Fin du numerus clausus, médecins salariés… les mesures du plan santé
Emmanuel Macron et Agnès Buzyn doivent présenter, mardi, le contenu du plan de transformation du système de santé.
Si la coercition réclamée par certains élus et rejetée avec force par les syndicats de médecins libéraux est qualifiée de « fausse bonne idée qui découragerait des vocations », l’Elysée laisse planer la menace d’y recourir si les médecins libéraux ne prenaient pas d’ici à la fin du quinquennat une « responsabilité collective »
sur ce sujet. Conséquence prévisible : la loi Buzyn, dont l’examen
devrait avoir lieu début 2019, ne devrait pas faire redescendre les
professionnels libéraux dans la rue, comme l’avait fait la loi Touraine,
qui prévoyait notamment l’obligation du tiers payant généralisé.
- Un desserrement de l’Ondam
Le
chef de l’Etat devait également annoncer un relèvement de l’objectif
national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam) de 0,2 point, en le
portant à 2,5 % en 2019, soit 400 millions d’euros supplémentaires.
D’ici à la fin du quinquennat, ce sont au total plus de 3,4 milliards
d’euros qui seront consacrés au financement de ce plan, annonce le
ministère de la santé.
Ce montant supplémentaire
sera-t-il suffisant pour répondre à toutes les impatiences et à toutes
les colères qui agitent le monde de la santé ? « Ne perdons pas de
vue que les 400 millions d’euros supplémentaires annoncés pour 2019
représentent à peine la moitié de l’effort d’économie demandé en 2018
aux hôpitaux », souligne Fréderic Valletoux, le président de la
Fédération hospitalière de France (FHF), la structure qui représente les
hôpitaux publics.
- 400 médecins salariés dans les « déserts médicaux »
C’est
l’une des mesures les plus immédiates du plan : 400 médecins
généralistes vont être salariés par des centres hospitaliers de
proximité ou des centres de santé situés dans les « déserts médicaux ».
Une opération similaire à celle récemment menée en Saône-et-Loire, où le
conseil départemental a recruté et réparti dans tout le département une
trentaine de médecins salariés aux trente-cinq heures. En 2017, deux
tiers (63 %) des 8 600 nouveaux inscrits au Conseil national de l’ordre
des médecins avaient choisi le salariat.
- Création de 4 000 postes d’assistants médicaux
Sur le modèle des assistants dentaires, des assistants médicaux, présentés comme des « aides-soignants de ville »,
viendront demain épauler les médecins généralistes ou spécialistes. Ces
postes seront financés en priorité dans les « déserts médicaux ». Leur
rôle sera notamment d’aider à préparer les patients pour la consultation
(notamment les personnes âgées), de décharger le médecin d’actes
simples comme une prise de tension ou de température, ou d’assurer le
suivi des rendez-vous.
Ce dispositif devrait permettre
aux médecins de gagner 25 % à 30 % de temps médical. Le gouvernement
prévoit de financer 4 000 postes de ce type d’ici à 2022, soit un gain
de temps médical équivalant à près de 2 000 médecins supplémentaires.
Pour bénéficier de ces assistants, les médecins devront toutefois se
réunir au sein de cabinets de groupes et s’engager à augmenter le nombre
de patients suivis.
La systématisation de la prise de
rendez-vous en ligne, en ville comme à l’hôpital, destinée là aussi à
gagner du temps médical en limitant le nombre de rendez-vous non
honorés, devait aussi être annoncée mardi. Selon le ministère de la
santé, il y aurait 100 millions de rendez-vous médicaux non honorés
chaque année en France, soit l’équivalent de 37 000 emplois temps plein
de médecins.
- Mise en place de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS)
Le
chef de l’Etat, qui souhaite pousser les médecins libéraux à
s’organiser entre eux, devrait annoncer que l’exercice isolé – qui
concerne aujourd’hui encore plus de la moitié des médecins – ne sera
bientôt « plus possible ». D’ici au 1er janvier
2021, des communautés professionnelles territoriales de santé,
c’est-à-dire des réseaux de professionnels de santé libéraux, devront
mailler tout le territoire afin que les médecins puissent s’organiser
entre eux, en lien avec leur hôpital de proximité, pour répondre aux
« urgences de ville » non vitales tous les jours jusqu’à 20 heures et
ainsi alléger des urgences hospitalières. Objectif annoncé : parvenir au
déploiement d’au moins 1 000 CPTS d’ici à 2022.
- Une réorganisation de certaines activités hospitalières
Une
gradation plus nette des activités va être mise en place, répartissant
les établissements en trois catégories (soins de proximité, soins
spécialisés et soins ultra-spécialisés) au sein des groupements
hospitaliers de territoire créés par la loi Touraine. Ceux-ci devront
s’ouvrir au secteur privé.
Si aucun hôpital de proximité
ne devrait fermer, des activités devront, elles, cesser dans certains
établissements, par exemple quand des plateaux techniques sous-utilisés « deviennent dangereux » ou que « l’absence d’un médecin qualifié ne permet pas de sécuriser » le
fonctionnement d’un service. A partir de 2020, de nouvelles « normes »,
qui passeront par des seuils d’activité, seront définies pour les
services d’urgences, les maternités, les services de réanimation,
l’imagerie et la chirurgie. Les plus petits établissements seront « réorientés sur des priorités »
comme la gériatrie, la rééducation, l’imagerie, la biologie ou la
télémédecine. Un nouveau statut d’hôpital de proximité sera créé.
- Une évolution du financement des hôpitaux
L’enveloppe
récompensant la qualité des soins sera portée de 60 à 300 millions
d’euros dès 2019. Des financements au forfait vont par ailleurs être mis
en place dès 2019 pour deux pathologies chroniques : le diabète et
l’insuffisance rénale chronique. « Il n’y aura plus de paiement [de l’hôpital par l’Assurance-maladie] à
chaque consultation, mais un forfait pour solde de tout compte, charge à
l’hôpital de faire en sorte que ses patients n’aient pas besoin de
revenir vingt fois », fait-on valoir à l’Elysée, où l’on explique avoir « mobilisé toutes les sociétés savantes pour calibrer le plus possible le parcours de soin idéal ».
Ces financements seront élargis à partir de 2020 à d’autres
pathologies. D’ici à 2022, ce nouveau système de tarification au
parcours et à la qualité des soins devra peser davantage que la
tarification à l’activité dans le financement des hôpitaux.
- Le numerus clausus supprimé dès la rentrée 2020
Le
numerus clausus, qui limite le nombre d’étudiants admis en deuxième
année d’études de médecine, de maïeutique, d’odontologie ou de
pharmacie, sera supprimé à la rentrée 2020. Reconnaissant que ceci « ne réglera pas le problème de la démographie médicale », la ministre Agnès Buzyn justifie cette mesure par le besoin d’« arrêter le gâchis humain ».
Source : Le Monde, 18/09/2018.
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