samedi 9 juillet 2016

Les travailleurs sociaux dénoncent la libéralisation du secteur

Depuis 2002, les travailleurs sociaux se heurtent aux réformes successives visant à uniformiser les formations professionnelles et les métiers du secteur. Peu entendus, ces derniers peinent à alerter l’opinion sur les véritables dangers de ces refontes.

Concocté dans l’intention de « valoriser » et de « moderniser » le secteur, le plan d’action gouvernemental en « faveur » du travail social, annoncé le 21 octobre 2015, fait suite aux discussions engagées durant les États généraux du travail social (EGTS). Un raccommodage que les opposants à ces incessantes révisions définissent comme une casse du travail social et des métiers, qui ne vise qu'à « normaliser » et à « libéraliser » les professions. Contestée, cette lettre de mission confiée à la commission professionnelle consultative du travail social (CPC) par Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des Affaires sociales, suscite de nombreuses réactions.
Collectifs, syndicalistes et professionnels de la formation ou du terrain se mobilisent afin d'éclairer les dessous de cette réforme prévue par le plan interministériel et organisent une manifestation mardi 21 juin, sur fond de contestation de la loi travail.

Les métiers du social : une lente « destruction »

 

Amorcée depuis plus d'une quinzaine d'années, la réforme des formations est « un long processus qui a pour conséquence d’effacer les identités et les spécificités des professions », résume Christine Sovrano. Formatrice et cégétiste, elle dénonce l'instrumentalisation du dispositif des EGTS, « qui prétendent instaurer un dialogue social », et font croire que « la demande de ces refontes venait des travailleurs sociaux, des employeurs et des usagers ».
Pourtant, Christine Sovrano assure « que les discussions avaient d'ores-et-déjà commencé en amont avec la Commission professionnelle consultative [CPC] », et que ces révisions vont dans le sens « de l'employabilité ». Il revient désormais à la CPC, instance de consultation auprès de la ministre chargée des affaires sociales, de fixer les axes de la mise en œuvre du plan gouvernemental. Retirés de la table des discussions le 23 mai, la CGT et FO (syndicats majoritaires du secteur) ont clairement fait part de leur opposition :
Tout est fait dans l'urgence, sans réfléchir. Des rapports sont produits, mais on ne les traite pas. Alors nous sommes sortis car nous ne voulions pas contribuer à la destruction de nos métiers.
Afin de faire valoir leur argumentaire, et demander le retrait de cette réforme, les syndicats ont tout de même rencontré jeudi 16 juin le directeur du cabinet de Mme Neuville. Bien que ce dernier ait à nouveau demandé à la CGT et à FO de revenir à la table des « négociations », Christine Sovrano décrit des « échanges stériles » et « sans profondeurs » qui n'ont mené à rien.
Au-delà de l'instrumentalisation, Cristel Choffel, assistante sociale de la fonction publique syndiquée à la FSU, précise que les personnes réunies autour de ces dispositifs, notamment durant les EGTS ou les assises territoriales, étaient principalement « des cadres » : « Les syndicats, n'étant pas invités, ont dû faire valoir leur présence. Durant les assises territoriales, ni les syndicats, ni les professionnels n'ont pu prendre part aux débats, alors qu'il y avait des représentants des usagers, comme Emmaüs. »
De fait, les informations filtrent peu, et une grande méconnaissance de la situation entourent ces évolutions, y compris parmi les professionnels. « Nous sentions qu’il y avait une refonte en cours, mais les éléments n’étaient pas clairs et les informations filtraient peu », explique Gabrielle Garrigue, formatrice et membre du collectif Avenir Educ, justement créé en mars 2014 pour changer cette donne :
En février 2014, nous avons eu connaissance de certains scénarios proposés à la CPC, et nous nous sommes rendus compte que les choses étaient déjà ficelées. Pas mal de gens étaient impliqués dans cette réflexion, sans que les professionnels du terrain ne soient intervenus. En mars, nous avons donc rassemblé des formateurs, des professionnels de terrain, des chercheurs et des étudiants sur la question de l’avenir du travail social.

Politis, 20/06/2016.
Article intégral en ligne : http://www.politis.fr

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