jeudi 8 mars 2018

Lois de bioéthique : quels sont les enjeux et pourquoi les réviser ?

Avec les contributions de Hervé Chneiweiss, président du comité d’éthique de l’Inserm. Ancien membre du Comité consultatif national d’éthique, Jocelyne Fildard, coprésidente de la Coordination lesbienne en France, Suzy Rojtman, présidente du Collectif national pour les droits des femmes et Dorothée Browaeys, présidente de TEK4life, coordinatrice des plateformes de dialogue Nanoresp et Bioresp et Jean-Pierre Basset, militant du don de sang.

Rappel des faits. La révision de la loi de bioéthique de 2011 démarre le 18 janvier avec des états généraux. Un projet de loi doit être présenté au Parlement à l’automne, pour une adoption défi nitive début 2019.
 
Photo : Lionel Bonaventure/AFP
  • Orienter les techniques pour mieux vivre par Dorothée Browaeys, présidente de TEK4life, coordinatrice des plateformes de dialogue Nanoresp et Bioresp

«Quel humain naîtra pour demain ? Sera-t-il produit ou reproduit ? » Ces deux questions seront le cœur battant du prochain Forum européen de bioéthique (FEB), qui se déroulera du 30 janvier au 4 février. Depuis huit ans, ce rendez-vous annuel à Strasbourg aborde les sujets éthiques les plus divers : « Cerveau et comportements », « Le corps en pièces détachées », « Argent et santé », « Le normal et le pathologique »… Peu d’autres espaces en France mobilisent autant de monde : 30 000 personnes – et 112 701 en live-streaming – ont assisté en 2016 aux 40 événements consacrés à « Humain/post-humain ». C’est dire l’intérêt qui perdure pour ces sujets qui préfigurent le monde de demain. Pour autant, les citoyens se sentent-ils impliqués dans la révision des lois de bioéthique qui doit être réalisée en cette année 2018 ? Certes, un sondage réalisé par la Croix et le FEB vient de leur tendre un miroir : on y découvre une France beaucoup plus ouverte aux interventions techniques – pour la procréation notamment. Comme si les Français considéraient désormais que la mondialisation met à disposition toutes sortes de techniques qu’aucune barrière ne peut prétendre d’empêcher l’accès. Alors, seront-ils au rendez-vous des états généraux de la bioéthique – lancés le 18 janvier 2018 – afin d’apporter leur pierre à la révision des lois de bioéthique ?
C’est le vœu du professeur Jean-François Delfraissy, président de Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour les sciences de la vie, en charge de cette révision. Ancien directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), ce dernier a beaucoup collaboré avec les associations lors de l’apparition de l’épidémie. Il veut que le CCNE s’ouvre à la société civile pour coconstruire les savoirs avec les spécialistes. « Je ne crois pas à une éthique figée, confie-t-il. Celle-ci évolue avec la société. » Il entend mobiliser les espaces éthiques régionaux et compter sur le formidable élan des gens aujourd’hui, pour « prendre soin de l’environnement et d’eux-mêmes » ! Pour lui, l’avis des citoyens est essentiel, notamment pour des aspects sociétaux comme le bien-vieillir, la révolution des big data, la santé des migrants, la construction des bio-organes en 4D. « Même si les groupes de travail spécialisés au sein du CCNE procèdent à des auditions de personnalités extérieures, elles ne sauraient être suffisantes », estime-t-il. Face à la rapidité des évolutions techniques, il faut que notre société exprime les usages qu’elle veut privilégier et ceux qu’elle entend bannir. Cela nécessite des méthodes pour soutenir l’information, la discussion et la délibération publiques : ateliers scénarios (comme lors du forum européen Meeting of Life sur les neurosciences), focus groupes, conférences de consensus… Nous ne savons pas les procédures qui seront proposées dans le cadre des états généraux de la bioéthique, mais l’engagement à débattre et à tenir compte des apports, la transparence sur les process de coconstruction des repères sont un enjeu central.

(...)

Source : L'Humanité, 15/01/2018.
Article intégral en ligne : https://www.humanite.fr

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