lundi 1 février 2016

La protection sociale a-t-elle oublié la jeunesse ? par Isabelle Raynaud


Les personnes âgées sont les premiers bénéficiaires de la protection sociale. Cette idée, souvent entendue, est-elle juste ? C’est ce qu’ont cherché à savoir les chercheurs de France Stratégie. Leur réponse est beaucoup plus nuancée.


 
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 Big Ben in Japan / Flickr CC 2.0
 

Des jeunes dans une situation de plus en plus difficile mais abandonnée de la protection sociale alors que les seniors – qui n’ont pas connu le chômage – en profiterait à plein. Cette image d’une génération sacrifiée est de plus en plus répandue. Mais est-elle juste ? France Stratégie, organisme de réflexion et d’expertise placé auprès du Premier ministre, a voulu démêler le vrai du faux. Une note d’analyse a ainsi été publiée le 12 janvier 2016.

Répondre à un questionnement actuel

 

« Dans les années 60-70, la pauvreté était largement le fait des personnes âgées », rappelle Selma Mahfouz, la commissaire générale adjointe de France Stratégie. Le minimum vieillesse n’existait pas. Aujourd’hui, leur situation s’est améliorée. En revanche, pour les jeunes, la situation économique s’est dégradée, ils font plus souvent face au chômage. Résultat : la pauvreté touche désormais 2,5 fois plus souvent les moins de 25 ans que les plus de 60 ans.
Par ailleurs, les dépenses de protection sociale explosent, principalement au profit des personnes âgées qui touchent des retraites et bénéficient plus que le reste de la population de remboursement de soins de santé.
Hippolyte d’Albis, Paris School of Economics et CNRS, Pierre-Yves Cusset, du département Société, institutions et politiques sociales de France Stratégie, et Julien Navaux, de l’Ecole d’économie de Paris, se sont donc penchés sur les données des comptes de transfert nationaux.  Ceux-ci permettent de constituer des profils par âge de revenu et de consommation, mais aussi de transferts publics et privés. Le but est « d’arriver à mieux comprendre la façon dont les ressources publiques et privées circulent entre les âges et entre les générations ».
Les chercheurs ont donc étudié les prélèvements (impôts, cotisations…) et transferts (retraites, allocations famille, éducation, assurance maladie…) faits à trois catégories de la population :
  • Les 0-24 ans
  • Les 25-59 ans
  • Les 60 ans et plus 

Seniors : une augmentation des dépenses trompeuses

 

Globalement, les seniors ont été favorisés entre 1979 et 2011, puisque les dépenses de protection sociales leur revenant ont le plus augmenté :
Il faut faire attention à « l’effet démographique », l’augmentation du nombre de personnes âgées provoque mécaniquement l’augmentation des dépenses pour cette catégorie. Mais on regarde les chiffres par individu, la disparité s’efface :
« Si la dépense moyenne dont bénéficie un individu de plus de 60 ans est toujours nettement plus élevée que celle dont bénéficie un individu de moins de 25 ans, cette dépense rapportée au PIB par tête a augmenté dans les deux cas au même rythme (+15 %) entre 1979 et 2011 », indique la note d’analyse de France stratégie.

Prélèvements : les seniors contribuent de plus en plus


Côté prélèvements, sans surprise, ce sont les actifs qui sont les grands perdants puisque la protection sociale est en grande partie financée par les cotisations sociales, prélevées sur les revenus du travail.
Il faut néanmoins noter que, sur la période, les plus de 60 ans ont été fortement mis à contribution : les taux de prélèvement pour les seniors ont ainsi augmenté de 102% ! Cette situation est notamment due à la création de la CSG (Contribution sociale généralisée) en 1991.
Les jeunes sont-ils donc sacrifiés par la protection sociale ? Non, si on regarde les transferts sur la période. « Mais leur situation a changé », nuance Selma Mahfouz : les jeunes sont plus touchés par le chômage et la précarité aujourd’hui qu’en 1979. « Ils ne sont pas sacrifiés mais ils ne sont pas aidés non plus », résume la commissaire générale adjointe.
Ne faudrait-il pas en faire plus pour eux ? C’est une question à laquelle France Stratégie ne répond pas, laissant les choix politiques aux élus.

La Gazette Santé Social, 13/01/2016.

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