lundi 9 février 2015

Un plan national pour améliorer l’accès à l’IVG

La date n’a pas été choisie au hasard. La ministre de la santé, Marisol Touraine, et la secrétaire d’Etat aux droits des femmes, Pascale Boistard, devaient annoncer, vendredi 16 janvier, un plan pour améliorer l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), quarante ans après l’entrée en vigueur de la loi Veil qui dépénalisait l’avortement. « C’est une deuxième étape », précise Mme Touraine.


Dès son arrivée au pouvoir, en 2012, la gauche avait instauré le remboursement complet de l’IVG. Puis la majorité parlementaire avait voté, dans la loi du 4 août 2014, et après un débat très nourri avec la droite, la suppression de la notion de détresse requise dans la loi Veil pour les femmes ayant recours à l’IVG, depuis longtemps tombée en désuétude.
« La loi Veil est une loi de progrès, un cadre accepté par l’écrasante majorité des Français, poursuit Mme Touraine. Il s’agit désormais de s’assurer que ce droit peut être exercé simplement. C’est le cas dans l’écrasante majorité des cas. Mais des difficultés peuvent apparaître dans l’accès à une information objective. Il peut aussi y avoir des différences de prise en charge sur le territoire, et des enjeux financiers. »

Manque d’accès à l’information

 

Pour y répondre, la prise en charge à 100 % est étendue aux examens qui entourent l’IVG (rendez-vous, échographie, analyses biologiques). L’accent est mis aussi sur l’information. Après le site Internet ivg.gouv.fr lancé en janvier 2014, un numéro de téléphone unique et anonyme géré par le Planning familial sera créé. Il sera opérationnel en septembre. L’objectif est de concurrencer les plates-formes téléphoniques renvoyant vers des militants anti-IVG.
Enfin, les agences régionales de santé devront élaborer un « plan régional pour l’accès à l’avortement » afin d’identifier les déficits dans l’offre de soins. Les médecins qui exercent dans les centres de santé suffisamment équipés pourront réaliser des IVG chirurgicales. Les sages-femmes pourront, de leur côté, réaliser des IVG médicamenteuses – les médecins y sont hostiles. Ces mesures prendront place dans la future loi de santé, qui doit être examinée au printemps.
Elles répondent à certaines revendications du Planning familial et des associations féministes, qui dénoncent de longue date les difficultés d’accès des femmes à l’IVG. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes avait fait le même constat, dans un rapport en 2013 : le manque d’accès à l’information, les difficultés pratiques pour prendre les divers rendez-vous, la baisse du nombre de gynécologues, la fermeture de cent trente établissements pratiquant l’IVG en dix ans y étaient mentionnés.

« Contraception ponctuelle »

 

Toutes les demandes ne sont cependant pas satisfaites. Le Haut Conseil à l’égalité souhaitait la suppression du délai de réflexion de sept jours entre les deux premiers rendez-vous avec un médecin imposé aux femmes qui veulent avorter, et celle de la clause de conscience des médecins, qui leur permet de refuser de pratiquer l’IVG. Deux mesures jugées trop sensibles, car susceptibles de rouvrir le débat avec la droite sur l’équilibre de la loi Veil.
En quarante ans, le recours à l’IVG a cependant été profondément modifié. Alors qu’il était, lors de la préparation de loi Veil, conçu comme un dernier recours, « le choix d’interrompre une grossesse est désormais devenu un droit », écrivent les chercheurs de l’Institut national d’études démographiques (INED) dans une étude publiée jeudi 15 janvier.
En quarante ans, la proportion de femmes ayant eu recours à l’IVG au moins une fois est passée de la moitié à un tiers. Mais le nombre d’IVG reste stable, une minorité grandissante de femmes y ayant recours de manière répétée. Ainsi, 33 % des femmes avortent au moins une fois dans leur vie, 9,5 % deux fois et 4,1 % trois fois.
L’allongement du délai légal voté en 2001 (de dix à douze semaines) n’a, en revanche, pas conduit les femmes à attendre davantage avant d’interrompre leur grossesse. Au contraire, les avortements ont lieu en moyenne à 6,4 semaines de grossesse, ce qui est lié à la diffusion de l’IVG médicamenteuse (55 % en 2011), pratiquée plus tôt que les IVG chirurgicales.
Ce recours a augmenté chez les femmes de 18 à 25 ans, alors qu’il a diminué après 25 ans. L’allongement de la jeunesse sexuelle des femmes, entre l’âge du premier rapport, plus précoce aujourd’hui (17 ans), et une installation en couple stable plus tardive, explique ces évolutions. « C’est une période où les femmes construisent leur vie, analyse Magali Mazuy, démographe à l’INED. Elles peuvent être en couple puis se séparer. La contraception est ponctuelle. Les femmes sont plus souvent confrontées à la possibilité de grossesses non désirées, non préparées. Les couples attendent également d’être dans les meilleures conditions. »
Les avortements à répétition peuvent s’expliquer par l’inadéquation de la contraception par pilule prescrite à certaines femmes, alors que le stérilet ou l’implant contraceptif, qui ne demandent pas une prise quotidienne, pourraient être plus adaptés.

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