jeudi 12 avril 2018

Éducation. Parcoursup fait décoller le business de l’orientation scolaire

Lettres de motivation, CV, attendus… Les nouvelles règles instaurées par la plate-forme d’accès à l’enseignement supérieur font le beurre des officines privées de « coaching scolaire ». Ce marché florissant, qui surfe sur l’angoisse et les promesses de sélection, menace l’égalité entre élèves.


«Vive Parcoursup ! » Stéphane Boiteux est ravi. Enchanté, même, de la nouvelle plate-forme d’accès à l’enseignement supérieur. Sur son compte Facebook, il ne tarit pas d’éloges. Parcoursup ? « C’est une démarche responsable et engageante », s’enflamme-t-il. Bien plus « réfléchie, sérieuse et argumentée » que son célèbre et décrié prédécesseur ­Admission postbac (APB). Un vrai plaidoyer. Il faut dire que Stéphane Boiteux ne cherche pas à rejoindre la fac. Lui n’est plus un lycéen en quête d’avenir. Mais le patron intéressé de Motivsup.fr, une de ces multiples officines privées de « coaching scolaire » qui promettent aux élèves de terminale de les guider vers la filière de leur rêve, moyennant finance. Chez Motivsup, on reste relativement modeste. Il vous en coûtera 49,90 euros pour obtenir un questionnaire d’auto­évaluation sur les « dix compétences clés identifiées par le World Economic Forum » et un entretien téléphonique avec un « expert ». Le résultat n’est pas garanti. Moins, en tout cas, que le chiffre d’affaires de Stéphane Boiteux et de tout le secteur du « conseil en orientation » qui fait son beurre des nouvelles règles d’entrée à l’université.

Un marché juteux et peu réglementé

Avec ses exigences et sa logique sélective, le portail Parcoursup, ouvert depuis mi-janvier, s’est révélé une aubaine pour ce marché florissant et peu réglementé qui surfe sur l’angoisse des familles. Fondatrice en 2009 de Tonavenir.net, Sophie Laborde-Balen assure que son activité a progressé ces dernières semaines « de 25 % à 30 % » par rapport à 2017. Studyrama, Diplomeo, Quiétude, Recto Versoi… Tous se frottent les mains également. « Clairement, les candidats sont inquiets de ne pas obtenir la formation qu’ils veulent », résume Clotilde du Mesnil, fondatrice de Cowin Coaching, pour expliquer cet afflux. Alors que les quelque 800 000 lycéens ont encore jusqu’au 31 mars pour compléter leur dossier d’inscription, les offres et communications criardes vont continuer d’envahir les réseaux sociaux et autres salons d’orientation…
Présents, pour la plupart, depuis des années sur le créneau, les acteurs privés ont, cette année, tiré un sacré profit des nouvelles règles qui accompagnent Parcoursup. En plus de formuler ses vœux, chaque élève doit désormais rédiger, pour toutes les formations demandées, y compris universitaires, une sorte de lettre de motivation (« projet de formation motivé ») et parfois un curriculum vitae, avec l’obligation de prouver qu’il répond aux « attendus » fixés par la filière visée. Des exigences dont peu de lycéens ont l’habitude. Et qui donnent à la procédure d’inscription des allures de compétition entre postulants, le tout sur fond d’universités aux capacités d’accueil incertaines.

40 % des jeunes orientés vers le privé

Les boîtes de « coaching » en ont fait illico un argument de vente. Et se proposent de « booster » les dossiers afin de mieux se « démarquer » de la concurrence de son voisin. À ce jeu-là, les tarifs et le grotesque marketing atteignent des sommets. Le site Tonavenir.net vend ainsi une « box cadeau dédiée à l’orientation scolaire », qui propose des formules allant de 250 à 620 euros… Mais son produit phare reste le « Pass sérénité ». Une « prise en charge totale » des inscriptions à Parcoursup, avec deux heures d’entretien, l’écriture des lettres de motivation et même la rédaction des vœux sur le portail, le tout pour… 560 euros. Le site va jusqu’à « garantir » l’inscription, tout en précisant, filou, qu’il ne s’agit pas là d’une garantie « au sens juridique du terme ».

(...)

Article intégral en ligne : https://www.humanite.fr
Source : L'Humanité.fr, 21/03/2018.

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