lundi 2 octobre 2017

Comment mesurer la pauvreté ?

Être pauvre, c’est disposer de peu. Définir la pauvreté revient à définir ce que représente ce « peu » : peu par rapport à quoi ? Pour cela, il existe plusieurs méthodes. Les explications de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.


Pour mesurer la pauvreté et son évolution, quatre méthodes sont les plus couramment utilisées : la première s’appuie sur un niveau de revenu (le seuil de pauvreté) défini par rapport au niveau de vie général de la population ; la seconde, sur le fait de recevoir une allocation de revenu minimum ; la troisième, sur des critères de privation en termes de conditions de vie ; et la dernière, sur la définition d’un train de vie minimum (pauvreté absolue).


La pauvreté relative au niveau de vie médian  

Dans la plupart des pays riches, le « peu » s’applique au niveau de vie : on est pauvre parce que l’on vit avec beaucoup moins d’argent que la moyenne. En fait, pas exactement la moyenne, mais la « médiane ». La moyenne prend en compte les revenus de toute la population divisés par le nombre de personnes, ce qui présente un inconvénient : un petit nombre de personnes très riches tirent la valeur de la moyenne vers le haut, sans que ce soit très significatif du niveau de vie global. D’où l’utilisation de la médiane qui est la valeur du niveau de vie pour laquelle autant de personnes gagnent plus et autant gagnent moins, elle sépare la population en deux. Quelques « hyper-riches » ne modifient pas le revenu médian   de la population.

Pour définir la pauvreté, reste à déterminer la distance à ce niveau de vie médian  . Pour cela on décide arbitrairement d’un seuil exprimé en pourcentage de ce niveau de vie. En Europe, le plus souvent, on utilise le seuil à 60 % du niveau de vie médian   (après impôts et prestations sociales). En France, le niveau de vie médian   est de 1 692 euros mensuels pour une personne seule en 2015. Le seuil de pauvreté à 60 % est donc de 1 015 euros (60 % de 1 692). Tous ceux qui vivent avec moins de 1 015 euros par mois sont considérés comme pauvres.

Le calcul n’est pas terminé. Avec 1 015 euros, on ne vit pas de la même façon si on est seul ou au sein d’une famille avec trois enfants. Pour en tenir compte, l’Insee utilise un système de parts, comme pour un gâteau. Dans une famille, le premier adulte vaut une part entière, toutes les personnes de plus de 14 ans comptent pour une demi-part et les moins de 14 ans pour 0,3 part. Chacun ne vaut pas une part entière car on fait des économies en vivant à plusieurs : nul besoin d’une cuisine ou d’une salle de bain par personne. Selon l’Insee, une personne seule est pauvre si elle perçoit moins de 1 015 euros par mois et un couple avec deux enfants en bas âge si ses ressources ne dépassent pas 2 132 euros (à 60 % du niveau de vie médian  ). L’institut décline ainsi des seuils pour tous les types de famille.
Pourquoi un seuil à 60 % ? On pourrait tout aussi bien décider que la pauvreté est définie par un seuil à 47 %, à 72 % ou à 83 %. Aucun ne serait plus juste ou plus « objectif » qu’un autre. Jusqu’à la fin des années 2000 en France, on utilisait celui à 50 %, soit 846 euros en 2015 pour une personne seule. Le choix du taux a un impact énorme : à 60 % du niveau de vie médian  , on compte près de neuf millions de pauvres ; à 50 %, on arrive à cinq millions. L’Observatoire des inégalités - comme l’OCDE - continue à utiliser le plus souvent (quand les données sont disponibles) le seuil à 50 %, car il estime qu’à 60 % on rassemble des populations trop différentes.

Ce n’est pas parce qu’il existe plusieurs seuils de pauvreté qui conduisent à des mesures différentes que « l’on peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres », comme on l’entend dire trop souvent. En revanche, il faut avoir conscience que la statistique est une construction et qu’il faut utiliser ses outils en maîtrisant ce dont on parle, au risque, sinon, de porter des jugements erronés.

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Observatoire des inégalités : 28/09/2017.
Article intégral en ligne : https://www.inegalites.fr/Comment-mesurer-la-pauvrete

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