lundi 13 mars 2017

Anniversaire morose pour les dix ans du Dalo

Selon un rapport publié le 13 décembre 2016 par le HCLPD, 58 183 foyers reconnus prioritaires n'avaient toujours pas de solution de logement en 2016. Les récentes dispositions de la loi Égalité et citoyenneté permettront-elles au Dalo de rebondir ?



Les militants du Dalo n’ont pas le cœur à fêter le dixième anniversaire d’une loi pourtant votée à l’unanimité le 5 mars 2007. Car tous les indicateurs du mal-logement sont au rouge vif. Selon le rapport du HCLPD (1) sur l’effectivité du droit opposable au logement, l’obtention de la reconnaissance de ce droit auprès des commissions de médiation siégeant en préfecture est de plus en plus difficile.
En 2015, seuls 25 593 ménages ont décroché le sésame, soit 21 % de moins qu’en 2013 !

Droit opposable au logement

Le droit opposable au logement (Dalo) peut s’exercer lorsqu’une demande de logement social, déposée depuis un temps anormalement long, n’a pas reçu de réponse. La personne peut alors saisir une commission de médiation qui décrète (ou pas) sa situation prioritaire. Dans ce cas, si, six mois après cette reconnaissance, elle n’a pas reçu de proposition de logement, elle peut exercer un recours devant le tribunal administratif au titre du Dalo (loi n° 2007-290 du 5 mars 2007).

immeuble, architecture-UNE

Mal-logement

« Ce pourrait être une bonne nouvelle. Hélas, l’accès au logement ne s’améliore pas, au contraire : + 50 % de sans domicile et + 19 % de personnes hébergées chez des tiers, entre 2001 et 2012, + 17 % de logements suroccupés et + 42 % de ménages dont le taux d’effort financier pour se loger est insupportable, entre 2006 et 2013 », relate le rapport.
L’édition 2017 sur l’état du mal-logement en France publiée par la Fondation Abbé-Pierre enfonce le clou : « le taux d’effort net moyen des ménages les plus pauvres, de 55,9 %, est plus de trois fois supérieur à la moyenne ». Or, dans le même temps, les commissions de médiation, chargées d’accorder le statut de prioritaire aux demandeurs, affichent une sévérité étonnante : en 2008, 45 % des demandeurs recevaient une réponse positive contre 29 % en 2015.
Des pourcentages qui évoluent en fonction des départements : 74 % de décisions favorables dans le Doubs contre seulement 20 % dans les Alpes-Maritimes, plus urbanisés. Plus troublant, on peut s’interroger sur la perception très hétérogène du Dalo par les préfectures.
Comment interpréter la missive du préfet du Var, Pierre Soubelet, aujourd’hui préfet des Hauts-de-Seine (autre département « tendu ») qui, le 18 décembre 2015, constatait avec plaisir que seuls « 22 % des dossiers ont été déclarés recevables par la commission de médiation en 2015, contre 50 % l’année précédente ».

Effectivité du Dalo

Condamné plus de 25 000 fois depuis 2007, l’État reste insensible à une pression juridique qui, pourtant, s’amplifie. Le 9 avril 2015, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour ne pas avoir exécuté un jugement attribuant un logement à une famille prioritaire, dans l’attente depuis cinq ans d’un relogement. Le HCLPD misait alors sur l’« effet levier » d’une telle décision. En vain.
D’autres chiffres mettent en évidence le caractère chimérique de l’effectivité du Dalo : d’après Marie Rothhahn, chargée de mission accès aux droits à la Fondation Abbé-Pierre, « des prioritaires Dalo sont victimes d’expulsions locatives ».
Les derniers chiffres de la Fondation sont éloquents : en 2015, « les forces de l’ordre ont procédé à près de 14 400 expulsions, 24 % de plus qu’en 2014 ». Comment qualifier un Dalo incapable d’éviter l’expulsion de ménages prioritaires ?
Bien sûr, le mal est ailleurs : l’offre de logements sociaux est insuffisante et surtout inadaptée aux ressources financières d’une grande majorité de demandeurs. Lorsqu’elle était ministre à la Lutte contre l’exclusion, Marie-Arlette Carlotti avait lancé le Plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, prévoyant entre autres la construction de 10 000 logements sociaux PLAI (NDLR, prêts locatifs aidés d’intégration, destinés aux plus démunis).
À ce jour, après trois appels à projets, seuls 1 200 d’entre eux sont sortis de terre. L’objectif affiché depuis 2007 de construire chaque année 150 000 logements sociaux est resté au stade des bonnes intentions. Un effort notable caractérise le passage de l’année 2015 à 2016, de 109 000 à 120 000 constructions de logements sociaux mais les Plai restent minoritaires.

Déresponsabilisation

La loi du 5 mars 2007 a identifié l’État comme le seul garant du droit opposable, « avec pour tout levier la mobilisation du contingent préfectoral, très insuffisant », relève encore le rapport. Or, dans certains départements, le préfet n’a toujours pas réussi à identifier ce contingent (ou bien n’en a-t-il pas la volonté), comme c’est le cas dans trente-deux des trente-six communes des Hauts-de-Seine.
Conséquence : « laisser à l’État la compétence du relogement des publics prioritaires a eu pour effet de déresponsabiliser les autres acteurs, bailleurs sociaux, collectivités locales.
Action Logement, héritier du 1 % Logement, qui devrait réserver 25 % de ses logements à ces ménages plafonne à 8 % », dénonce le rapport. « Nous pourrions gagner 11 000 logements par an si Action Logement respectait la loi », assure René Dutrey. La préfecture d’Ile-de-France a signé avec Action Logement en mars 2016 une convention prévoyant d’atteindre ce niveau… mais pas avant trois ans.

(...)

Gazette Santé Social, 10/03/2017.
Article intégral en ligne : http://www.gazette-sante-social.fr/36581/anniversaire-morose-pour-les-dix-ans-du-dalo

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