vendredi 16 mars 2018

Dérogations et télémédecine amorcent un profond changement de la protection sociale

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 affirme les nouveaux paradigmes de parcours de soins, de rationalisation budgétaire, de pertinence et de qualité de la prise en charge sanitaire et médico-sociale. De nombreuses règles de facturation et tarification, de fonctionnement et remboursement peuvent être délaissées. Les innovations seront financées sur l’Ondam et le FIR. Les technologies numériques entrent de plain-pied dans le système de santé et de protection sociale.


Première d’une série de cinq, la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2018 marque les prémices d’une évolution majeure dans le régime français de protection sociale, annoncée par le candidat Macron, portée par le gouvernement Philippe et soutenue par le député Véran, rapporteur unique du projet de loi à l’Assemblée nationale.

Expérimentations et innovations

 

Le premier signe concerne la substantielle modification de l’article L.162-31-1 du code de la sécurité sociale (CSS). Remanié pour « rationaliser » le système de santé et « dégager des marges de manœuvre budgétaires », il donne un nouveau cadre juridique au développement des expérimentations et des innovations, notamment pour renforcer les synergies entre le secteur médico-social et le secteur sanitaire. La mesure marque un premier pas vers le financement au parcours de soins et met un bémol à la tarification à l’activité ce qui, en assurant un suivi plus régulier du patient, devrait éviter des hospitalisations à répétition. Deux objectifs spécifiques sont prévus par la loi :
  • faire émerger des organisations innovantes dans les secteurs sanitaire et médico-social concourant à l’amélioration de la prise en charge et du parcours des patients, de l’efficience du système de santé et de l’accès aux soins, en optimisant le parcours de santé ainsi que la pertinence et la qualité de la prise en charge sanitaire, sociale ou médico-sociale, grâce à une meilleure coordination, notamment par la structuration des soins ambulatoires ou par le renforcement de l’offre de soins dans les zones où celle-ci s’avère insuffisante ;
  • améliorer la pertinence de la prise en charge par l’assurance maladie de certains médicaments, produits ou prestations et la qualité des prescriptions, par la mise en place de modifications affectant : les conditions de prise en charge des médicaments, des produits et prestations associées onéreux au sein des établissements de santé, ainsi que les modalités du recueil d’informations relatives au contexte, à la motivation et à l’impact de la prescription et de l’utilisation de ces médicaments, produits et prestations associées ; les modalités de rémunération et les mesures incitatives ou de modulation concernant les professionnels de santé ou les établissements de santé, ainsi que les mesures d’organisation pour favoriser un recours pertinent aux médicaments et aux produits et prestations associées ; les conditions d’accès à un produit de santé ou à un acte innovant susceptible de présenter un bénéfice clinique ou médico-économique (CSS, art. L.165-1-1).
 Source : La Gazette Santé Social, 21/02/2018. 



Dérogations

 

Pour mettre en œuvre ces expérimentations, il sera possible de déroger à une liste de règles prévues par les codes de la sécurité sociale, de la santé publique, et de l’action sociale et des familles, figurant au point II de l’article L.162-31-1 du CSS et concernant les modalités de financement des prestations couvertes par l’assurance maladie ou certaines modalités d’organisation de l’offre de soins.
En matière de sécurité sociale, les dérogations concernent les règles de facturation, de tarification et de remboursement des actes et prestations inscrits à la nomenclature, des prestations réalisées par les différentes professions de santé, laboratoires de biologie médicale ou centres de santé, ainsi que les prises en charge des frais de transport couverts par l’assurance maladie et les dispositions relatives au financement des activités des établissements de santé publics et privés. S’y ajoutent des possibilités de déroger au principe du paiement direct des honoraires médicaux par le patient et aux conditions de participation des assurés aux frais de santé : ticket modérateur, forfait journalier, franchises. Les principes et bases de la tarification des médicaments et des dispositifs médicaux en ville et à l’hôpital pourront également faire l’objet d’une dérogation.
Pour faciliter le paiement au forfait ou à l’épisode de soins, l’interdiction de partage d’honoraires entre professionnels pourra être levée. Les établissements de santé pourront en outre proposer à leurs patients une prestation d’hébergement temporaire non médicalisé, même déléguée, en amont ou en aval d’une hospitalisation. Des dérogations seront possibles en matière d’autorisations d’activité ou d’équipements matériels lourds, accordés à des groupements constitués soit d’établissements de santé, soit de professionnels de santé, soit des deux ensembles.
Enfin, certaines règles de tarification applicables aux établissements et services sociaux et médico-sociaux pourront être mises de côté, sans qu’en soient encore précisées les modalités quand la tarification relève également des conseils départementaux.

Application

 

Ces expérimentations, nationales ou régionales, sont autorisées pour une durée maximale de cinq ans, par arrêté des ministres en charge de la Sécurité sociale et de la Santé, pour les premières, et pour les secondes, par arrêté des directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS). Elles peuvent nécessiter un avis préalable de la Haute autorité de santé. Deux instances, un conseil stratégique national et un comité technique, sont chargées de faire vivre le dispositif et de veiller à la mise en œuvre de ces nouvelles règles.
Un décret doit préciser les catégories d’expérimentations, les modalités de sélection, d’autorisation des projets, les règles de nomination au sein des conseils stratégiques ou comités techniques. Les modalités du financement de tout ou partie de ces expérimentations, pour lequel la loi a créé un fonds pour l’innovation du système de santé qui sera géré par la Caisse nationale d’assurance maladie, devront être déterminées par ce décret (article 51).

Télémédecine

 

La deuxième mesure phare qui fait entrer la protection sociale dans une nouvelle ère concerne le développement de la télémédecine et des actes de télésurveillance dans le secteur médico-social. L’abrogation du cadre expérimental de prise en charge de la télémédecine s’inscrit dans la continuité de l’accord entre les représentants des médecins et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam), signé le 1er mars 2017. La loi de financement généralise, pour un résident en Ehpad, le remboursement par l’assurance maladie d’un acte de téléconsultation ou d’un acte de télé-expertise entre deux médecins généraliste.
En parallèle, l’article L.162-14-1 du CSS est modifié et autorise, pour quatre ans, des expérimentations portant sur un acte de télésurveillance relatif aux usagers pris en charge en médecine de ville, en établissement de santé ou en structure médico-sociale, y compris les Ehpad.
Les dépenses ainsi engagées seront prises en charge par le fonds d’intervention régional, géré par les ARS. Les conditions de mise en œuvre seront définies dans un cahier des charges arrêté par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale (art. 54).

 Source : La Gazette Santé Social, 21/02/2018.

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