jeudi 27 octobre 2016

Cancer : « Le Monde » révèle des hausses inquiétantes pour certaines tranches d’âge

Les cancers sont la première cause de mortalité en France, devant les maladies cardio-vasculaires. En 2015, les estimations étaient de 355 000 nouveaux cas, et de 148 000 décès dus à un cancer rien qu’en France métropolitaine. Bien que la mortalité moyenne ait chuté de 34 % entre 1980 et 2012, notamment grâce aux progrès thérapeutiques, l’incidence des cancers est en hausse constante.


Évidemment, cela ne vaut pas pour toutes les tumeurs malignes. Selon des données de l’Institut de veille sanitaire (ex-InVS, désormais Santé Publique France), 21 des 33 cancers étudiés ont vu leur taux d’incidence croître entre 1980 et 2012, six cancers se sont stabilisés et sept ont vu leur incidence baisser.

Les données suivantes montrent l’évolution des taux d’incidence standardisés de dix-neuf cancers solides enregistrés entre 1980 et 2012 et exprimés en base 100.

Retrouvez toutes les infographies relatives à cette étude sur le site du journal Le Monde : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/visuel/2016/10/25/les-chiffres-des-principaux-cancers-decortiques_5019988_4355770.html#episodemethodologie
  • Sein : une progression nette chez les 30-49 ans
Le sein est le deuxième cancer le plus fréquemment diagnostiqué en France, derrière la prostate. L’augmentation globale de son incidence masque des situations très variées selon les tranches d’âge. Ainsi, le cancer du sein a-t-il progressé d’environ 60 % chez les 30-39 ans et chez les 40-49 ans, à un âge où le dépistage n’est pas systématisé.
L’incidence baisse en revanche depuis 2002-2005 chez les femmes de 50 à 79 ans, ce qui coïncide avec le quasi arrêt des traitements hormonaux substitutifs de la ménopause, largement prescrits auparavant pour soulager les symptômes gênants de la ménopause et prévenir l’ostéoporose. Depuis l’arrêt de ces traitements, la chute de l’incidence des cancers du sein est spectaculaire : -25 % en moins de dix ans. Une baisse d’autant plus frappante que la généralisation du programme de dépistage et la sensibilisation croissantes auraient dû temporairement augmenter l’incidence du cancer du sein.
Chez les 30-49 ans, cette progression peut dépendre de beaucoup de facteurs, dont certains facteurs environnementaux (exposition à des polluants ou à des perturbateurs endocriniens), bien que cette piste soit controversée.
  • Pancréas : une hausse encore mal expliquée
L’augmentation du cancer du pancréas, qui concerne principalement les plus de 40 ans, est l’une des moins bien expliquées et comprises aujourd’hui. Les facteurs de risque les plus connus (tabac, obésité) expliquent difficilement à eux seuls la hausse constatée au niveau national. D’autres facteurs de risque, tels que le diabète ou l’exposition à des produits chimiques, sont envisagés, bien que les chercheurs n’aient aucune certitude.
  • Prostate et testicule : de meilleurs dépistages et des facteurs environnementaux
Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquemment diagnostiqué en France, devant le cancer du sein. Il touche principalement les hommes âgés et son augmentation (de 118 % entre 1980 et 2012) est majoritairement due au surdiagnostic. Il est estimé que trois-quart de l’augmentation de l’incidence à partir des années 1990 sont dus à l’amélioration des diagnostics et à l’usage croissant du test PSA, même si des effets environnementaux et de mode de vie ne sont pas exclus.
Le cancer du testicule est lui aussi en forte augmentation, bien que plus rare : son taux d’incidence ne dépasse pas 22 nouveaux cas par 100 000 personnes par an. Son taux de mortalité est quant à lui devenu très faible, malgré la multiplication de nouveaux cas. L'hypothèse d'une exposition in utero à des perturbateurs endocriniens (pesticides, bisphénols, etc) est fréquemment avancée pour expliquer l’augmentation de l’incidence de ce cancer.
  • Thyroïde : un surdiagnostic important
Le cancer de la thyroïde est l’une de ceux qui progressent le plus fortement : son incidence a quintuplé entre 1980 et 2012, croissant dans toutes les tranches d’âge et chez les deux sexes.
Cette augmentation spectaculaire est en grande partie due au surdiagnostic. L’amélioration continue des techniques médicales (IRM, échographie, etc.) et leur démocratisation ont permis de détecter des nodules présents sur la glande thyroïde qu’on ne détectait pas par la seule palpation car étant d’une taille inférieure à 15-20 millimètres. Une grande majorité de ces nodules n’auront pas d’expression clinique et ne mettront pas en péril les jours de la personne. Pourtant, le diagnostic faisant suite à la détection de petits nodules est presque systématiquement celui d’un cancer de la thyroïde. Pour le reste, la forte croissance de ce cancer peut aussi s'expliquer par l'exposition aux perturbateurs endocriniens.
La conséquence directe est le surtraitement médical. Le diagnostic d’un cancer de la thyroïde entraîne quasi systématiquement l’ablation de la glande thyroïde et donc un traitement hormonal à vie pour compenser la perte de cette glande essentielle pour le métabolisme. Dans une étude publiée en 2015, le docteur Salvatore Vaccarella et son équipe, du Centre International de recherche sur le cancer (CIRC), mettaient en garde contre ces surtraitements inutiles et coûteux, à la fois pour la qualité de vie du patient et pour les finances publiques. Ils recommandaient que soit renforcée de surveillance médicale de la glande thyroïde lorsque de petits nodules bénins sont détectés, de façon à mieux proportionner le traitement adéquat.

Le Monde, 25/10/2016.

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