La loi du 11 février 2005 devait assurer l’accessibilité des personnes handicapées à toute la société. Une décennie plus tard, pour les associations qui manifestent aujourd’hui, le bilan est décevant.
«La
loi de 2005 était une grande loi, avec un vrai souffle, mais elle a été
peu à peu oubliée, victime d’une absence de volonté politique. » En une
phrase, le secrétaire général de la Fnath (association des accidentés
de la vie), Arnaud de Broca, a résumé, hier, la position des 70
organisations du comité d’entente chargé de défendre les droits des
personnes handicapées. Promulgué le 11 février 2005, ce texte devait
améliorer concrètement la vie quotidienne de ces personnes en assurant
l’accessibilité des services et des transports publics, des entreprises
et des logements, mais aussi en instaurant des mécanismes de
compensation du handicap.
Le
3 février 2015, les élèves de Montpellier participaient à une
journée
de sensibilisation, intitulée « différent, comme tout le monde ».
Photo : Pascal Guyot/AFP
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Dix ans plus tard, c’est un anniversaire au goût amer que
« célèbrent » ces jours-ci les associations, tant les « avancées » liées
à cette loi sont restées « limitées » et les manquements, nombreux.
Conséquence : près d’une personne handicapée sur deux (48 %) estime que
son quotidien ne s’est pas amélioré depuis 2005, selon l’enquête Ifop
présentée hier. Une étude dont l’intérêt principal était de comparer le
sentiment des premiers intéressés avec celui de la population dans son
ensemble, mais aussi des élus (maires et conseillers généraux), chargés
de faire appliquer la loi sur le terrain. Où l’on s’aperçoit d’un
décalage certain entre le vécu des personnes handicapées et
l’appréciation des élus. Ainsi, seulement 34 % des premières jugent que
leur « intégration dans la société en général » a progressé en dix ans,
quand les seconds sont 72 % à le penser. Des écarts très conséquents
sont également observés sur « l’intégration dans les écoles » (43 %
contre 77 %), « l’accès aux soins » (29 % contre 69 %) ou « le niveau de
vie » (15 % contre 44 %). « D’une manière générale, les élus pensent
que la loi est plutôt bien appliquée, relève Alain Rochon, président de
l’Association des paralysés de France (APF). Mais ils sont aussi 50 % à
avouer ne pas connaître son contenu. Ceci explique sans doute cela… »
Petit consolation pour eux, ils ne sont pas les seuls à
être battus froid par les personnes en situation de handicap. Celles-ci
estiment que le monde du travail est le terrain dans lequel leur
intégration a le moins progressé (seulement 20 % y ont constaté une
amélioration), quand l’accès aux formations professionnelles leur semble
aussi largement fermé. De même, parmi les « acteurs qui agissent le
plus » en faveur des personnes handicapées, les entreprises font figure
de cancres, avec un faible 3,5 sur 10. Officiellement en progrès (+6,3 %
d’enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire chaque année, selon
le ministère), l’école pourrait relever le niveau. « Sauf que ces
scolarisations en milieu ordinaire ne représentent parfois que deux
heures de cours. Difficile de parler de scolarité normale dans ces
conditions », relativise Christel Prado, la présidente de l’Unapei
(fédération des associations sur le handicap mental). Qui rappelle que
le chiffre – datant de 2008 – de 13 000 enfants « sans aucune solution
éducative » n’a toujours pas été démenti par les pouvoirs publics.
Face à ce sombre constat, les associations ne réclament
pas de nouvelle loi, mais l’application en urgence de celle de 2005. Ce
mercredi, elles ont prévu de manifester dans 35 villes de France, ainsi
que devant l’Assemblée nationale, à l’appel du collectif pour une France
accessible. Objectif : obtenir la réécriture de l’ordonnance du
26 septembre 2014, qui avait accordé de nouveaux délais, jugés trop
longs, aux différents acteurs chargés de mettre en place
l’accessibilité. « Son principe a été inscrit dans la loi en 1975 ! Nous
ne pouvons plus attendre », résument les associations.
Alexandre Fache, L'Humanité, 11/02/2015.
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