vendredi 15 janvier 2016

Pénurie de vaccins : les industriels s’opposent à d’éventuelles sanctions financières

Les industriels du médicament ne veulent pas entendre parler de sanctions financières pour régler la question de la pénurie de vaccins, hypothèse évoquée, la veille, par la ministre de la santé, Marisol Touraine. « Ce n’est pas en sanctionnant les industriels que l’on va résoudre le problème des ruptures d’approvisionnement de vaccins, mais en clarifiant l’offre et la demande en France », a estimé, mercredi 13 janvier, Patrick Errard, le président du LEEM, l’organisation représentant les entreprises françaises du médicament.

 

Marisol Touraine a promis de réunir les industriels avant la fin du mois, attendant d’eux des « propositions concrètes pour qu’il y ait assez de vaccins disponibles dans les pharmacies tout au long de l’année ». « Ils devront prévoir la constitution de stocks réservés au territoire national, la mise en place de chaînes alternatives de fabrication des vaccins et l’identification de différentes sources d’approvisionnement en matières premières. Si ces obligations ne sont pas respectées, des sanctions pourront être prononcées », a-t-elle expliqué mardi.
« Il y a rupture d’approvisionnement quand il n’y a pas de lisibilité » de la demande, a rétorqué M. Errard. Or, a-t-il ajouté, la politique vaccinale française est « tantôt sur un pied droit, tantôt sur un pied gauche », avec la coexistence de vaccins obligatoires et recommandés, contrairement à la plupart des autres pays.

Les ruptures de stocks de médicaments sont liées à la fois à une hausse rapide de la demande mondiale et à des difficultés de productions.
Les ruptures de stocks de médicaments sont liées à la fois à une hausse rapide
 de la demande mondiale et à des difficultés de productions.
 DENIS CHARLET / AFP

Quels sont les vaccins concernés par les pénuries ?

Elles concernent principalement les vaccins tétravalents qui sont utilisés en rappel contre la poliomyélite, le tétanos et la diphtérie – obligatoires – mais aussi contre la coqueluche.
Les deux produits commercialisés, Infanrix Tetra et Tetravac, ne sont distribués qu’au compte-goutte et « le retour à la normale n’est pas prévu avant la fin de l’année 2016 », indique l’Agence de sécurité du médicament (ANSM).
En attendant, deux autres vaccins peuvent être utilisés : Boostrix et Repevax, que de nombreux pays européens utilisent déjà pour les rappels.
Actuellement, pour la vaccination des nourrissons, le vaccin recommandé par les autorités est le vaccin hexavalent (qui protège en plus contre l’hépatite B), qui est distribué normalement. Les familles qui ne souhaitent pas protéger leur bébé contre cette maladie ont en revanche plus de mal à trouver un vaccin pentavalent.
La situation est d’autant plus confuse qu’en 2008, l’ANSM a suspendu la commercialisation du vaccin trivalent (qui comprend les seuls trois vaccins obligatoires) en raison d’une hausse des allergies.
Une décision mal comprise par certaines familles, qui se sentent contraintes à utiliser des vaccins plus complexes – immunisant notamment contre l’hépatite B et contenant de l’aluminium dont elles se méfient.


Qu’est-ce qui explique ces manques de stocks ?

Elle est liée à la fois à une hausse rapide de la demande mondiale et à des difficultés de productions. « La souche utilisée pour fabriquer nos vaccins anti-coquelucheux a eu un rendement moindre que prévu et nous avons par ailleurs été pris de cours par la modification du calendrier vaccinal de plusieurs pays », explique le docteur Telma Lery, directrice médicale vaccins de GSK en France.
« Rien qu’en Europe, six rappels supplémentaires ont été ajoutés au cours des cinq dernières années. En France, par exemple, les autorités ont décidé, en 2013, d’ajouter un rappel à 6 ans et un autre à 25 ans pour la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la poliomyélite », précise Mme Lery.

A quelle échéance la pénurie pourrait-elle être endiguée ?

Faute de concertation entre les Etats, d’anticipation et de discussion très en amont avec les industriels, les ruptures de stocks se sont multipliées aux quatre coins de la planète. Et il faudra du temps pour que la crise soit résolue.
« Nous avons investi pour augmenter notre capacité production, mais cela ne se voit pas encore compte tenu de la longueur des cycles de fabrication », indique Alain Bernal, porte-parole de Sanofi-Pasteur.
La fabrication d’un vaccin peut prendre jusqu’à deux ans, et il faut près de dix ans pour sortir une nouvelle usine de terre.

Quelles sont les solutions envisagées ?

La constitution de stocks, évoquée par Marisol Touraine, est aussi l’option suggérée par l’ancienne députée PS de la Seine-et-Marne Sandrine Hurel, chargée en mars 2015 d’une mission par le premier ministre, et qui vient de rendre un volumineux rapport avec 20 recommandations. « Mettre en place des stocks pour certains vaccins […] permettrait de faire face à d’éventuelles ruptures d’approvisionnement », a-t-elle expliqué, ajoutant que, pour mieux anticiper les difficultés, il fallait instituer un échange régulier avec les producteurs de vaccins, et mettre en place de garde-fous.
« Le CEPS [Comité économique des produits de santé] pourrait contribuer à l’anticipation des ruptures de stocks en prévoyant, lors des négociations sur les prix une clause relative à un volume minimal de doses à fournir, en deçà duquel le laboratoire devrait s’acquitter d’une indemnité compensatoire », a-t-elle également indiqué.

Chloé Hecketsweiler, Le Monde, 13/01/2016.

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