mercredi 13 juillet 2016

Il est possible d’« intégrer les personnes réfugiées par l’emploi »

Intégrer les personnes réfugiées par l’emploi ou l’activité, afin qu’elles puissent participer à la création de valeurs dans nos économies ? Soit. Mais… qu’elles ne nous prennent pas nos emplois ou nos activités ! L’idée, qui semble d’abord de bon sens, tourne vite à l’imbroglio, dans un contexte économique, social et politique très tendu. Et nos responsables quels qu’ils soient, de manquer soudainement de courage, pour reprendre à leur compte des thèses pourtant étayées par de solides rapports, celui du Fonds monétaire international notamment et faire œuvre de pédagogie.


Rappelons d’abord que l’économie et le marché du travail ne sont pas des « jeux à somme nulle », ou des « jeux au nombre de places limité ». Ce que l’un prend (emploi, activité, opportunité de marché…) contribue à créer de la place pour le suivant.

Un rapport de l’ONG américaine Tent paru en mai (« Refugees Work : A Humanitarian Investment that Yields Economic Dividends ») montre qu’un euro investi dans l’accueil des réfugiés peut en rapporter deux dans les cinq ans. Des travaux de la Banque mondiale sur l’impact du conflit syrien sur les économies limitrophes, l’économie libanaise en particulier, montrent une corrélation positive entre afflux de réfugiés et taux de croissance du produit intérieur brut (+2,5 % en termes réels en 2015 au Liban, le meilleur taux depuis 2010).


Considérons maintenant le scénario consistant à ne rien faire. Que deviennent les personnes réfugiées, une fois obtenu leur statut et donc reconnu leur droit à travailler, à l’égal de tout autre citoyen français ? Puisqu’il leur faut coûte que coûte travailler, la plupart des réfugiés doivent faire fi de leurs compétences et expériences professionnelles (sans parler de leurs projets et envies) et accepter n’importe quel emploi ou activité.
Voies communautaires

La première caractéristique de ces activités est qu’elles sont déqualifiées. Qu’une personne diplômée du supérieur, ayant exercé pendant quinze années comme comptable, se trouve à faire des ménages, c’est une énorme destruction de valeurs pour elle et pour notre économie. C’est aussi prendre le risque de fragiliser des travailleurs déjà précaires, en les mettant en concurrence avec ces nouveaux arrivés.

Il y aurait lieu de « ventiler » l’arrivée des personnes réfugiées sur l’ensemble de nos activités, à proportion de ce qu’elles peuvent nous apporter… une connaissance fine de contextes locaux par exemple, déterminante pour gagner de nouveaux marchés aujourd’hui et demain ? Le rapport Tent rappelle que les réfugiés vietnamiens (les fameux « boat people » des années 1970-1980) ont joué un rôle considérable dans le développement ultérieur du commerce international et des investissements au Vietnam.

(...)

Le Monde, 20/06/2016.

Article intégral en ligne : http://www.lemonde.fr

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire