Le Collectif pour la santé des travailleuses et des travailleurs a rassemblé, mercredi soir à Paris, des syndicats, associations, médecins du travail, avocats pour contrer les attaques en cours.
« Voici
une étape importante de notre campagne Pour ne plus perdre sa vie à la
gagner : après la pétition, aujourd’hui le meeting qui devrait lancer,
en juin, des états généraux. » Membre du Collectif pour la santé des
travailleuses et des travailleurs, Christophe Godard a rappelé mercredi
soir l’urgence de son « appel à rassembler pour les intérêts du monde du
travail ». Autour de ce syndicaliste CGT de la fonction publique et
administrateur de la Cnam (Caisse nationale d’assurance maladie), une
dizaine de membres signataires, acteurs du mouvement syndical et de la
santé au travail, ont témoigné des attaques qui se sont multipliées
récemment : suppression de postes à l’inspection du travail, négociation
sur la « modernisation » du dialogue social avec, en ligne de mire, la
fin des CHSCT (comité d’hygiène de sécurité et des conditions de
travail) en entreprise, successions de plaintes d’employeurs contre des
médecins du travail et réforme à venir, jurisprudences progressives sans
cesse contrecarrées… et bien sûr la loi Macron.
Créé
en 2007, l’Observatoire des suicides de France Télécom a mis
en lien
les souffrances au travail et l’organisation du travail de l’entreprise.
Photo : Denis Allard/Réa
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« Les salariés sont considérés comme des intrus. »
Anne Marchand, de l’association Henri- Pézerat, a fait
« le même constat sur la remise en cause continue du droit du travail et
de la défense de la santé des travailleuses et des travailleurs ». La
secrétaire de l’association a dénoncé « l’insupportable impunité des
employeurs d’Amisol » dans l’empoisonnement à l’amiante de ses employés,
avec la décision de non-lieu prononcée le 5 février par la cour d’appel
de Paris, mais aussi « l’extension du travail de nuit alors que les
études prouvent son lien avec une augmentation des cancers du sein ».
Face à ces injustices, Anne Marchand a rappelé comment la mobilisation
sociale pouvait faire avancer la loi comme lorsqu’elle déboucha sur
« l’obligation de sécurité de résultat pour l’employeur », obtenue par
l’arrêt amiante de 2002. Pour protéger ces « travailleurs sentinelles »,
mobiliser le réseau devient urgent.
En 2007, les syndicats SUD et CFE-CGC ont créé
l’Observatoire des suicides de France Télécom, mettant en lien les
souffrances au travail et l’organisation du travail de l’entreprise.
« Alors que le PDG, Didier Lombard, voulait supprimer 22 000 emplois
dans l’entreprise où les fonctionnaires étaient encore très
majoritaires, des e-mails étaient envoyés aux agents de France Télécom
pour qu’ils cherchent d’autres postes dans la fonction publique », a
rappelé Pascal Vitte, de l’Observatoire. À Marseille, le suicide d’un
salarié révélait au grand public l’instauration d’un « management par la
terreur » de l’entreprise pour supprimer plus vite ces emplois. En
2005, abandonnant son statut public, l’entreprise avait dû créer des
CHSCT de droit privé. « Ces instances ont beaucoup contribué à la
dynamique de l’observatoire » et notamment à « ouvrir l’organisation du
travail à l’expertise du CHSCT ». Mais aujourd’hui, gouvernement et
Medef, via la négociation sur le dialogue social, veulent revenir sur
ses prérogatives. Pour Pascal Vitte, « il faut défendre le CHSCT ». Mais
son pouvoir a des limites, comme l’a démontré Philippe Billard, salarié
de la sous-traitance dans le nucléaire puis dans la pétrochimie, élu au
CHSCT de son entreprise, qui s’est retrouvé impuissant face au donneur
d’ordres.
« Nous avons proposé une loi sur le devoir de vigilance
des sociétés mères face aux sous-traitants, a expliqué le chercheur
universitaire Michel Capron. Ce concept nouveau a été développé par
l’ONU et l’OCDE et nécessite d’être transposé dans chaque pays. Pour la
France, un texte a été élaboré pendant les dix-huit derniers mois pour
une discussion en janvier. Or, en commission des Lois, le Parti
socialiste, qui avait déposé ce texte, a voté contre… Entre-temps il y a
eu une forte pression patronale pour arriver à un nouveau texte
édulcoré et simplement incitatif. » La sociologue Danièle Linhart a
dénoncé « la comédie humaine du travail » qui se joue aujourd’hui. « On
sous-estime les offensives idéologiques. Le discours patronal, relayé
par le gouvernement, se fait au nom de la santé de l’entreprise. Les
salariés sont considérés comme des intrus. » La directrice de recherche
au CNRS a souligné cette volonté de « simplification » affichée, qui
supprime les institutions qui empêcheraient l’entreprise de travailler…
Face à ces constats partagés, une seule évidence : continuer la
bataille. Dès juin, a assuré Éric Beynel, de Solidaires et membre du
collectif organisateur, des états généraux seront organisés « pour ne
pas évacuer la thématique travail du débat démocratique, et introduire
la citoyenneté dans l’entreprise ».
Kareen Janselme, L'Humanité, 13/02/2015.
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