Lettres de motivation, CV, attendus… Les nouvelles règles instaurées par la plate-forme d’accès à l’enseignement supérieur font le beurre des officines privées de « coaching scolaire ». Ce marché florissant, qui surfe sur l’angoisse et les promesses de sélection, menace l’égalité entre élèves.
«Vive
Parcoursup ! » Stéphane Boiteux est ravi. Enchanté, même, de la
nouvelle plate-forme d’accès à l’enseignement supérieur. Sur son compte
Facebook, il ne tarit pas d’éloges. Parcoursup ? « C’est une démarche
responsable et engageante », s’enflamme-t-il. Bien plus « réfléchie,
sérieuse et argumentée » que son célèbre et décrié prédécesseur
Admission postbac (APB). Un vrai plaidoyer. Il faut dire que Stéphane
Boiteux ne cherche pas à rejoindre la fac. Lui n’est plus un lycéen en
quête d’avenir. Mais le patron intéressé de Motivsup.fr, une de ces
multiples officines privées de « coaching scolaire » qui promettent aux
élèves de terminale de les guider vers la filière de leur rêve,
moyennant finance. Chez Motivsup, on reste relativement modeste. Il vous
en coûtera 49,90 euros pour obtenir un questionnaire d’autoévaluation
sur les « dix compétences clés identifiées par le World Economic Forum »
et un entretien téléphonique avec un « expert ». Le résultat n’est pas
garanti. Moins, en tout cas, que le chiffre d’affaires de Stéphane
Boiteux et de tout le secteur du « conseil en orientation » qui fait son
beurre des nouvelles règles d’entrée à l’université.
Un marché juteux et peu réglementé
Avec ses exigences et sa logique sélective, le portail
Parcoursup, ouvert depuis mi-janvier, s’est révélé une aubaine pour ce
marché florissant et peu réglementé qui surfe sur l’angoisse des
familles. Fondatrice en 2009 de Tonavenir.net, Sophie Laborde-Balen
assure que son activité a progressé ces dernières semaines « de 25 % à
30 % » par rapport à 2017. Studyrama, Diplomeo, Quiétude, Recto Versoi…
Tous se frottent les mains également. « Clairement, les candidats sont
inquiets de ne pas obtenir la formation qu’ils veulent », résume
Clotilde du Mesnil, fondatrice de Cowin Coaching, pour expliquer cet
afflux. Alors que les quelque 800 000 lycéens ont encore jusqu’au 31
mars pour compléter leur dossier d’inscription, les offres et
communications criardes vont continuer d’envahir les réseaux sociaux et
autres salons d’orientation…
Présents, pour la plupart, depuis des années sur le
créneau, les acteurs privés ont, cette année, tiré un sacré profit des
nouvelles règles qui accompagnent Parcoursup. En plus de formuler ses
vœux, chaque élève doit désormais rédiger, pour toutes les formations
demandées, y compris universitaires, une sorte de lettre de motivation
(« projet de formation motivé ») et parfois un curriculum vitae, avec
l’obligation de prouver qu’il répond aux « attendus » fixés par la
filière visée. Des exigences dont peu de lycéens ont l’habitude. Et qui
donnent à la procédure d’inscription des allures de compétition entre
postulants, le tout sur fond d’universités aux capacités d’accueil
incertaines.
40 % des jeunes orientés vers le privé
Les boîtes de « coaching » en ont fait illico un argument
de vente. Et se proposent de « booster » les dossiers afin de mieux se
« démarquer » de la concurrence de son voisin. À ce jeu-là, les tarifs
et le grotesque marketing atteignent des sommets. Le site Tonavenir.net
vend ainsi une « box cadeau dédiée à l’orientation scolaire », qui
propose des formules allant de 250 à 620 euros… Mais son produit phare
reste le « Pass sérénité ». Une « prise en charge totale » des
inscriptions à Parcoursup, avec deux heures d’entretien, l’écriture des
lettres de motivation et même la rédaction des vœux sur le portail, le
tout pour… 560 euros. Le site va jusqu’à « garantir » l’inscription,
tout en précisant, filou, qu’il ne s’agit pas là d’une garantie « au
sens juridique du terme ».
(...)
Article intégral en ligne : https://www.humanite.fr
Source : L'Humanité.fr, 21/03/2018.
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