne souhaitent pas protéger leur bébé contre cette maladie ont en revanche plus de mal à trouver un vaccin pentavalent.
PUBLICITÉ
inRead invented by Teads
La situation est d’autant plus confuse qu’en 2008, l’ANSM a suspendu la commercialisation du vaccin trivalent (qui comprend les seuls trois vaccins obligatoires) en raison d’une hausse des allergies. Une décision mal comprise par certaines familles, qui se sentent contraintes à utiliser des vaccins plus complexes – immunisant notamment contre l’hépatite B et contenant de l’aluminium dont elles se méfient.
La pénurie est liée à la fois à une hausse rapide de la demande mondiale et à des difficultés de production chez les deux seuls fabricants, le britannique GSK et le français Sanofi-Pasteur. « Mettre en place des stocks pour certains vaccins [...] permettrait de faire face à d’éventuelles ruptures d’approvisionnement », suggère la député PS Sandrine Hurel dans le rapport. Marisol Touraine s’est engagé à réunir les industriels avant la fin du mois et compte les obliger à mettre en place des plans de gestion des pénuries.

Adjuvants

 

Utilisés pour augmenter l’amplitude et la durabilité de la réponse vaccinale, les adjuvants sont notamment accusés de causer des maladies auto-immunes. Le professeur Romain Gherardi (hôpital Henri-Mondor, AP-HP) fait ainsi le lien entre la myofasciite à macrophages ou MFM – une pathologie associant douleurs musculaires et fatigue, qu’il a décrite en 1998 – l’hydroxyde d’aluminium. Cet adjuvant disponible depuis près d’un siècle est présent dans environ la moitié des vaccins vendus en France.
« Les données scientifiques disponibles à ce jour ne permettent pas de remettre en cause la sécurité des vaccins contenant de l’aluminium, au regard de leur balance bénéfices/risques » estime un rapport du Haut comité de santé publique de 2013. Une position rassurante qui peine à convaincre. « La perception du risque lié aux adjuvants nécessite probablement une autre organisation permettant un positionnement qui soit plus lisible pour les patients comme pour les médecins prescripteurs » propose Sandrine Hurel. Pour éclaircir la question de la MFM et de l’aluminium, l’ANSM participe au financement d’une étude menée par Romain Gherardi et l’Inserm. Le rapport final est attendu à l’été 2017.

Effets secondaires

 

Au delà des adjuvants, des effets secondaires de différents vaccins sont régulièrement pointés du doigt, parfois à tort, contribuant à alimenter la défiance. Le suivi de ces produits de santé est pourtant bien organisé, et la plupart font l’objet d’une procédure de surveillance spécifique dans un cadre européen ou national. Mais là encore, la communication n’est pas optimale. « Une information directe pour les professionnels de santé concernant notamment les effets indésirables des vaccins apparaît nécessaire », écrit Sandrine Hurel.

Chloé Hecketsweiler et Sandrine Cabut, Le Monde, 12/01/2016.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire